Dans un développement majeur, le ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Al Meqdad, a entrepris une visite significative à Bagdad, où il a tenu une rencontre décisive avec son homologue irakien, Fouad Hussein. Alors que certains observateurs assimilent cette visite à une étape supplémentaire des déplacements précédents du ministre Al Meqdad dans plusieurs capitales arabes telles que Le Caire, Riyad, Tunis et Alger, tous inscrits dans le cadre de la normalisation des relations entre la Syrie et les pays arabes, il est important de souligner que cette visite revêt une importance particulière en raison du rôle clé de l'Irak pour la Syrie dans divers domaines d'intérêt mutuel.

L'alliance stratégique syro-irako-iranienne !

Le premier élément est étroitement lié à la situation géographique de l'Irak, situé entre la Syrie et l'Iran, deux alliés stratégiques depuis 1980. Ainsi, la visite du ministre Al Meqdad en Irak s'inscrit dans une dynamique de renforcement des liens avec Bagdad, dans le but de renforcer les connexions terrestres entre la Syrie d'une part et l'Iran de l'autre, en passant par le territoire irakien. Cette démarche vise à créer un axe rassemblant Téhéran, Bagdad et Damas, en dépit des obstacles tels que la présence continuent des forces américaines en tant qu'occupantes en Irak, ainsi que l'établissement de bases dans la région nord-est de la Syrie et dans la zone de Tanf, à la frontière entre l'Irak et la Syrie, entravant ainsi les communications terrestres entre Bagdad et Damas.

Cela nous conduit au second aspect de cette visite, qui consiste à approfondir les relations avec Bagdad dans le cadre d'une coordination des efforts entre la Syrie et l'Irak pour faire face à l'occupation américaine dans les deux pays et parvenir à leur libération. Il convient de souligner que cette démarche s'inscrit dans les objectifs stratégiques déclarés de Téhéran, qui vise à évincer les États-Unis de la région du Moyen-Orient, même si cet objectif est considéré comme particulièrement difficile à atteindre. Il est évident que cette dimension nécessite un processus à long terme, inscrit dans la planification stratégique de la Syrie et de l'Iran. Un volet connexe de cette démarche concerne les efforts déployés par la Syrie et l'Irak pour lutter contre le terrorisme et combattre les groupes armés qui s'opposent aux gouvernements syrien et irakien, remettant ainsi en question le prétexte avancé par les États-Unis pour justifier l'établissement de bases dans les deux pays au nom de la lutte contre le terrorisme.

Contrebalancer les ambitions expansionnistes de la Turquie

Le troisième volet concerne la coordination des positions de l'Irak et de la Syrie face aux attaques répétées de la Turquie contre leurs territoires respectifs. La Turquie a étendu son emprise en Syrie, notamment dans la région stratégique d'Idlib, située dans le nord-ouest du pays. En outre, elle apporte son soutien à des groupes armés opérant dans cette région, tout en consolidant son occupation le long de la frontière syro-turque. De son côté, Damas s'efforce de mettre un terme à cette ingérence, mobilisant tous les moyens à sa disposition, notamment en coopérant avec l'Iran et la Russie au sein d'une plateforme à laquelle la Turquie a été invitée. Cette initiative a donné lieu à des réunions entre les ministres de la Défense de ces quatre pays, suivies de rencontres entre les sous-ministres des Affaires étrangères, avant même les élections présidentielles en Turquie. Toutefois, la Syrie reste méfiante quant aux intentions de la Turquie, qui a déjà failli à ses engagements par le passé, ce qui atténue la crédibilité de ces promesses, notamment après les élections turques ayant reconduit Recep Tayyip Erdogan pour un nouveau mandat présidentiel. Par ailleurs, la Turquie mène des attaques récurrentes contre les territoires irakiens sous prétexte de combattre les séparatistes kurdes, qui utilisent certaines zones du nord de l'Irak comme bases pour leurs opérations militaires contre les forces turques, à l'intérieur même des frontières de la Turquie. Une telle escalade est perçue par l'Irak comme une agression contre sa souveraineté et son intégrité territoriale. Par ailleurs, un autre sujet préoccupant rapproche la Syrie et l'Irak face à la Turquie, celui des barrages érigés par cette dernière sur les sources des fleuves Tigre et Euphrate, provoquant une pénurie d'eau considérable dans ces deux cours d'eau qui prennent leur source en Turquie, avant de traverser la Syrie et l'Irak. Cette situation a engendré une crise hydrique profonde dans le nord de la Syrie et en Irak, ayant des conséquences néfastes sur la consommation d'eau et le secteur agricole de ces deux pays.

Rétablissement et résolution de la problématique des réfugiés syriens : vers une reconstruction durable

Le quatrième volet de cette visite concerne les efforts de reconstruction entrepris par la Syrie pour relever son économie et reconstruire ses infrastructures, durement éprouvées au cours des douze années de guerre qui ont ravagé le pays. Damas a engagé des discussions à ce sujet avec plusieurs pays arabes, notamment l'Égypte, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. En outre, elle mise sur la participation active de l'Irak dans ce processus de reconstruction, compte tenu de la richesse de ce pays en ressources pétrolières et de son vaste marché de consommation. La Syrie compte également sur l'Irak pour servir de corridor terrestre permettant le passage de marchandises et d'aides iraniennes à destination de la Syrie, ce qui réduirait la dépendance au transport maritime à travers l'océan Indien, la mer Rouge, le canal de Suez et la Méditerranée orientale, contournant ainsi les obstacles et les risques imposés par Israël et les États-Unis.

Le cinquième aspect de cette visite est étroitement lié à la question des réfugiés syriens dispersés dans plusieurs pays arabes. La Syrie nourrit l'espoir que l'Irak jouera un rôle actif dans la résolution de ce dossier, notamment en raison du nombre considérable de réfugiés syriens qu'il accueille sur son territoire. Le ministre irakien des Affaires étrangères, Fouad Hussein, a annoncé des efforts visant à organiser un sommet regroupant l'Irak, la Syrie, la Jordanie, l'Arabie saoudite, l'Égypte et le Liban afin de coordonner leurs actions en vue de faciliter le rapatriement de ces réfugiés. Cette initiative vise à neutraliser les manœuvres potentielles des États-Unis, craintes par les dirigeants syriens, qui pourraient utiliser cette question comme un moyen de déstabilisation dans plusieurs pays arabes, dans le cadre des efforts plus larges déployés par Washington pour redessiner la géopolitique de la région du Levant arabe.

Conclusion

Afin de garantir le succès de la coordination des efforts de la Syrie avec l'Irak dans la stabilisation de la situation politique à Bagdad, en dépit des divisions qui ont émergé parmi les membres de l'élite politique et qui ont engendré d'importants bouleversements ces dernières années, il est essentiel de prendre en compte les tensions persistantes entre l'Iran et les États-Unis pour s'assurer de leur influence respective dans ce pays.