Observer les relations entre les États-Unis et Israël révèle un changement notable : les responsables israéliens passent de l’écoute des directives américaines à l’affirmation de leur indépendance. Ce basculement montre qu'Israël priorise désormais ses propres intérêts, qui peuvent diverger de ceux des États-Unis.
Cette confiance accrue d'Israël se manifeste par sa capacité à défier les décisions américaines sans craindre les répercussions. Israël exerce une influence croissante sur les cercles de pouvoir américains via des groupes de pression.
Début mai, le président Joe Biden a suspendu l'envoi de certaines munitions à Israël. En réponse, la députée républicaine Elise Stefanik s'est rendue en Israël pour critiquer violemment Biden, l'accusant de « se soumettre au Hamas. » D'autres républicains, comme le sénateur Lindsey Graham, ont fait écho à ses critiques. Le président de la Chambre, Mike Johnson, a menacé d'inviter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à s'adresser au Congrès, avec ou sans l'accord de Biden.
Quelles sont les divergences entre Biden et Netanyahou ? Ils s'accordent sur la nécessité de répondre à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, mais divergent sur l'ampleur de la réponse. Ils conviennent de frapper le Hamas et de démanteler sa structure militaire, mais diffèrent sur les moyens de minimiser les dommages civils. Les objectifs de la guerre sont aussi en débat, les États-Unis et l'armée israélienne trouvant les objectifs de Netanyahou vagues et irréalistes. Enfin, la bataille de Rafah reste un point de friction, Netanyahou insistant pour ouvrir un corridor pour les réfugiés palestiniens vers le Sinaï.
Jusqu'à présent, les positions de Biden n'ont pas dissuadé Netanyahou de poursuivre ses actions. Cela place Biden dans une position délicate, ne pouvant ni renoncer à soutenir Israël ni permettre à Israël d'agir sans contrainte, surtout avec la montée des critiques au sein du Parti démocrate et des mouvements de protestation aux États-Unis.
Comment Israël, en deux décennies, a-t-elle réussi à obtenir un tel soutien aux États-Unis et en Europe, et à exercer une telle influence sur la politique mondiale ? La réponse pourrait résider dans la dérive des sociétés américaine et israélienne vers la droite et dans la montée du sentiment de supériorité militaire.
Un sondage de Channel 12 en mars a montré que la majorité des Israéliens préfèrent une victoire de Donald Trump à la prochaine élection présidentielle, 44 % soutenant Trump contre 30 % pour Biden. Deux études de l'Institut israélien de la démocratie indiquent qu'une majorité d'Israéliens soutiennent la résistance des dirigeants israéliens aux politiques américaines concernant le Moyen-Orient.
Lors du retour de Netanyahou au pouvoir en 2009, 51 % des Israéliens voyaient positivement Obama. Cependant, les attaques constantes de Netanyahou contre Obama, notamment sur le dossier nucléaire iranien, ont inversé cette tendance. Selon Pew Research Center, le soutien des républicains à Israël a augmenté, tandis que celui des démocrates a diminué.
En 2015, Netanyahou a brisé un tabou en s'alignant avec les républicains et en acceptant une invitation du président de la Chambre sans l'approbation d'Obama. Aujourd'hui, Netanyahou sent qu'il peut répéter cette manœuvre. Mais cette fois, c'est Biden qui fait face à une élection difficile, et sa réponse au défi de Netanyahou pourrait être décisive.
Biden arrivera-t-il à une confrontation avec Netanyahou ? Netanyahou se séparera-t-il des États-Unis ? Entre oui et non, Gaza reste la victime, et le Moyen-Orient demeure plongé dans ses crises