Après l'accalmie des batailles présidentielles et la dissipation de la tempête autour du taux de change, le tableau économique reste ambigu. La livre libanaise, contrairement aux prévisions, n'a pas connu de rebond significatif face au dollar. Seuls ceux qui, dans l'espoir de profits rapides, avaient converti leurs devises en livres avant les échéances présidentielles et gouvernementales, se retrouvent aujourd'hui face à des montagnes de billets libanais qu'ils peinent à utiliser.

Quelques semaines avant la séance électorale du 9 janvier 2025, une véritable frénésie s'était emparée du pays. Beaucoup misaient sur une appréciation fulgurante de la livre, stimulée par l'espoir d'une stabilité politique et d'un afflux massif de dollars provenant de l'étranger. Les bureaux de change ont alors été pris d'assaut par des citoyens convaincus que les débuts d'un nouveau mandat seraient synonymes de regain de confiance et d'amélioration économique.

Les banques ont rapidement capitalisé sur cet engouement. Proposant des taux d'intérêt alléchants de 45 % sur les dépôts en livres libanaises, elles ont incité les citoyens à se départir de leurs liquidités domestiques. Cette stratégie, bien que profitable à court terme, soulève des interrogations. Elle permet aux banques d'amasser les liasses de livres nécessaires pour faire face à leurs obligations, mais à quel prix pour l'économie et les citoyens ?

Un jeu risqué

Les experts mettent en garde contre les dangers d'une telle approche. Les banques pourraient se retrouver confrontées à des problèmes de liquidité si la Banque centrale, dans une tentative de stabilisation, décide de restreindre la masse monétaire. De plus, les déposants risquent de subir des pertes importantes si la valeur de la livre diminue face au dollar, malgré une probabilité actuellement jugée faible.

En parallèle, le retour de la Banque centrale à l'impression de livres libanaises a suscité de nouvelles inquiétudes. L'augmentation de la masse monétaire menace de relancer l'inflation et d'annuler les efforts de stabilisation déployés ces derniers mois. La confiance dans la monnaie nationale reste fragile, d'autant plus que l'économie est désormais largement dollarisée, rendant toute reprise de la livre hypothétique.

Un modèle à repenser

Les responsables économiques libanais semblent jouer leur dernière carte en ciblant les économies des ménages, évaluées à plusieurs milliards de dollars et dissimulées « sous les matelas ». Cependant, cet ultime recours pourrait s'avérer désastreux dans un pays où les citoyens peinent à maintenir un niveau de vie décent.

L'économie libanaise continue de fonctionner sur des paris à court terme, renforçant l'idée d'un modèle digne d'un « casino », où les gains sont éphémères et les risques omniprésents. Pour espérer une réelle sortie de crise, un changement profond de mentalité s'impose, au-delà des simples ajustements économiques. La confiance et la stabilité doivent être reconstruites sur des bases solides, loin des spéculations et des promesses illusoires.