Pour un Français d'origine libanaise comme Amin Maalouf devenir Secrétaire perpétuel de l'Académie française est un honneur sans précédent, un privilège qui perdure jusqu'à la fin de sa vie ou sa démission. Cela revêt une signification particulière, d'autant plus que sa nomination intervient alors qu'une ministre de la Culture nommée Rima Abdel Malek, elle aussi d'origine libanaise, exerce ses fonctions.
Mon Pays est un mot, mes mots sont mon pays. Les hommes et les femmes libanais ont écrit la saga de leur patrie dans les langues des terres étrangères qu'ils ont habitées. Des chroniques villageoises aux panoramas urbains, des mers aux vaisseaux qui ont transporté leurs rêves vers des rivages lointains, ils ont peint le Liban dans des teintes qui reflètent leurs âmes diasporiques. Amin Maalouf est l'une de ces personnalités qui ont tissé les récits de cette nation en miniature dans une langue étrangère, tout en la portant haut jusqu'à accéder aux salles sacrées de l'Académie française. Fondée en 1635, cette institution vénérée est chargée de définir et de cultiver les règles de la langue française. Elle est une empreinte culturelle profonde inscrite dans l'histoire.
Pour un Français d'origine libanaise comme Amin Maalouf devenir Secrétaire perpétuel de l'Académie française est un honneur sans précédent, un privilège qui perdure jusqu'à la fin de sa vie ou sa démission. Cela revêt une signification particulière, d'autant plus que sa nomination intervient alors qu'une ministre de la Culture nommée Rima Abdel Malek, elle aussi d'origine libanaise, exerce ses fonctions. C'est une conjonction de destin qui montre comment le Liban, malgré sa petitesse géographique, est profondément enraciné dans le cœur de ses fils et de ses filles dispersés dans le monde, et comment ils le sèment et le cultivent ailleurs tel un cèdre immortel.
Amin Maalouf, originaire de Kfarhbeb dans le Mont-Liban, s'inscrit dans la même lignée familiale qui a vu naître en 1869 Issa Iskandar Maalouf, l'historien et le journaliste, dont la revue « Al-Safa » a publié de nombreux articles. Il a été choisi en 1933 parmi les 20 fondateurs du Collège de la langue arabe au Caire, et en 1936, il est devenu membre de l' »Académie d'histoire et de littérature » à Niterói, la capitale de l'État de Rio de Janeiro au Brésil. La revue Al-Safa a également continué sous la houlette de la famille Maalouf, avec Rachid Maalouf, le père d'Amin, qui a publié la revue de 1962 à 1969. Aujourd'hui, le site d'Al-Safa célèbre Amin Maalouf.
De Gibran Khalil Gibran à Mikhail Naimy et Amin Al-Rihani, de nombreux écrivains libanais ont laissé une empreinte indélébile dans la littérature mondiale. Des personnalités libanaises, issues d'un petit pays, ont inspiré des nations entières. Leurs textes sont étudiés dans les universités.
Dans le monde du journalisme d'aujourd'hui, lorsque nous écrivons, nous pensons à nos lecteurs, à notre public, nous écrivons pour eux. Amin Maalouf et ceux qui l'ont précédé parmi nos écrivains à l'étranger ont-ils pensé à ceux qui les liraient ? Amin Maalouf a-t-il imaginé que son roman sur une pierre nommée Tanyous susciterait un tel engouement ? A-t-il écrit pour un public français afin de leur raconter les histoires envoûtantes de l'Orient et ses coutumes, ou a-t-il écrit pour nous ici, pour nous décrire comment il nous voyait depuis l'autre côté de la mer, comment il interagissait avec notre quotidien d'une perspective occidentale ? A-t-il écrit sur la terre de sa naissance en comparaison avec sa terre d'adoption ? Est-ce qu'une création littéraire peut être le résultat d'un héritage génétique ? La littérature d'Amin Maalouf est française, mais qu'en est-il de son identité d'auteur ? Aurait-il atteint la même renommée s'il était resté au Liban et avait suivi la carrière de journaliste de son père, avant lui ? Si la guerre de 1975 ne l'avait pas forcé à quitter le Liban ? Aurions-nous lu « Les Identités meurtrières » ? Aurait-il porté avec lui tout ce conflit interne sur l'identité et l'appartenance et l'aurait-il explosé dans des œuvres littéraires ?
Aujourd'hui, nous célébrons cette réalisation littéraire, nous en sommes fiers comme si nous y avions contribué. Nous cherchons un point lumineux qui se trouve généralement au-delà de nos frontières, loin de notre quotidien. Chaque fois qu'un Libanais ou un descendant libanais réalise quelque chose, nous nous empressons de l'adopter. On dit que la raison en est l'absence de ce dont nous pouvons être fiers localement après toutes les déceptions et les malheurs que nous avons endurés. Les Libanais à l'étranger accomplissent beaucoup, excellent dans ce qu'ils font, deviennent des objets d'admiration, mais ils le font en tant qu'individus. Peut-être ne pouvons-nous pas accomplir beaucoup en tant que groupes car nous n'avons pas encore atteint le stade de l'unité nationale, nous ne nous sommes pas unis alors qu'eux excellent en tant qu'individus.
Quand nous devenons un corps uni, pas seulement un hymne, Amin Maalouf sera encore plus fier de nous pour ce qu'il a accompli aujourd'hui.