La semaine écoulée, marquée par des bouleversements militaires soudains et radicaux dans le nord de la Syrie, reflète les nouveaux rapports de force régionaux et internationaux. Ces dynamiques sont façonnées par deux conflits majeurs : la guerre israélienne contre Gaza et le Liban, en cours depuis quatorze mois, et la guerre russo-ukrainienne, qui s’apprête à entrer dans sa troisième année, alors que le président élu Donald Trump s’apprête à prendre officiellement ses fonctions le 20 janvier.
La prise rapide des provinces d’Alep et d’Idlib par les factions de l’opposition syrienne, notamment Hayat Tahrir al-Cham (anciennement Front al-Nosra) et l’Armée nationale soutenue par la Turquie, jusqu’au nord de la province de Hama, a bouleversé l’équilibre en Syrie. Ces avancées ont ébranlé les accords de désescalade conclus en 2020 entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan dans le cadre du processus d’Astana.
La Syrie fait désormais face à une nouvelle réalité militaire et politique. La plateforme d’Astana, qui avait instauré un calme relatif sur les fronts, n’est plus considérée comme une référence viable pour une solution. À sa place, le processus de Genève, basé sur la résolution 2254 du Conseil de sécurité prévoyant une transition politique, regagne en pertinence.
Les offensives militaires des factions de l’opposition n’auraient pas été possibles sans le feu vert de la Turquie. Erdogan, considérant que les conditions régionales et internationales étaient propices à un tournant militaire décisif, a choisi de redéfinir les équilibres. Cette décision intervient après un cessez-le-feu fragile entre le Liban et Israël, une guerre qui a affaibli le Hezbollah, détourné son attention sur le front libanais et réduit son soutien au régime syrien.
Parallèlement, les raids intensifiés d’Israël contre des cibles du Hezbollah en Syrie au cours des quatorze derniers mois ont également porté des coups significatifs à ses capacités. L’Iran n’a pas été épargné, avec des frappes directes sur des bases des Gardiens de la révolution en Syrie et des attaques sur son territoire en avril et octobre.
Ce déséquilibre régional affecte aussi la Russie, accaparée par la guerre en Ukraine, bien loin de la puissance de 2015 qui avait déployé ses Sukhoï pour soutenir Bachar al-Assad. Ces changements ont permis à Erdogan de rompre les accords avec Moscou et Téhéran, lançant un assaut massif contre les positions du régime syrien à Idlib, Alep et Hama.
Cependant, le régime syrien n’est pas la seule cible d’Erdogan. Son objectif stratégique principal demeure d’empêcher la création d’un État kurde à la frontière sud de la Turquie. Sous pression turque, les factions de l’opposition ont déjà exigé l’expulsion des forces kurdes des quartiers d’Alep et de Tall Rifaat, marquant un premier pas vers de nouvelles avancées militaires.
Aujourd’hui, Alep évoque Mossoul en 2014, lorsque l’État islamique avait proclamé son « califat ». Les regards se tournent vers Abu Mohammad al-Joulani, chef de Hayat Tahrir al-Cham, pour deviner son prochain coup après la prise d’Alep.
Le redécoupage des forces en Syrie suscite des spéculations sur l’avenir des combats et leurs répercussions potentielles. Une réunion entre la Russie, l’Iran et la Turquie est prévue à Doha pour tenter de désamorcer la situation et ouvrir la voie à une solution politique.
Alep, symbole de richesse culturelle et économique, est considérée comme un pivot stratégique dans le conflit syrien. Sa perte constituerait une défaite majeure pour le régime, avec des répercussions sur d’autres régions.
Le spectre d’une partition de la Syrie se dessine, entre un régime retranché à Damas, Homs et sur le littoral, une opposition soutenue par la Turquie dominant Idlib et Hama, et les forces kurdes de « Qasad » au nord-est, appuyées par les États-Unis. Pendant ce temps, les Kurdes consolident leurs positions à Deir ez-Zor, aux dépens du régime.
Avec la poursuite des combats, l’avenir de la Syrie demeure incertain, mais il sera une fois de plus marqué par le sang. Comme en 2011, les conséquences de ce conflit risquent de s’étendre aux pays voisins.
Enfin, beaucoup dépendra des décisions de Donald Trump, notamment concernant un éventuel retrait des forces américaines de Syrie ou un accord potentiel avec Moscou. Quoi qu’il en soit, la résolution de la guerre russo-ukrainienne semble être un préalable à tout compromis sur l’avenir de la Syrie. Par ailleurs, Israël, sous la houlette de Benjamin Netanyahu, continuera à faire pression pour neutraliser le rôle stratégique de la Syrie dans l’acheminement d’armes vers le Hezbollah.