"L'Algérie accélère son rapprochement avec les pays de l'Est, marquant ainsi une étape significative dans ses relations internationales. La visite du Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à Pékin, en parallèle avec son déplacement à Moscou, et celle du ministre des Affaires étrangères algérien en Iran, témoignent de cette démarche. Ces développements ont récemment conduit à l'annonce officielle de l'intention de l'Algérie de rejoindre le prestigieux groupe BRICS, rassemblant la Chine, la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil.

Ces évolutions marquent un tournant majeur pour l'Algérie dans la région de l'Afrique du Nord et de l'Ouest, où elle affirme son statut d'acteur régional clé. Face aux initiatives de la France pour reprendre de l'influence dans cette zone, appuyée par les États-Unis et Israël, l'Algérie opte pour une approche stratégique d'envergure. Son adhésion au groupe BRICS et le renforcement de ses liens avec des puissances telles que la Russie, la Chine et même l'Iran, vont bien au-delà des considérations économiques. En effet, ces démarches visent à établir un partenariat solide avec les nations eurasiennes pour consolider la position de l'Algérie face aux puissances occidentales et à Israël, qui apportent leur soutien au régime marocain."

"Les liens sino-algériens : une importance stratégique

Le lundi 17 juillet 2023, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a entamé une visite capitale de cinq jours à Pékin, donnant une nouvelle impulsion au renforcement des relations bilatérales et de la coopération stratégique entre les deux nations. Cette coopération, amorcée en 2014 et consolidée par un plan de coopération stratégique dévoilé en 2022, prévoit une prolongation jusqu'en 2026. Le Président Tebboune et son homologue chinois Xi Jinping ont clairement affiché leur volonté de renforcer la coopération économique, sécuritaire, militaire, technologique, agricole, industrielle et commerciale. Les deux dirigeants ont également scellé leur partenariat dans des domaines tels que l'exploration spatiale, les infrastructures, la pétrochimie, les énergies renouvelables, le développement ferroviaire, le sport, l'investissement, la recherche scientifique, la justice et le développement social. Pas moins de 19 accords ont été signés, couvrant ces différents secteurs.

Ces développements marquent le retour incontestable de l'Algérie en tant qu'acteur régional majeur en Afrique du Nord et de l'Ouest, face aux ambitions de la France qui cherche à retrouver son influence dans la région, avec le soutien des États-Unis et d'Israël. L'adhésion au groupe BRICS et le renforcement des liens avec la Russie, la Chine et même l'Iran ne se résument pas à des considérations économiques pour l'Algérie, mais visent à établir un partenariat stratégique avec les puissances eurasiennes, afin de consolider la position de l'Algérie face aux puissances occidentales et à Israël, qui soutiennent le régime marocain.

Dans le cadre de cette visite historique, le Président chinois a affirmé à son homologue algérien que leurs deux nations se soutiendront mutuellement en toutes circonstances, exprimant ainsi l'enthousiasme de Pékin quant à l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et au groupe BRICS. Dans un communiqué conjoint, les deux présidents ont également souligné leur engagement à collaborer dans la lutte contre les organisations terroristes extrémistes sur leur territoire, et à apporter leur soutien à des pays tels que la Somalie et le Soudan dans leurs efforts sécuritaires pour instaurer la paix et la stabilité, ce qui s'avère être un défi implicite à l'influence occidentale au Soudan et dans la Corne de l'Afrique.

Ce renforcement des relations stratégiques entre la Chine et l'Algérie offrira à ce dernier une opportunité unique de bénéficier du soutien d'un groupe de poids sur la scène internationale, comprenant notamment l'Organisation de Coopération de Shanghai et le groupe BRICS, qui ont tous deux pour objectif de contrer l'hégémonie occidentale dans le système mondial. L'Algérie, quant à elle, nourrit des aspirations à s'affirmer face à l'influence historique de la France dans le Nord et l'Ouest de l'Afrique, héritée de la période coloniale, et que Paris tente de consolider, en particulier depuis le déclenchement du Printemps arabe en 2011, qui a entraîné la chute des régimes tunisien et libyen à l'époque."

