Il est désormais évident que le Liban se trouve au seuil d’un chapitre décisif — défini par l’urgence de la sécurité intérieure et frontalière, ainsi que par une gouvernance principielle ancrée dans la transparence et des réformes structurelles.

Les premières mesures prises par le gouvernement en matière de nominations sécuritaires, bien que tardives, marquent un début timide. Ces actions, que beaucoup espéraient voir aboutir dès que le cabinet a obtenu la confiance parlementaire, témoignent d’un engagement fragile pour stabiliser un pays longtemps otage de l’inertie institutionnelle.

Sur le plan de la gouvernance et des réformes, le scepticisme persiste. Les échecs passés planent lourdement, obscurcissant les promesses actuelles. Ces dernières ne peuvent rester de vaines illusions ; la survie du Liban dépend de leur concrétisation.

Le nœud de la crise est là : un État affaibli, privé de ressources et surpassé par des milices se parant du titre de « défenseurs », doit reprendre le monopole de la sécurité. Les pénuries de personnel et d’équipement entravent toute avancée, mais le poison le plus mortel reste l’arsenal incontrôlé de forces parallèles — des groupes armés qui se légitiment par des slogans creux de « résistance ».

Le président Joseph Aoun n’a pas mâché ses mots pour affirmer la détermination des forces armées à remplir leurs missions. Ses propos trouvent un écho dans le premier « Ordre du jour » du général Rodolphe Haykal, qui souligne la « responsabilité critique » de l’armée dans l’application de la résolution 1701 de l’ONU avec la FINUL, tout en protégeant le front intérieur libanais contre la menace terroriste.

Pourtant, l’aveu sans détour du président révèle l’ampleur de la crise : l’armée a besoin d’un milliard de dollars d’urgence pour l’armement, le recrutement et la formation, afin de mener à bien son double mandat — sécuriser les frontières tout en combattant les menaces internes. Sans cette bouée de sauvetage, les capacités déjà limitées de l’institution risquent de s’effondrer sous le poids des attentes.

Au sud, la frontière frémit alors qu’Israël, enhardi par les garanties américaines, poursuit ses attaques sous couvert de cessez-le-feu. Cet accord — signé par le président du Parlement Nabih Berri au nom du Hezbollah— est sans équivoque : les armes doivent être l’apanage exclusif des forces de l’État, un point c’est tout. La clarté du texte, cependant, ne vaut rien sans application.

À l’est et au nord, la frontière libano-syrienne vacille. Des points de passage non sécurisés facilitent le trafic d’armes et l’infiltration de terroristes — qualifiés comme tels par le général Haykal dans son Ordre du jour — tandis que des affrontements sporadiques menacent de dégénérer. Un élargissement du mandat de la FINUL, sous l’égide de l’ONU, pourrait endiguer l’hémorragie, isolant le Liban du chaos extérieur et freinant l’afflux illégal de déplacés syriens — une crise qui s’aggrave dans l’indifférence mondiale.

Cependant, les frontières ne se limitent pas à la terre ferme. Les espaces maritimes et aériens exigent une vigilance égale. Si les mesures de sécurité s’intensifient dans l'aéroport de Beyrouth, les eaux libanaises — bientôt dotées d’infrastructures pétrolières et gazières vitales — restent vulnérables au trafic et au sabotage. Les négliger, c’est hypothéquer l’avenir économique du pays.

L’appel du général Haykal à l’unité — « le ralliement des Libanais autour de leur armée » — résonne comme une supplique et un réquisitoire. Si cette unité existait, les milices ne braderaient pas leurs engagements en accumulant des armes. Si le patriotisme l’emportait sur les divisions, l’armée n’en serait pas réduite à quémander des moyens pour défendre une nation fracturée.

Le temps n’est pas un allié. Chaque jour aggrave la fragilité libanaise. L’appel du chef de l'armée à la solidarité doit passer de l’aspiration à l’obligation. La cohésion nationale et une architecture sécuritaire robuste sont les fondations de la réforme et du redressement — sans elles, l’État reste un fantôme, et l’espoir, un mirage.

La voie est claire, bien que politiquement périlleuse. Pour renaître, le Liban doit choisir : une armée souveraine ou la lente agonie par la discorde.