Les regards de l'Occident, avec la France en première ligne, se tournent vers une préoccupation grandissante : le coup d'État survenu fin juillet au Niger, qui a ébranlé l'Afrique de l'Ouest de manière profonde et saisissante. Ce renversement a eu pour effet de destituer le président Mahamadou Issoufou, soutenu par Paris. Dans ce contexte, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), longtemps influencée par la France et perçue comme un instrument de son rayonnement régional, a brandi la menace d'une intervention militaire au Niger si les instigateurs du coup ne restituaient pas le pouvoir à Issoufou.

Cette situation découle des mesures prises par les dirigeants des États membres de la CEDEAO, qui ont imposé un embargo aérien au-dessus du Niger pour tous les vols commerciaux, fermé leurs frontières avec le pays et appliqué des sanctions. Ces sanctions englobent la suspension des transactions commerciales et financières avec le Niger, ainsi que des pénalités ciblant les acteurs du coup d'État. En outre, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a annulé l'émission d'obligations d'une valeur de 30 millions de francs CFA, tandis que les paiements de la Banque mondiale au Niger ont été suspendus jusqu'à nouvel ordre. Bola Tinubu, président du Nigeria et à la tête de la CEDEAO, a sous-entendu que l'organisation serait prête à affronter toute nouvelle tentative de renversement par le biais d'une intervention militaire, en collaboration avec l'Union africaine, l'Europe, les États-Unis et le Royaume-Uni.

Un basculement dans l'équilibre des influences

Au-delà de ces manœuvres diplomatiques, cette menace d'intervention militaire au Niger, implicitement sollicitée par la France, traduit le mécontentement palpable à Paris. La décision du Niger de rejoindre les rangs des pays remettant en question l'hégémonie française en Afrique de l'Ouest, aux côtés du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée Conakry et de l'Afrique centrale, a exacerbé les tensions. Les observateurs envisagent même que le Tchad et le Sénégal pourraient suivre une trajectoire similaire. Pour beaucoup, le coup d'État au Niger a été le déclencheur qui a fait déborder le vase pour l'Occident, en particulier pour la France. Celle-ci avait longtemps considéré le Niger comme une pierre angulaire de son influence en Afrique de l'Ouest, une importance accrue après son éviction du Mali et du Burkina Faso.

Dans les couloirs de l'analyse occidentale, les projecteurs se braquent sur les Français et d'autres observateurs qui perçoivent le coup d'État comme un catalyseur de l'expansion de l'influence russe en Afrique de l'Ouest. Tandis que le groupe militaire russe Wagner fait des incursions décisives dans cette région, le balancier de l'influence traditionnelle française semble pencher en faveur d'un nouvel acteur. Les cartes géopolitiques sont en mouvement : la France, consciente du poids stratégique de l'Afrique de l'Ouest, en particulier du Niger considéré comme une source cruciale d'uranium, se voit challengée dans son rôle historique. Les inquiétudes franco-occidentales trouvent un écho troublant dans les éloges prononcés par Evguéni Prigojine, chef du groupe Wagner, qui voit dans ce coup d'État une pièce maîtresse dans le puzzle de la lutte du Niger contre son passé colonial. Une manœuvre habilement exploitée par la présidence ukrainienne pour pointer du doigt la Russie dans l'ombre du renversement politique.

Au-delà de la perte de l'emprise française sur le Niger en tant que plaque tournante d'influence en Afrique de l'Ouest, les regards occidentaux s'accordent à accuser la Russie d'une stratégie minutieuse. Les analystes voient dans le soutien au coup d'État une manœuvre visant à contrer un projet crucial de pipeline. Ce pipeline aurait tracé sa route du Nigeria à travers le Niger, aboutissant en Algérie, pour in fine approvisionner l'Europe en pétrole et en gaz. Un défi audacieux à la suprématie énergétique russe sur le continent.

Pendant que les enjeux se jouent en coulisses, la France a d'ores et déjà dénoncé le coup d'État, refusant d'accorder toute légitimité à ses nouveaux dirigeants. Elle maintient le cap, considérant Bazoum comme l'unique président légitime du Niger. Paris, en concertation avec l'Union européenne, a suspendu son soutien financier et développemental au Niger, rompu les liens contractuels en matière de sécurité. Les États-Unis, sur une note similaire, ont fermement condamné le coup d'État, le jugeant comme une tentative d'accaparer le pouvoir par la force et de violer la constitution. Les échos de condamnations se font entendre : la Banque mondiale, l'Union africaine et les Nations Unies entonnent la même dissonance.

Pendant ce temps, la présence grandissante du groupe militaire russe Wagner sur ce théâtre d'influence laisse présager des changements majeurs. Les rangs des opposants à une intervention militaire occidentale au Niger s'épaississent rapidement. Mali et Burkina Faso, voisins du Niger, se sont faits les messagers d'une déclaration conjointe, prévenant qu'une intervention militaire étrangère serait perçue comme une "déclaration de guerre" à leurs nations. Un avertissement lourd de sens qui souligne la détermination des deux pays. Le Burkina Faso et le Mali se tiennent en solidarité fraternelle avec le peuple nigérien, tandis qu'ils rejettent les sanctions de la CEDEAO, les qualifiant d' "illégales, illégitimes et inhumaines", dans une mise en garde adressée à ceux qui espéraient déstabiliser la région.

De même, le président guinéen, Mamadi Dombouya, a clairement fait part de son opposition à toute intervention militaire au Niger, refusant catégoriquement les éventuelles sanctions dirigées contre ce pays. Dans le même temps, l'Algérie a pris position en rejetant fermement toute perspective d'action militaire au Niger, tandis que l'Italie a suivi cette ligne, motivée par la préoccupation d'une nouvelle vague de migrations africaines. Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a affirmé sans ambiguïté que toute opération militaire dans le contexte nigérien serait perçue comme une résurgence du colonialisme, une perspective largement réprouvée par les peuples du monde entier.

Il est essentiel de souligner que les aspects internes du récent coup d'État au Niger ont été en grande partie éclipsés par les dynamiques géopolitiques en Afrique de l'Ouest. Depuis son accession à l'indépendance en 1960, le Niger est demeuré sous l'influence marquée de la France, où des entreprises françaises ont exploité les richesses du pays, telles que l'or et l'uranium, alors qu'une grande partie de la population nigérienne est restée en proie à la pauvreté. Les conditions se sont détériorées sous la présidence de Bazoum, caractérisées par l'augmentation du coût de la vie et la prolifération de la corruption.

Il est primordial de noter que le Niger occupe le dernier échelon dans l'Indice de Développement Humain des Nations Unies. Le pays a traversé des périodes de révolte, de troubles politiques et de prolifération de groupes terroristes, notamment Boko Haram. Dans ce contexte, la France a exploité ces circonstances pour renforcer sa présence militaire et son influence sur le territoire, aux côtés des États-Unis et de la Turquie, qui ont également établi des bases au Niger. Le Conseil militaire nigérien a estimé que les puissances occidentales n'avaient pas apporté le soutien nécessaire à leur nation, aggravant même la situation économique. Cette conjoncture a conduit au coup d'État du 26 juillet, orchestré par le Conseil militaire, entraînant l'arrestation du président Mahamadou Issoufou. Le général Abdoul-Rahman Cherif s'est autoproclamé nouveau président du Conseil militaire. Dans les rues du Niger, les citoyens ont exprimé leur soutien au coup d'État en manifestant, saluant la Russie tout en critiquant vivement la France.