"L'Algérie, acteur clé des relations stratégiques sino-africaines

Située sur les côtes de la Méditerranée occidentale, dans la région nord-ouest de l'Afrique, l'Algérie joue un rôle majeur sur la scène régionale en raison de ses abondantes ressources. Cette position géographique privilégiée offre à Pékin une passerelle vers la Méditerranée occidentale, l'ouverture vers l'Afrique de l'Ouest et l'accès au cœur du continent noir, au sud du Sahara et au sud de l'équateur. Il est essentiel de noter que l'Afrique est devenue l'arène principale de compétition entre deux coalitions : d'un côté, la coalition occidentale représentée par les pays membres de l'OTAN, sous la direction des États-Unis, et de l'autre côté, la coalition eurasienne menée par la Chine et la Russie. Le continent africain, riche en ressources naturelles et en matières premières, offre un marché prometteur, suscitant ainsi une rivalité entre les deux coalitions pour étendre leur influence. Dans ce contexte, l'Algérie occupe une position stratégique cruciale en tant qu'allié puissant pour la Russie et la Chine au cœur du continent africain.

Des liens militaires et économiques solides entre la Chine et l'Algérie

Les relations entre la Chine et l'Algérie sont marquées par une coopération militaire étroite, incluant des ventes d'armes, des programmes de formation militaire conjoints et des exercices militaires. La Chine joue un rôle essentiel en tant que fournisseur majeur d'équipements militaires pour l'Algérie, renforçant depuis des décennies ses capacités de défense avec la fourniture d'avions, de véhicules blindés, d'artillerie et d'armes individuelles. En parallèle, la Chine propose des programmes de formation aux militaires algériens, axés sur la lutte contre le terrorisme, les opérations de maintien de la paix et les tactiques militaires, afin d'améliorer les compétences de combat des forces armées du pays.

Au-delà de cette coopération militaire, les liens économiques entre la Chine et l'Algérie sont particulièrement solides. La Chine figure parmi les principaux partenaires commerciaux de l'Algérie et représente un investisseur majeur dans le pays. Au cours des dernières décennies, de nombreux accords ont été conclus entre les deux nations. Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l'Algérie a atteint près de 10 milliards de dollars ces dernières années. Les exportations algériennes vers la Chine s'élèvent à environ 7,8 milliards de dollars, principalement composées de pétrole, de produits pétroliers et de gaz, ainsi que d'autres matières premières. En retour, les exportations chinoises vers l'Algérie atteignent environ 2 milliards de dollars, comprenant des équipements électroniques, des machines, des textiles et des produits manufacturés.

Les investissements chinois en Algérie sont évalués à environ 9 milliards de dollars, englobant le développement des infrastructures telles que les autoroutes, les ports, les chemins de fer et le logement. Ces investissements incluent également le soutien au développement de Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale algérienne, ainsi que des initiatives dans les domaines des énergies renouvelables, du secteur de la construction et des travaux publics, notamment pour l'expansion de l'aéroport international d'Alger. En outre, ces investissements couvrent la coopération dans les secteurs de l'agriculture, des communications, de l'exploitation minière, de la technologie et de l'industrie pharmaceutique."

Conclusion

L'essor des relations sino-algériennes suscite des inquiétudes parmi plusieurs puissances, notamment les États-Unis en tête. Pour Washington, ces liens renforcent la position de la Chine et des puissances eurasiennes en Afrique, remettant en question l'influence occidentale traditionnelle, au cœur de ses efforts pour maintenir sa domination mondiale. La France également n'est pas enthousiaste quant à cette évolution des relations sino-algériennes, car elle accroît la capacité de l'Algérie à défier l'influence française historique en Afrique du Nord et de l'Ouest, malgré une importante baisse des liens entre Paris et Alger ces dernières décennies. Israël est aussi parmi les pays les plus préoccupés, considérant l'Algérie comme un ennemi historique en raison de son soutien indéfectible à la cause palestinienne et de son refus de normaliser ses relations avec Tel Aviv. Enfin, le Maroc est impacté par le renforcement des liens sino-algériens, ainsi que par le renforcement du pouvoir de l'Algérie, dans le cadre de la compétition traditionnelle entre les deux pays en Afrique du Nord-Ouest, et de la question du Sahara occidental que l'Algérie soutient dans sa quête d'indépendance vis-à-vis du Maroc.