« Le Liban est au seuil d’un avenir meilleur », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, lors de sa dernière visite à Beyrouth. Cette visite a eu lieu une dizaine de jours avant l’expiration de la trêve de soixante jours au sud du pays, période à l’issue de laquelle Israël est censé se retirer de la région méridionale qu’elle a occupée lors de la dernière guerre. Cela marquera le début de la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, conformément à l’accord de cessez-le-feu conclu le 27 novembre dernier.

De nombreux dirigeants arabes et occidentaux partagent l’optimisme de Guterres quant à un « avenir plus radieux » pour le Liban, qui vient de traverser « l’une des années les plus difficiles de son histoire », selon ses termes. Parmi eux, le président français Emmanuel Macron, dont la visite à Beyrouth a coïncidé avec celle du secrétaire général des Nations unies. Son déplacement portait un message indirect à la Turquie, dont l’influence s’est étendue en Syrie et qui menace désormais de s’étendre au Liban après la chute du régime d’Assad il y a quelques semaines. Paris s’efforce de contrer cette expansion, en phase avec plusieurs pays arabes préoccupés par l’émergence d’un régime islamiste à la saveur turco-erdoganienne en Syrie, malgré les « garanties » offertes par Ahmed Charâ, chef des forces ayant pris le pouvoir à Damas, affirmant vouloir établir un régime inclusif réunissant toutes les composantes de la société syrienne.

Macron a réaffirmé le soutien de la France aux « nouveaux dirigeants libanais », annonçant la tenue d’une conférence internationale « dans les prochaines semaines » à Paris sur la reconstruction du Liban. Il a insisté sur la nécessité pour la communauté internationale de « préparer un soutien massif pour reconstruire les infrastructures » et d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël. Fait notable, avant son arrivée au Liban, Macron avait téléphoné au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, avec qui il a convenu de soutenir la formation d’un gouvernement efficace au Liban. Les deux dirigeants ont souligné l’importance des réformes, la nécessité de stabiliser la trêve avec Israël et ont qualifié l’élection du président Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre de « premier pas vers un nouveau départ pour le Liban et un signal positif envoyé à la communauté internationale ». Ils ont aussi promis de soutenir les consultations en cours pour la formation d’un gouvernement capable de rassembler toutes les composantes de la société libanaise et ont insisté sur la mise en œuvre des réformes indispensables à la stabilité et à la prospérité du pays, selon un communiqué de l’Élysée.

Cette dynamique franco-saoudienne est un message clair adressé à la communauté internationale afin de relancer l’engagement envers le Liban et de lui fournir l’aide nécessaire. Ce développement illustre aussi la formation d’une nouvelle alliance arabo-internationale visant à empêcher la Syrie de s’éloigner du cadre régional arabe, en prônant un système politique à Damas qui s’inspire de l’Accord de Taëf ayant façonné le Liban, compte tenu des similitudes démographiques entre les deux pays, où la diversité confessionnelle exige un système de gouvernance inclusif plutôt qu’un régime à parti unique.

Washington, acteur incontournable du dossier libanais

Cependant, les États-Unis demeurent l’acteur principal de la « grande entreprise libanaise en cours ». Pour Washington et ses alliés arabes et occidentaux, le moment est venu de récolter les fruits des évolutions survenues au Liban et dans la région depuis l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », le 7 octobre 2023. Si la rumeur se confirme, la visite attendue du président américain Donald Trump au Liban plus tard cette année pour inaugurer le nouveau siège de l’ambassade américaine à Awkar marquerait, une étape cruciale vers la stabilisation du pays. Elle enverra un message fort sur le fait que l’administration américaine place désormais le Liban sous sa protection directe, en raison de son importance stratégique au Moyen-Orient.

Le Liban se dirigerait alors vers une période de stabilité prolongée, voire durable, quel que soit l’avenir du régime syrien. Cette perspective est renforcée par la mise en application effective et intégrale de la résolution 1701 cette fois-ci, garantissant l'absence de nouveaux conflits ou escalades à la frontière sud. Dans ce cas de figure, Beyrouth devra se concentrer sur la résolution de ses crises internes et la mise en œuvre des réformes attendues, parallèlement à la reconstruction des infrastructures détruites par la dernière guerre, avec le soutien généreux des pays arabes et de la communauté internationale.

Vers une nouvelle gouvernance et des réformes structurelles

Dès l’achèvement de la mise en place des nouvelles institutions, le président Joseph Aoun devrait convoquer une conférence de dialogue national pour établir un plan clair de mise en œuvre de l’Accord de Taëf et pour discuter d’une stratégie de défense nationale, conformément à ses engagements lors de son discours d’investiture. Cette conférence abordera également l’épineuse question des armes et définira les mécanismes de défense du Liban contre toute agression extérieure. Elle se penchera en outre sur l’élaboration d’une nouvelle loi électorale fondée sur la proportionnelle intégrale, en accord avec les principes de l’Accord de Taëf, afin d’organiser les élections législatives de 2026 sur cette base et garantir ainsi une représentation juste et équitable de toutes les composantes de la société libanaise au sein du Parlement.

Les nouvelles autorités devront surtout s’attaquer aux nombreux obstacles entravant le programme de réformes. Contrairement à certaines affirmations, ce gouvernement ne sera pas de transition, mais bien un cabinet fondateur du nouveau Liban, appelé à émerger dans un contexte régional en mutation, marqué par des accords internationaux que la nouvelle administration américaine prépare déjà en coulisses, avant même sa prise de fonctions officielle.

Des négociations américano-iraniennes auraient récemment débuté à Genève, parallèlement à des discussions irano-européennes. Ces pourparlers s’inscrivent dans la lignée du discours du président iranien Massoud Pezeshkian à l’ONU en septembre dernier, où il avait exprimé la volonté de Téhéran de s’ouvrir à l’Occident et de s’adresser au peuple américain dans une tonalité positive.

Une opportunité à saisir

Quoi qu’il en soit, les milieux politiques et officiels au Liban affichent un optimisme prudent face à ces perspectives. Le pays se trouve aujourd’hui face à des opportunités régionales et internationales qu’il ne peut se permettre de laisser passer, notamment celles venant du monde arabe, après une longue période d’éloignement qui a coûté cher à son économie et conduit à l’effondrement financier actuel.

Un vent de renouveau souffle également sur la scène politique libanaise, où de nouveaux rapports de force pourraient émerger à l’issue des prochaines étapes de reconstruction et de réformes. Alors que le gouvernement entamera son travail de relance et de redressement national, une recomposition politique semble inévitable, avec la possibilité d’alliances inattendues en prévision des élections législatives majeures prévues au printemps prochain. Car, en politique, rien n’est figé : les intérêts priment souvent sur les convictions, et les alliances d’hier ne sont pas forcément celles de demain.