L'accueil chaleureux réservé à Xi Jinping lors de sa visite d'État à Paris n'a pas caché les tensions dans les relations sino-françaises et sino-européennes. Malgré ces fragilités, les deux parties souhaitent renforcer leur partenariat commercial, en dépit des divergences économiques et politiques significatives.
La Chine et l'Union européenne partagent un objectif commun : éviter une guerre commerciale qui profiterait principalement aux États-Unis. Les dirigeants européens souhaitent adopter une approche différente de celle des États-Unis face à Pékin, tant sur la concurrence économique que sur les questions internationales.
Lors de sa visite en France, Xi Jinping a fait face aux critiques ouvertes d'Emmanuel Macron, notamment sur la guerre russo-ukrainienne et la stratégie chinoise d'inonder le marché européen de produits industriels subventionnés, tels que les voitures électriques. Macron a qualifié ces questions de « menace existentielle ».
Avec d'autres dirigeants européens, Macron considère que la Chine continue de soutenir la Russie technologiquement et électroniquement, notamment en fournissant des équipements à double usage qui alimentent le conflit armé. En achetant les ressources énergétiques russes interdites en Europe, la Chine soutient financièrement le Kremlin et lui permet de contourner les sanctions imposées par l'Europe et les États-Unis.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, accompagnait Macron dans ses discussions avec Xi. Elle a souligné à plusieurs reprises que l'avenir des relations UE-Chine dépendra de la position chinoise vis-à-vis du conflit ukrainien. Elle a demandé à la Chine, avec Macron, de réduire ses livraisons de biens à double usage à la Russie, car ces biens finissent inévitablement sur les champs de bataille en Ukraine.
Macron, qui adopte depuis plusieurs mois une posture de plus en plus hostile envers la Russie, n'a pas exclu l'envoi de troupes françaises en Ukraine pour empêcher une victoire de Vladimir Poutine, perçue comme un encouragement à menacer d'autres nations voisines.
L'Europe presse Xi de jouer un rôle plus actif pour adoucir la position russe, tandis que les États-Unis font pression sur Pékin pour qu'il cesse de fournir des semi-conducteurs et d'autres matériels essentiels à la Russie. Après la visite du secrétaire d'État américain Antony Blinken à Pékin le mois dernier, Washington a imposé de nouvelles sanctions aux entreprises chinoises accusées de fournir des matériaux sensibles à la Russie.
La visite prochaine de Vladimir Poutine à Pékin renforce les inquiétudes de Macron et d'Ursula von der Leyen concernant la crise ukrainienne.
L'Union européenne a également imposé des restrictions commerciales en février à trois entreprises chinoises accusées de vendre des matériaux utilisés dans le secteur militaire. D'autres sanctions pourraient suivre, préviennent les responsables européens.
La Chine nie toute implication dans le conflit russo-ukrainien. Dans un article publié dans Le Figaro avant son arrivée à Paris, Xi a déclaré que la Chine « comprend les répercussions de la crise ukrainienne sur le peuple européen » et insiste sur le fait que Pékin ne prend part ni à la crise ni aux combats, jouant plutôt « un rôle constructif dans la recherche d'une résolution pacifique du conflit ».
L'Occident demande à la Chine de cesser de fournir des armes à la Russie, afin d'éviter un déséquilibre des forces sur le terrain. Dans une interview accordée à The Economist jeudi dernier, Emmanuel Macron a souligné : « Il est dans notre intérêt de persuader la Chine de soutenir la stabilité de l'ordre international... Nous devons donc collaborer avec elle pour édifier la paix. »
La visite prochaine de Vladimir Poutine à Pékin renforce les inquiétudes de Macron et d'Ursula von der Leyen concernant la crise ukrainienne.
Les préoccupations commerciales de l'Union européenne ne sont pas moindres que celles liées au conflit ukrainien. La Chine étant le principal partenaire commercial de l'Union, les dirigeants européens abordent les différends commerciaux avec prudence.
Selon le Wall Street Journal, les manufacturiers chinois inondent l'Europe de voitures électriques, de panneaux solaires et d'autres biens, conséquence d'une surproduction massive et d'une baisse de la consommation intérieure. La reprise économique lente de la Chine après la pandémie de coronavirus, la baisse des prix de l'immobilier, le chômage des jeunes et la contraction économique alimentent les craintes d'une stratégie d'exportation massive.
L'Union européenne critique le soutien de l'État chinois aux fabricants de voitures électriques, ce qui perturbe l'équilibre commercial avec la Chine. Alors que les fabricants français ressentent les effets de ce soutien, l'Allemagne hésite à imposer des tarifs plus élevés sur les importations chinoises, craignant des représailles contre ses investissements dans le marché automobile chinois. Olaf Scholz a décliné l'invitation de Macron à se joindre aux discussions avec Xi.
La Chine profite des divisions en Europe pour concurrencer économiquement le continent. Elle menace de répondre à toute sanction visant son secteur automobile par des mesures contre des produits emblématiques français comme le brandy et le cognac.
Cependant, lors de la soixantième réunion du Conseil d'affaires franco-chinois à Paris, Bruno Le Maire, ministre français de l'Économie, a insisté sur la nécessité d'un partenariat équilibré et durable. « Nous sommes encore loin de cet équilibre », a-t-il déclaré, faisant référence au déficit commercial de 46 milliards d'euros entre la France et la Chine.
Dans ce contexte tendu, Macron a dressé un tableau sombre de l'avenir de l'Europe lors d'une conférence à la Sorbonne le mois dernier, avertissant que le continent est « menacé de mort » s'il ne se mobilise pas face aux défis posés par la guerre russo-ukrainienne, et face à son retard économique et intellectuel par rapport aux États-Unis et à la Chine.