Avec l’élection a la Présidence de la République du Commandant de l’Armée, le Général Joseph Aoun, et la nomination à la tête du gouvernement, du Président de la Cour Internationale de Justice M. Nawaf Salam grâce à une majorité parlementaire, le "Hezbollah" s’est rendu compte qu'il n'était plus désormais la force influente qui lui avait permis de contrôler les leviers de l'État pendant des décennies. Cette nouvelle réalité a été rendue publique par le chef du bloc parlementaire du "Hezbollah", Mohammad Raad, qui avait laissé entendre que le Président de la Chambre Nabih Berri et le "Hezbollah" étaient parvenus a un accord avec le candidat Aoun sur leur support pour son élection a la Présidence avec le maintien comme Premier ministre de Najib Mikati a la tête du gouvernement, et des garanties sur le rôle Chiite dans le gouvernement, mais aussi, sur le maintien des armes du "Hezbollah" au Nord du fleuve Litani. La réalité est qu’un tel accord n’a jamais eu lieu, le candidat présidentiel n’en ayant pas besoin. Berri et Raad ont en réalité exprimé des souhaits, et le "Hezbollah" a finalement décidé de donner ses voix lors de l’élection du Général Aoun pour ne pas se retrouver dans la minorité. De toute manière, il faut savoir que ce n’est pas le Président de la République qui choisit le Premier Ministre.
La question des armes est claire, tout comme leur sort, qui est stipulé dans l'accord de cessez-le-feu du 27 novembre 2024 que tout le monde a approuvé sans exception dans tous ses détails. Le gouvernement ne l'avait approuvé qu'après le consentement du "Hezbollah".
Cet accord stipule l'application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies, 2006, pour mettre fin aux hostilités entre le "Hezbollah" et Israël après la guerre des trente-trois jours. La différence entre 2006 et aujourd'hui est qu'Israël et le "Hezbollah" avaient alors un intérêt mutuel à ne pas mettre en œuvre cette résolution. Aujourd'hui, cependant, l'application de cette résolution dans toutes ses dispositions est une condition nécessaire, y compris les résolutions précédentes telles que la résolution 1559 concernant le démantèlement des milices et leur désarmement sur tout le territoire libanais et la résolution 1680 concernant la sécurisation et le contrôle des frontières entre le Liban et la Syrie.
Toute interprétation devient inutile devant l’existence d’un tel texte.
Il était donc illogique de parler d’un accord avant l’élection du Président. Le discours inaugural du Président a de toute façon dissipé toute mésinterprétation des résolutions déclarant clairement : "ni armes ni milices", les armes étant un droit exclusif de l’Etat, sans que ceci signifie que la communauté chiite soit ciblée. Le Président l’avait d’ailleurs réitéré mardi devant une délégation du Conseil islamique chiite suprême : "Toute défaite pour toute communauté est une défaite pour tous les Libanais." Cela a également été abordé par le Premier ministre désigné Nawaf Salam lorsqu'il a déclaré qu'il était unificateur et non excluant, tendant les mains à tous.
Si chaque membre du "Hezbollah" et du "Mouvement Amal" est chiite, tous les chiites ne leur appartiennent pas, même s'ils ont monopolisé la représentation politique pendant des décennies en vertu de circonstances de facto.
Le "Hezbollah" a perdu ses principaux alliés, notamment le régime syrien et l'Iran, qui n'a montré que peu d'appétit pour s’engager dans un combat direct. Il a perdu ses partenaires dans l'axe, et ses sources de revenus, avec lesquelles il finançait ses combattants et son assise populaire se sont érodées. La vraie dimension de sa puissance a été révélée pour ce qu'elle est vraiment : utiliser ses armes contre le front intérieur mais impuissante face à la supériorité militaire israélienne.
Une Époque en Déclin
Le "Hezbollah" a ainsi dominé la vie politique au Liban depuis que son parrain iranien s'est allié à la Syrie, créant ainsi un "croissant chiite" venant d’Iran et menant aux eaux méditerranéennes via l'Irak. À partir du début des années 2000, le "Hezbollah" a renforcé sa position et son influence dans la politique locale après que le retrait israélien du sud ait créé ce qu'on appelle la Ligne Bleue.
De même, L'influence du "Hezbollah" a remplacé l'influence syrienne suite au retrait de l’armée Syrienne du Liban fin avril 2005. En juillet 2006, le "Hezbollah" rompait une promesse faite par son ancien secrétaire général Hassan Nasrallah en enlevant deux soldats israéliens, ouvrant ainsi la porte à une opération militaire israélienne qui a détruit les infrastructures libanaises et conduit à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Depuis lors, le calme a prévalu le long de la frontière Libano-Israélienne jusqu’au lancement de la guerre de soutien à Gaza déclaré par le "Hezbollah" depuis le sud du Liban. Entretemps, le "Hezbollah" a participé militairement a la défense du régime Syrien tissant des intérêts avec les forces du régime, les Gardiens de la Revolution en Iran, et les factions irakiennes pro-iraniennes qui se sont déployés en Syrie.
