Alors que l'horizon de 2024 se profile, l'Ukraine se retrouve dans une impasse périlleuse, jonglant entre la continuation d'un conflit coûteux sur le plan humain et économique, ou l'exploration de pourparlers avec la Russie pour une issue pacifique.

Le récit des six derniers mois dessine une toile complexe : une offensive soutenue par l'Occident n'a produit que des avancées modestes, remettant en question les stratégies adoptées. C'est un point de bascule, tant sur le plan intérieur qu'extérieur.

En interne, des dissensions émergent contre le président Zelensky pour la première fois depuis le début du conflit il y a près de deux ans. Le chef d'état-major, le général Valeri Zaloujny, a souligné dans une entrevue avec « The Economist » que les fronts atteignent une impasse, un discours en opposition directe à celui de Zelensky, l'acteur majeur dans le renversement de l'offensive russe sur Kiev et Kharkiv.

Zelensky mise sur un renfort militaire occidental pour rompre les défenses russes, notamment en sollicitant des avions de chasse « F-16 » et des systèmes de missiles avancés. Cette quête effrénée d'armement survient après des événements marquants, tels que la destruction du navire « Novocherkassk », un acte suivi par une escalade de frappes russes sur plusieurs villes ukrainiennes.

L'année 2024 s'annonce décisive pour l'Ukraine, à la croisée des chemins entre guerre et négociation, où chaque choix pèsera lourdement sur son destin

Zelensky est convaincu qu'un renforcement de l'arsenal occidental et le recrutement de 500 000 hommes pourraient repousser les forces russes au-delà des frontières de l'Ukraine, mettant ainsi une pression sur le président Vladimir Poutine pour entamer des négociations dans une position affaiblie. L'espoir est que la Russie indemnise l'Ukraine pour ses pertes de guerre, tout en assurant potentiellement l'adhésion de Kiev à l'OTAN et à l'Union européenne, garantissant ainsi la sécurité ukrainienne à long terme.

Pourtant, Zaloujny s'oppose à cette stratégie, jugeant le recrutement de 500 000 hommes irréalisable tant sur le plan pratique que financier. Ces derniers mois, Zelensky a limogé des responsables du recrutement pour leur incapacité à remplir leurs fonctions, au milieu d'allégations de corruption et de rapports indiquant que certains auraient accepté des pots-de-vin pour exempter de jeunes hommes du service militaire.

Pendant ce temps, l'ancien boxeur et actuel maire de Kiev, Vladimir Klitschko, exprime un mécontentement croissant face à ce qu'il qualifie de « tendance autoritaire » chez Zelensky. Le refus de Zelensky de tenir des élections présidentielles cette année, invoquant des lois d'urgence appliquées depuis le début de la guerre en février 2022, alimente les préoccupations de Klitschko.

Zelensky n'a pas caché son appréhension quant à un éventuel retour de Trump au pouvoir, redoutant un arrangement au détriment de l'Ukraine.

Cette impasse interne, combinée à l'échec de la contre-offensive, coïncide avec le refus des républicains au Congrès d'approuver un nouveau paquet d'aide de 61 milliards de dollars américains pour l'Ukraine, faisant partie d'une demande d'aide d'urgence de 106 milliards de dollars du président Joe Biden. Cette aide comprend notamment 14 milliards de dollars pour Israël après le conflit de Gaza, une aide à Taïwan et le renforcement de la frontière sud des États-Unis contre l'immigration illégale en provenance du Mexique.

Les républicains restent fermes dans leur refus de débloquer l'aide prévue pour l'Ukraine, exigeant que Biden prenne des mesures drastiques en matière de réforme de l'immigration, ce qui nécessiterait des dépenses considérables pour être mis en œuvre. Des négociations entre les partis démocrate et républicain restent en cours sur cette question.

Par ailleurs, au sein du Parti républicain, de plus en plus de voix s'élèvent pour remettre en question la nécessité d'envoyer davantage d'aide à l'Ukraine, tandis que la stratégie de Biden concernant l'issue du conflit ukrainien demeure floue. L'ancien président Donald Trump a même affirmé sa capacité à mettre fin à la guerre en 24 heures s'il revenait à la Maison Blanche lors des prochaines élections présidentielles en novembre.

Zelensky n'a pas caché son appréhension quant à un éventuel retour de Trump au pouvoir, redoutant un arrangement au détriment de l'Ukraine. Ainsi, le président ukrainien fait pression pour obtenir davantage d'armements afin de raviver les fronts et tente de convaincre les législateurs américains de maintenir leur soutien à l'Ukraine. Il martèle que la victoire de la Russie inciterait Poutine à envisager d'autres invasions en Europe.

Ces développements gravitent autour de la crise ukrainienne, soulignant que l'explosion du conflit entre Israël et Gaza a eu des répercussions négatives sur l'Ukraine, détournant l'attention internationale vers le Moyen-Orient, une région scrutée par les États-Unis avec un intérêt aussi marqué que pour la sécurité européenne.

Zelensky parviendra-t-il à convaincre les États-Unis et l'Europe de lui accorder une nouvelle opportunité pour inverser la tendance sur le terrain ? Et cette démarche justifie-t-elle l'attaque contre le navire de débarquement russe « Novocherkassk », déclencheur d'une escalade mutuelle impliquant des villes ukrainiennes et russes ?