Olivier Pastré Economiste et Professeur émérite d’économie, Paris VIII.

Les marchés financiers sont sur le qui-vive en ce moment. Doit-on s'attendre à de violentes corrections boursières comme lors de la "crise des Subprimes" de 2007 ?

Violentes, je ne sais pas mais corrections c’est certain. On l’oublie trop souvent mais, du fait d’une politique monétaire très « accommodante » depuis trois décennies, le monde est en état de surliquidité massive : à l’échelle mondiale les marchés de capitaux représentent 500% du PIB. Cela ne peut que créer des « bulles » spéculatives qui menacent tous les marchés financiers (des actions des entreprises technologiques américaines au secteur immobilier en Chine en passant par les cryptomonnaies).

Les autorités européennes sonnent l'alarme sur le risque bancaire. Y-a-t-il un risque systémique pour ce secteur ?

Le risque zéro n’existe pas. Mais un risque systémique bancaire est très faible. En premier lieu parce que les règles prudentielles ont forcé les banques à considérablement (peut être même trop) renforcé leurs fonds propres, c’est-à-dire leur coussin de sécurité. Par ailleurs, les banques françaises bénéficient d’une caution de l’Etat pour l’octroi de crédit aux entreprises plus que significative au travers du système de PGE (Prêts Garantis par l’Etat). Ceci n’exclut pas des faillites bancaires ponctuelles dans certains pays plus fragiles, comme, par exemple, l’Italie ou même l’Allemagne.

Le plus inquiétant pour les marchés est représenté par les niveaux records d'inflation, la hausse mondiale des taux d'intérêt ou la récession économique qui pointe le nez ?

Si l’on prend le sujet le plus d’actualité, la reprise de l’inflation est significative et même durable. On revient là au problème de la surliquidité auquel s’ajoute la hausse du prix des matières premières. Ce que l’on oublie c’est que tant que’ au niveau mondial, il y aura plus de personnes qui veulent travailler que le nombre d’emplois disponibles, cela crée une pression à la non inflation au moins salariale. L’inflation restera donc plus élevée que dans le passé récent mais devrait se stabiliser. Ceci limite les risques de hausse élevée et durable des taux d’intérêt. Quant à la récession, personne ne peut se montrer péremptoire. Il y a à ce jour trop d’inconnues.

L'économie américaine semble relativement épargnée par la crise actuelle. Elle donne même le sentiment de tirer parti de la succession de crises. Est-ce votre avis? Comment l'expliquez-vous ?

L’économie américaine dispose de deux atouts. D’abord ils sont passés, « grâce » au gaz de schiste d’une situation de pénurie énergétique à une situation de surplus significatif. Par ailleurs, elle est caractérisée par une réactivité à la conjoncture, à la hausse comme à la baisse , très forte. Lors des embellies économiques même temporaires cela conduit à une amélioration des indicateurs, notamment d’emploi, très impressionnants. Il ne faut pas surestimer ces évolutions. Rappelons aussi que les Etats Unis sont aussi la patrie de la « grande démission » avec 38 millions de salariés qui ont quitté leur emploi suite à la crise de la Covid. Donc les Etats Unis se trouvent eux aussi dans une situation de fragilité comme tous les autres pays. Il n’en reste pas moins vrai que la crise en Ukraine favorise ce pays qui ne fait jamais de diplomatie sans arrière pensée économique…