Une fois de plus, nous assistons à la création artificielle de crises et d’incidents allant à l’encontre des intérêts de ceux qui ont d’abord mobilisé la rue, ensuite du gouvernement, et finalement du Liban tout entier. Ceux qui prétendent maîtriser ce qu’ils appellent « le jeu de la rue » semblent croire qu’ils conservent la capacité de la manipuler à leur guise pour servir leurs objectifs politiques. Pourtant, il leur est apparu récemment que la rue ne se contrôle pas si aisément et que le recours excessif à sa mobilisation produit souvent des effets contraires à ceux escomptés.
Quelle qu’en soit la cause, cette agitation vise directement le gouvernement. Ceux qui la pilotent l’ont d’ailleurs clairement accusé d’être impuissant et soumis aux diktats étrangers, en particulier ceux des États-Unis et d’Israël.
Or, paradoxalement, ces mêmes acteurs qui orchestrent la mobilisation et cherchent à intimider sont représentés au sein du gouvernement. Si celui-ci est réellement incapable et sous influence étrangère, pourquoi ne pas en démissionner ?
De leur côté, le mouvement Amal et le Hezbollah ont rapidement tenté de se dissocier des affrontements en dénonçant les « éléments incontrôlés » qui auraient provoqué les heurts. Une justification qui ne convainc personne, tant il est évident que nul ne peut agir sur le terrain sans leur feu vert, ou du moins sans leur consentement tacite.
Par ailleurs, bloquer la route de l’aéroport et s’en prendre aux commerces et aux véhicules ne sert en rien la cause des manifestants. Bien au contraire, de tels actes renforcent l’argument en faveur de l’ouverture d’un ou plusieurs aéroports alternatifs, car il est inconcevable que l’unique voie de passage de et vers le Liban demeure vulnérable aux surenchères et aux démonstrations de force.
Ceux qui ont attisé la colère populaire savent pourtant que le gouvernement n’a pas encore sollicité la confiance du Parlement sur la base de son programme. Ils savent aussi pertinemment que le président de la République, tout comme le chef du gouvernement, s’emploie activement à surmonter les obstacles persistants, des efforts qui exigent du temps et des moyens, et non de simples vœux pieux.
Ils savent également que l’alternative à ces efforts politiques et diplomatiques serait un retour à une logique de confrontation dont le Liban a déjà payé un prix catastrophique. Sont-ils prêts à emprunter à nouveau cette voie alors même qu’ils ont perdu leur arsenal, leurs chefs, leur capacité de décision, leurs ressources financières, leur influence et leurs alliés ?
Les Libanais souhaitent voir Israël se retirer du pays au plus vite. Mais cette dernière a été dotée de justifications pour envahir et a clairement affiché ses objectifs, notamment l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité et des résolutions connexes, en particulier les résolutions 1559 et 1680 qui prévoient le désarmement des milices, la restitution des armes à l’État, et le contrôle des frontières. Israël restera sur place tant que Washington ne lui imposera pas de se retirer.
Un autre point mérite réflexion : chaque jour qui passe sans remise des armes se traduit par davantage de destructions dans le sud du Liban, compliquant ainsi la reconstruction et le retour des habitants.
À ceux qui attisent les tensions et à ceux qui y participent, il est temps de prendre conscience que la situation actuelle est la conséquence directe de leurs actes. Il est temps d’opter pour un retour sincère au Liban, de renoncer aux ambitions supranationales qui contredisent le principe d’appartenance au pays.
Quel intérêt y a-t-il à provoquer l’armée, alors qu’elle est déployée au sud pour exiger le retrait israélien ? À quoi sert d’attaquer un gouvernement qui cherche à obtenir rapidement la confiance pour entamer son travail ? Plutôt que de multiplier les crises et les provocations, ne serait-il pas plus judicieux d’unir les forces pour accélérer le retrait israélien et attirer les investissements dont le pays a tant besoin ?