Après une série de problèmes et de manifestations liées à la présence militaire française dans les pays du Sahel en Afrique ces dernières années, la France fait face depuis deux semaines à des manifestations dans l'archipel de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, qui reste encore une colonie française.
Les protestations ont éclaté suite au refus du peuple kanak, les habitants autochtones de l'archipel, des amendements constitutionnels adoptés par l'Assemblée nationale française plus tôt ce mois-ci. Ces amendements élargissent le droit de vote aux élections locales pour inclure les résidents présents depuis plus de dix ans, ce que les activistes pro-indépendance considèrent comme une tentative de Paris de marginaliser le poids électoral des autochtones, qui représentent 40 % de la population de l'archipel. Selon la loi actuelle, seuls les personnes vivant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins 1998 et leurs enfants âgés de plus de 18 ans peuvent voter aux élections locales.
Les autorités françaises ne semblaient pas préparées à une insurrection de cette ampleur, la plus vaste depuis 1985, dans cet archipel riche en nickel et autres ressources naturelles, colonisé par Napoléon III, neveu de Napoléon Ier, en 1853.
Le Haut-Commissaire français, Louis Le Franck, a rapidement imposé l'état d'urgence, un couvre-feu et la suspension d'Internet à Nouméa, la capitale de l'archipel, et dans d'autres zones contrôlées par les manifestants. Les forces de sécurité françaises, renforcées, ont tenté de disperser les protestations par la force, ce qui a entraîné jusqu'à présent la mort de trois manifestants et de deux gendarmes français. Le président français Emmanuel Macron s'est rendu dans l'archipel mardi, après avoir tenu trois réunions depuis le début de la crise avec des responsables militaires et des services de sécurité, qui ont décidé d'ouvrir la route de Nouméa à l'aéroport par la force et de retirer les barricades des manifestants en raison de la pénurie de biens et de produits alimentaires.
Les troubles, qui continuent à une moindre intensité, ont suscité l'inquiétude des pays voisins, notamment l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont commencé à évacuer leurs ressortissants de l'archipel. L'archipel est situé à 1500 kilomètres à l'est de l'Australie et compte environ 300 000 habitants.
Après plus de deux siècles de colonisation française, le débat sur l'appartenance de l'archipel à la France ou sur son autonomie, voire son indépendance, reste ouvert, avec des opinions divisées sur des bases ethniques. Historiquement, la France utilisait principalement l'île comme prison. Aujourd'hui, les habitants européens se divisent entre descendants de colons et descendants de prisonniers envoyés de force sur l'île. En général, les Européens représentent un quart de la population. La France a accordé la citoyenneté aux Kanak en 1957.
La crise en Nouvelle-Calédonie a résonné dans quatre autres colonies françaises : La Réunion dans l'océan Indien, la Guadeloupe et la Martinique dans les Caraïbes, et la Guyane française en Amérique du Sud. Les dirigeants de ces colonies ont adressé une lettre ouverte à Paris demandant de revenir sur les amendements apportés à la loi électorale locale. Il est à noter que la France conserve encore 12 colonies à travers le monde.
Il est certain que la crise en Nouvelle-Calédonie affaiblit la politique française vis-à-vis de la Chine en Asie.
La France maintient une base militaire en Nouvelle-Calédonie, faisant partie d'un déploiement militaire français de 8 000 soldats dans les régions du Pacifique et de l'océan Indien, et d'une zone économique exclusive française, la deuxième plus grande après celle des États-Unis.
Il est certain que la crise en Nouvelle-Calédonie affaiblit la politique française vis-à-vis de la Chine en Asie, surtout que Macron avait exprimé au président chinois Xi Jinping, lors de sa visite à Paris plus tôt ce mois-ci, son mécontentement face au développement des relations sino-russes et à la coopération militaire entre Pékin et Moscou, avec des répercussions négatives sur l'Ukraine, ainsi que sur le fait que la Chine inonde le marché européen de certaines de ses exportations, notamment les voitures électriques.
Cependant, Paris n'a pas accusé Pékin d'être à l'origine des protestations en Nouvelle-Calédonie, mais le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a plutôt accusé l'Azerbaïdjan. Il a affirmé que des militants kanaks avaient visité Bakou ces derniers mois.
Darmanin fonde cette accusation sur le renforcement des relations entre la France et l'Arménie, et la disposition de Paris à vendre des armes à Erevan alors que les relations entre l'ancienne république soviétique et la Russie se détériorent, surtout après l'invasion de la région du Haut-Karabagh par les forces azerbaïdjanaises l'automne dernier, région peuplée majoritairement d'Arméniens.
Après une série d'échecs français au Mali, au Burkina Faso et en Hongrie dans la région du Sahel en Afrique, la crise en Nouvelle-Calédonie ajoute de nouvelles difficultés pour Macron, dont la popularité est en baisse, et il pourrait ne pas falloir longtemps avant que cela se traduise dans les urnes lors des élections européennes à partir du 6 juin prochain.