Les pourparlers se sont focalisés sur la perspective d'un échange de prisonniers avec l'Iran, où trois ressortissants américano-iraniens sont actuellement détenus. La réussite de cette démarche pourrait engendrer un contexte favorable à de potentielles négociations nucléaires et tracer la voie vers des évolutions d'une importance capitale.

Le contexte et les rencontres rapides laissent entrevoir un nouvel engagement visant à résoudre la crise nucléaire iranienne avant qu'elle ne dégénère en une explosion régionale.

Selon le Financial Times, l'émissaire spécial américain pour l'Iran, Robert Malley, a eu à plusieurs reprises des rencontres avec l'envoyé iranien auprès des Nations Unies, Amir Said Iravani, qui occupait un poste de haut niveau au sein du Conseil suprême de sécurité nationale iranien avant d'être envoyé à New York l'été dernier. Aucune des parties n'a démenti cette information. On estime que ces pourparlers représentent le premier contact direct entre responsables américains et iraniens depuis la décision prise par l'ancien président américain Donald Trump en 2018 de se retirer de l'accord nucléaire conclu entre Téhéran et les puissances mondiales, connu sous le nom de Plan d'action global commun, et d'imposer à l'époque une longue liste de sanctions à la République islamique. En réaction, Téhéran a considérablement intensifié son programme d'enrichissement d'uranium, engendrant l'une des crises mondiales les plus complexes.

Les discussions ont principalement porté sur la possibilité d'échanger des prisonniers avec l'Iran, qui détient trois ressortissants américano-iraniens. Si cet échange réussit, cela pourrait créer un climat favorable à toute discussion sur le nucléaire et ouvrir la voie à des enjeux plus importants.

Ce développement majeur s'inscrit inextricablement dans un contexte politique crucial, en corrélation avec la visite exceptionnelle du Sultan d'Oman, Haitham bin Tariq, à Téhéran, où de nombreux enjeux bilatéraux et régionaux ont été abordés. Une remarquable particularité a été la présence du principal négociateur iranien, Ali Bagheri Kani, lors des rencontres entre le Sultan Haitham, le Guide suprême et le Président iranien, donnant ainsi l'impression que ces discussions sont en lien avec l'accord nucléaire et les efforts déployés pour débloquer les avoirs iraniens gelés à l'étranger. Il est également important de noter le rôle de médiation joué par le gouvernement qatari dans cette même direction, bien qu'il ne se superpose pas aux initiatives omanaises. Les observateurs sont convaincus que l'accord d'échange de prisonniers, en particulier avec les Américains, est sur le point d'être conclu, tandis que la question des fonds iraniens gelés progresse vers une solution, nécessitant toutefois du temps en raison de la fermeté du département du Trésor américain, conformément à une décision du Congrès.

Pendant ce temps, des experts en affaires iraniennes tels qu'Andrew England, Felicia Schwartz et Najmeh Bozorgmehr confirment que Washington et les principales capitales européennes ont relancé les discussions sur la manière de traiter l'activité nucléaire iranienne, craignant qu'elle ne déclenche un conflit généralisé entre l'Iran et Israël alors que l'Occident est déjà engagé dans la guerre en Ukraine et confronté au conflit avec la Chine. Cette démarche représente un changement de mentalité occidentale et confirme les inquiétudes liées à l'escalade de la crise, alors que Téhéran a enrichi de l'uranium à des niveaux qui ont alerté les responsables américains ces derniers mois, indiquant que l'Iran pourrait produire suffisamment de matériaux pour fabriquer une arme nucléaire en moins de deux semaines. Cette situation s'accompagne de la menace israélienne selon laquelle l'État hébreu est prêt à tout pour empêcher l'Iran de développer une arme nucléaire, y compris recourir à une guerre totale.

Quoi qu'il en soit, des signes de souplesse émergent dans la position américaine, motivés par des facteurs tant internes qu'externes, liés aux évolutions en cours au Moyen-Orient et dans le monde. Joe Biden semble déterminé à parvenir à un accord avant les prochaines élections présidentielles de l'année prochaine, afin de pouvoir revendiquer le succès de son administration à réintégrer l'Iran dans la communauté internationale, là où Trump a échoué. Parallèlement, Washington s'inquiète de la perspective d'une nouvelle explosion de tensions au Moyen-Orient, une situation qui lui serait préjudiciable, d'autant plus que ses bases militaires dans la région pourraient être exposées aux actions de l'Iran. Les préoccupations s'étendent également à l'approfondissement de la coopération militaire entre l'Iran, la Russie et la Chine, notamment suite à l'afflux de technologies militaires russes à Téhéran, notamment les avions de combat Sukhoi-35, en échange de la fourniture de drones de combat hautement efficaces par Téhéran à la Russie dans le cadre du conflit en Ukraine. Un éventuel nouvel accord entre Washington et Téhéran pourrait contribuer à démêler les liens militaires entre la Russie et l'Iran.

Par ailleurs, la nouvelle proposition du "Comprehensive Joint Plan of Action" renforcerait les gains de Washington et de ses alliés occidentaux dans des secteurs économiques, commerciaux et scientifiques clés en Iran, en particulier étant donné l'incertitude quant à la trajectoire future de l'Iran après la période de l'Ayatollah Khamenei. En revanche, Téhéran adresse un message à l'Occident à travers son accord avec l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes, affirmant être un "pays modéré" cherchant la stabilité et ouvert au dialogue. En effet, Téhéran a réduit son soutien aux Houthis au Yémen, ainsi qu'au Hamas et au Jihad islamique à Gaza, et a libéré des otages occidentaux, exprimant ainsi son engagement à condition que les autres parties fassent de même, et sa volonté de répondre positivement si les autres parties se montrent réceptives.

Il est possible qu'aucun nouvel accord nucléaire global ne soit annoncé à l'horizon, mais la prédominance de la non-escalade entre les deux parties est notable, sauf en cas de surprises, la plus dangereuse étant une réaction imprudente du gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui attend depuis longtemps une rencontre avec l'administration américaine, mécontente de ses politiques et de ses orientations extrémistes. L'annonce entre les États-Unis et l'Iran pourrait revêtir la forme d'un accord intérimaire intitulé "gel contre gel", impliquant que l'Iran réduise ses niveaux d'enrichissement de l'uranium en échange de la levée des sanctions par Washington et les pays occidentaux. Quoi qu'il en soit, un tel accord constituerait une avancée supplémentaire dans les développements en cours dans la région, insufflant un sentiment de soulagement et d'espoir à cette région meurtrie pour la première fois depuis des décennies.