L'ouverture d'un front à partir du sud du Liban a finalement révélé d'importantes erreurs de calcul chez le "Hezbollah"; il avait réussi à tromper aussi bien les libanais que les pays voisins en leur faisant croire qu'il était une force militaire capable de dissuader Israël et qu'il détenait le pouvoir décisionnel—au point où le Premier ministre par intérim Najib Mikati a déclaré ouvertement lorsqu'on lui a demandé quelle était la position de son gouvernement sur la guerre : "Sur quelle planète vivez-vous ? La décision de guerre ou de paix n'est pas entre mes mains mais entre celles du ""Hezbollah"."
Les erreurs de calculs sont devenues plus évidentes lorsque le "Hezbollah" a dû demander un cessez-le-feu suite à l'escalade israélienne contre lui. Il a subi des coups militaires dévastateurs même si Israël n'a pas pu avancer plus en profondeur dans le sud du Liban. Plus d'un million de Libanais ont été déplacés par la force après qu'Israël ait rasé des dizaines de villages frontaliers. De même, La banlieue sud de Beyrouth et la région du Bekaa ont subi d'énormes destructions, avec des milliers de victimes parmi les combattants et les civils.
Dans ce contexte, se vanter ne servait à rien !
Le "Hezbollah" a perdu ses alliés-clés y compris le régime syrien et l'Iran, qui manquait d'appétit pour un combat direct. Il a perdu ses partenaires dans ce qu'on appelle "l'axe de résistance", et ses sources de revenus se sont érodées. Sa puissance s'est révélée pour ce qu'elle est vraiment : capable avec ses armes en face des libanais mais bien insuffisante face à la supériorité militaire israélienne. Aujourd'hui il doit soit rendre à l’Etat ce qui reste de ses armes sur tout le territoire libanais soit retourner ces armes à leur source—à savoir l'Iran.
La Nouvelle Phase
Le général Joseph Aoun a réussi à bâtir une crédibilité au sein du commandement militaire tout en préservant l'unité au sein de l'armée et en protégeant celle-ci contre toute ingérence politique ou tentatives d'utilisation à des fins politiques individuelles ou partisanes. Sa performance contre des organisations terroristes telles que Daech a contribué à renforcer cette crédibilité aux côtés de son rôle dans le maintien de la liberté des manifestations dans les cadres légaux. Il est ainsi considéré par la communauté internationale comme un allié fiable.
Étant donné cette confiance, tous les autres candidats aspirant à la présidence se sont retirés, conduisant à un consensus politique autour d'Aoun—dont le "Hezbollah" qui a vote en sa faveur lors de la deuxième session.
Avec l'élection d'Aoun, il y aura un rôle central pour l'armée libanaise dans l'établissement des conditions nécessaires au salut grâce à l'application de toutes les dispositions de l'accord de cessez-le-feu et au déploiement vers le sud après le retrait des troupes israéliennes tout en sécurisant le côté libanais des frontières avec la Syrie.
Ainsi tout le monde espère qu'avec une formation rapide du gouvernement, les réformes politiques, économiques et financières commenceront comme prélude à une reconstruction.
Avec l'élection d'Aoun commence un retour vers une ouverture internationale envers le Liban. Le Président chypriote s'est rendu à Beyrouth après son élection pour lui présenter ses félicitations. Le Président Français Emmanuel Macron s'est rendu à Beyrouth également exprimant sa pleine disposition à aider. Le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a également rendu visite le nouveau président. Plusieurs ministres des affaires étrangères arabes et étrangers sont venus pour féliciter et discuter ; beaucoup d'autres sont attendus prochainement.
Les Défis ?
Néanmoins, des défis importants demeurent—comme par exemple un éventuel non-retrait d'Israël ou sa poursuite des frappes préventives contre le Liban. La situation aux frontières avec la Syrie pourrait devenir volatile malgré toutes les tentatives pour la contrôler ; dans ces circonstances tout le Liban pourrait devenir une grande résistance. Cependant il pourrait y avoir d'autres défis internes découlant du refus du "Hezbollah" d’accepter son déclin. Il pourrait être difficile pour le "Hezbollah" de coexister avec la perte de ses dirigeants politiques, militaires et sécuritaires tout en ayant une partie importante de sa structure militaire détruite ainsi qu'une pression croissante pour céder ses armes. Il pourrait trouver difficile d'accepter une diminution significative de ses ressources financières couplée avec une incapacité à répondre aux obligations envers les familles de ses combattants ou celles qui sont tombées ou blessées.
Ces difficultés nécessitent des efforts collectifs venant de tous pour être résolues.
Le chemin du retour vers l'État et vers la légitimité est clair : Le "Hezbollah" doit renoncer à ses précédents rôles militaires et régionaux en se concentrant sur un engagement politique interne—un domaine où il possède tout de même, une bonne expertise.