Alors que les opinions et théories concernant l'existence d'une ou plusieurs conspirations pour éliminer le président iranien Ebrahim Raïssi et d'autres responsables, dont le ministre des Affaires étrangères Amir Hossein Abdollahian, après le crash de son hélicoptère présidentiel, se sont multipliées, ces avis et théories se sont estompés en attendant les résultats de l'enquête annoncée par le chef d'état-major de l'armée iranienne.

Le premier communiqué officiel iranien a évoqué une urgence météorologique qui aurait fait disparaître l'hélicoptère présidentiel des radars et couper toute communication. Entre ce communiqué et celui annonçant la découverte de l'hélicoptère brûlé et la mort de tous ses occupants, les théories de la conspiration, basées sur le principe que l'accident était intentionnel, ont prospéré.

Le chef d'état-major de l'armée iranienne a rapidement annoncé l'ouverture d'une enquête pour élucider les circonstances du crash, mais cela n'a pas empêché la propagation des théories d'assassinat et leurs raisons et conséquences potentielles, bien qu'aucun des auteurs de ces théories n'ait présenté de preuve permettant de les étayer.

En attendant les résultats de l'enquête, les analyses oscillaient entre l'hypothèse du destin et les théories de la conspiration. L'hélicoptère était ancien, et les sanctions américaines contre l'Iran ont limité la disponibilité des pièces détachées, ce qui a conduit à mettre hors service la moitié de la flotte d'hélicoptères pour utiliser ses pièces comme pièces de rechange pour l'autre moitié. Même la Russie, à qui l'Iran a fourni des drones qui l'ont aidée dans la guerre en Ukraine, n'a pas osé fournir à l'Iran des avions civils modernes par crainte des sanctions américaines.

En attendant les résultats de l'enquête, la première question troublante est : puisque le temps était orageux, pourquoi utiliser des hélicoptères plutôt que des avions ordinaires ? Et pourquoi le plan de retour du président et de ses accompagnateurs n'a-t-il pas été modifié alors que le temps orageux persistait ?

Une autre question troublante : pourquoi l'hélicoptère présidentiel a-t-il eu un accident ou une panne, et pas les deux hélicoptères d'escorte ? Pourquoi la communication a-t-elle été perdue ? Les deux hélicoptères d'escorte ont-ils maintenu le contact visuel avec l'hélicoptère présidentiel, ou qu'est-ce qui l'en a empêché ? Les informations recueillies par le drone turc qui a localisé l'épave de l'hélicoptère, puis par les équipes de secours, ont confirmé que le transpondeur de l'hélicoptère, qui aide à déterminer sa position, n'était pas disponible (éteint ou en panne). Des informations ont circulé selon lesquelles le drone qui a détecté l'épave était américain, et non turc, car les drones turcs ne possèdent pas cette technologie avancée.

Pour approfondir les théories de la conspiration, une autre question troublante : s'agit-il d'un accident orchestré pour assassiner le président ou le ministre des Affaires étrangères proche des Gardiens de la Révolution ? Une théorie suggère que l'accident était destiné à assassiner Abdollahian et que le président était une victime collatérale, tandis qu'une autre théorie affirme que l'accident visait le président lui-même en tant que candidat fort à la succession du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui serait en train de préparer la voie pour l'un de ses fils.

La théorie de l'intervention étrangère et de la possible implication d'Israël revient également, mais sans preuve.

Aucune réponse concluante n'a encore été apportée à ces questions et hypothèses. Le seul fil conducteur ayant permis leur propagation est base sur une analyse politique créant un contexte pour la possibilité d'une conspiration. Cependant, elles manquent de preuves et ne constituent pas un dossier dans cette affaire.

Discussions discrètes

Le journaliste David Ignatius a révélé dans le Washington Post que l'Iran avait officiellement demandé au gouvernement américain de l'aider à localiser le site du crash de l'hélicoptère présidentiel, accompagnant cette demande d'une carte du site probable. Selon Ignatius, cette démarche iranienne est une conséquence rapide et naturelle des discussions directes menées discrètement à Oman par Brett McGurk, responsable du Moyen-Orient au Conseil de sécurité nationale américain, et par Ali Bagheri Kani, ministre iranien des Affaires étrangères par intérim, trois jours avant le crash de l'hélicoptère présidentiel. Dans ce contexte, Ignatius affirme que les États-Unis ne voient pas dans l'absence de Raïssi un changement de la politique intérieure ou extérieure de l'Iran. Cela concorde avec les assurances du guide Khamenei selon lesquelles l'absence du président de la République ne perturbera pas les affaires de l'État.

Aux États-Unis, certains estiment que la mort de Raïssi et d'Abdollahian pourrait faciliter les discussions directes visant à réduire les tensions dans la région, car cela offrirait un nouveau départ tout en maintenant la volonté des deux parties de diminuer les tensions. Il semble que les efforts des deux parties aient réussi à contenir la guerre à Gaza et à la limiter à la Bande de Gaza et au front sud du Liban avec le Hezbollah, empêchant son extension en une guerre régionale que tout le monde redoutait. Certains aux États-Unis pensent également que la réduction des tensions régionales pourrait débloquer la situation au Liban, mettre fin à l'impasse et élaborer une solution pour le lendemain à Gaza dont les contours commencent à émerger.

Selon le Washington Post, au cours des pourparlers avec les iraniens, les États-Unis ont adressé la semaine dernière des avertissements clairs à l'Iran concernant l'ampleur de leur réponse si l'Iran escaladait militairement. Ces avertissements rappellent le modèle utilisé par les États-Unis pour riposter aux milices irakiennes pro-iraniennes qui avaient attaqué une base américaine dans la région frontalière jordanienne. La réponse américaine avait ciblé ces milices de manière directe et douloureuse en Irak et à sa frontière avec la Syrie, et avait assassiné l'un de leurs chefs en Irak. Ces frappes ont probablement transmis le message américain et incité les bras armés de l'Iran en Irak à cesser de viser les forces américaines déployées dans la région.

Cette ouverture de dialogue avec l'Iran a permis également de mettre des limites aux activités nucléaires de l'Iran et d'aboutir à un accord autorisant l'Iran à enrichir l'uranium à 60 %, en limitant le nombre de centrifugeuses et en poursuivant la coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique.