En marge de plusieurs crises internationales, les relations américano-chinoises oscillent constamment entre tensions et apaisements. Les États-Unis et la Chine, les deux plus grandes puissances économiques mondiales, divergent sur de nombreuses questions, allant de Taïwan à la mer de Chine méridionale, en passant par l’Ukraine, le conflit israélo-palestinien, l’Afrique et les droits de l’homme.

Le président américain Joe Biden qualifie le conflit entre les États-Unis et la Chine de "concurrence féroce" et répète sans cesse que le maintien de la suprématie américaine au XXIe siècle dépend de sa capacité à contenir l’ascension chinoise.

De son côté, le président chinois Xi Jinping avance, même prudemment, vers l’affirmation de la place de la Chine parmi les nations, partant du principe qu’en tant que deuxième puissance économique mondiale, elle a le droit de consolider ses intérêts dans diverses régions, même si cela implique un affrontement avec les intérêts américains.

Washington exerce des pressions sur Pékin en renforçant ses relations économiques et militaires avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines, le Vietnam, l’Australie, l’Inde, l’Indonésie, et même avec les plus petites îles des océans Pacifique et Indien, dans le but stratégique de "confinement".

La question va bien au-delà de l’Ukraine et de Taïwan, touchant à la vision de la Chine et des États-Unis sur la nature de l’ordre mondial né de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’Union soviétique.

Les sanctions périodiques imposées par les États-Unis sont l’arme la plus affûtée dans cette confrontation ouverte avec le dragon chinois, visant à réduire son influence dans la plus grande région géopolitique du monde, qualifiée par l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe de "région indopacifique", qui représente les deux tiers du commerce mondial, reléguant l’Europe à un rôle secondaire dans le commerce et la politique.

Ce que les États-Unis veulent de la Chine aujourd’hui, c’est qu’elle rompe son alliance stratégique avec la Russie. Ils savent que tant que cette alliance perdurera, les sanctions occidentales (plus de 16 000) imposées à Moscou ne porteront pas leurs fruits dans la destruction de l’économie russe, car le marché chinois a remplacé le marché européen fermé au Kremlin. De plus, la technologie interdite aux entreprises russes est fournie par des entreprises chinoises, soit directement, soit via des tiers. Les États-Unis estiment que la destruction de l’économie russe est la clé pour vaincre le "tsar" en Ukraine.

Au début du mois, Biden a envoyé son secrétaire d’État Antony Blinken à Pékin avec un avertissement contre la fourniture continue de technologies à double usage à la Russie. Face au manque de coopération, il a imposé des sanctions à des entreprises chinoises accusées par le Trésor américain d’exporter leurs produits vers la Russie, menaçant de cibler les banques d’État chinoises si elles ne se conformaient pas aux avertissements américains.

Pékin n’a pas caché sa colère face aux nouvelles mesures américaines, alors que Xi Jinping accueillait Poutine sur le tapis rouge le 16 mai, renouvelant l’alliance "sans limites" annoncée entre la Russie et la Chine depuis 2022.

La Chine a profité de l’inauguration du nouveau président taïwanais indépendantiste Lai Ching-te pour imposer des sanctions à 12 entreprises américaines du secteur de la défense, ainsi qu’à des dirigeants, les accusant de "coercition économique" contre les entreprises chinoises et de vente d’armes à Taïwan. Parmi ces entreprises figurent Lockheed Martin et Raytheon.

La direction chinoise a été plus loin en répondant aux déclarations "provocatrices" du président taïwanais lors de son investiture le 21 mai, en lançant deux jours de vastes manœuvres militaires autour de Taïwan, avertissant contre toute déclaration d’indépendance de l’île autonome depuis 1949.

Les sanctions chinoises, qui ne sont pas les premières, après celles imposées à deux entreprises américaines le 11 avril pour suspicion de vente d’armes à Taïwan, montrent que le président chinois n’est pas prêt à céder aux demandes américaines de réduction de ses relations avec la Russie.

Ces mesures visent également à envoyer un avertissement à l’Union européenne, dont certains dirigeants accusent la Chine de fournir à la Russie des biens pour soutenir ses industries militaires, lui permettant ainsi de poursuivre la guerre en Ukraine.

Xi Jinping a entendu des reproches directs du président français Emmanuel Macron lors de sa visite à Paris ce mois-ci.

La Chine a maintes fois affirmé qu’elle n’était pas partie prenante à la guerre en Ukraine et qu’elle était prête à aider à trouver une solution au conflit, en proposant une initiative en février dernier, qui est restée lettre morte à Kiev et en Occident.

Ce qui a changé maintenant, c’est que la Russie a pris l’avantage sur le terrain. C’est pourquoi l’Occident fait pression sur la Chine pour qu’elle utilise son influence sur Poutine afin de mettre fin à la guerre. L’invitation du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Xi Jinping pour participer à une conférence internationale pour la paix en Ukraine le mois prochain à Genève reconnaît l’importance du rôle de la Chine dans la résolution de ce conflit, le plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

La question va bien au-delà de l’Ukraine et de Taïwan, touchant à la vision de la Chine et des États-Unis sur la nature de l’ordre mondial né de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’Union soviétique. Washington tient à l’hégémonie unipolaire, tandis que Pékin et Moscou estiment qu’il est temps pour un ordre multipolaire.

Il s’agit d’un affrontement entre deux visions du monde.