Comme la profession d’avocat, censée être une mission de protection des droits et de justice, elle a longtemps été exercée par des philosophes, grâce à leur sagesse et leur savoir. Autrefois, elle n’avait pas une vocation matérielle, non pas seulement par principe – « l’argent corrompt le but et alimente les illusions », selon l’adage –, mais aussi pour éviter d’exclure les plus démunis, incapables de payer les honoraires. Moins les avocats supportent de charges, plus ils peuvent défendre librement des causes justes, sans sélection financière.
À rebours de ces principes, le Barreau de Beyrouth a instauré un barème de frais appliqué dès le 1ᵉʳ janvier 2025, avec des hausses significatives : 1 500 dollars pour l’adhésion en tant que stagiaire, 15 000 dollars pour l’inscription au tableau général, et même 10 dollars pour la copie d’un simple document. Une contribution de 400 dollars pour la construction d’un club a aussi été ajoutée. Les candidats ayant réussi les examens oral et écrit devront s’acquitter des frais fixés en avril 2024 jusqu’à fin janvier 2025.
Une profession réservée aux plus riches
Cette mesure, censée renforcer le fonds du Barreau pour améliorer les prestations sociales et médicales, limite la profession aux plus aisés. Un diplômé en droit doit passer un examen, s’inscrire chez un avocat, effectuer un stage de trois ans non rémunéré, puis passer un second examen pour intégrer le Barreau, avec des frais avoisinant 5 000 dollars. Ensuite, pour exercer en appel, il devra encore débourser environ 17 000 dollars.
Un impact sur l’accès à la justice
« Quel étudiant en droit, notamment de l’université publique, peut payer ces sommes ? Et acceptera-t-il ensuite de travailler pour des honoraires modestes ? » s’interrogent des observateurs. Outre l’injustice sociale, ces hausses menacent le principe de gratuité de la justice. Elles risquent d’inciter certains justiciables à éviter les avocats et à se faire justice eux-mêmes, menaçant l’État de droit.
L’augmentation des frais aura aussi un impact économique, en alourdissant les coûts des entreprises tenues de recourir à un avocat, ce qui nuira à leur compétitivité et renchérira les prix pour les consommateurs.
Des frais judiciaires en hausse
Parallèlement, les frais judiciaires montent sans réelle contrepartie sociale. Les avocats n’ont reçu aucune aide durant les crises successives et ne bénéficient pas de compensations pour leurs pertes. De plus, les services autrefois gratuits sont désormais payants, comme l’attestation pour une demande de visa (10 dollars) ou la demande officielle au Barreau (10 dollars).
Un cercle vicieux pour les avocats et les justiciables
Les avocats dénoncent aussi une collusion implicite entre le Barreau et le Fonds de solidarité des juges, qui leur impose désormais des frais pour l’accès au parking du palais de justice ou pour des procédures en ligne, qui devraient relever du domaine public.
Espérer une amélioration des revenus avec la dollarisation ne suffira pas à enrayer cette exclusion des plus modestes. Si l’objectif caché est de limiter le nombre d’avocats, il est urgent que les autorités compétentes coordonnent leurs efforts pour réguler les admissions en faculté de droit et éviter une précarisation croissante des jeunes diplômés.