À sept mois de l'élection présidentielle, qui constitue un moment clé pour l'avenir de l'aide à l'Ukraine et l'orientation de la guerre dans sa troisième année, les Européens se penchent sur l'élaboration d'une stratégie pour combler le vide potentiellement laissé par les États-Unis en cas de retour de l'ancien président Donald Trump à la Maison Blanche.

Le président français Emmanuel Macron se positionne en faveur d'une politique européenne plus efficace et plus ferme à l'égard de la Russie, indépendamment des éventuels changements à venir sur la scène politique américaine. Sa proposition d'envoyer des forces de l'OTAN en Ukraine à un moment donné a reçu un soutien de la part de la Pologne et de la République tchèque, mais a été rejetée par l'Allemagne, le Royaume-Uni et même les États-Unis. Ces trois derniers pays préfèrent suivre l'approche traditionnelle consistant à aider l'Ukraine sans déclencher de guerre ouverte avec la Russie, même si cette approche a échoué au cœur de l'équation militaire sur le terrain.

Le conflit ukrainien a dominé les commémorations du 75e anniversaire de la fondation de l'OTAN la semaine dernière, le soutien de l'alliance à Kiev devenant un pilier essentiel de la capacité de l'Ukraine à résister à la Russie depuis le début de la guerre le 24 février 2022. Les dirigeants européens ne cachent pas que l'Ukraine est dans une impasse depuis l'échec de son contre-attaque l'été dernier.

L'impasse ukrainienne pourrait inciter la Russie à entreprendre une nouvelle aventure militaire à grande échelle. Macron a-t-il choisi de lancer son appel à envoyer des forces de l'OTAN en Ukraine après avoir perçu une faiblesse ukrainienne ? Et son appel pourrait-il trouver un écho plus favorable si la Russie semblait réellement sur le point de réaliser des progrès stratégiques sur le terrain dans un proche avenir ?

Au sommet des tensions franco-russes, un appel téléphonique a eu lieu entre le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, et son homologue russe, Sergueï Choïgou, le 3 avril dernier, le premier du genre depuis octobre 2022. L'objectif de cet appel, initié par Paris, était d'informer Moscou que la France "n'a aucune information permettant de prouver un lien entre l'attaque terroriste contre une salle de concert près de Moscou le 22 mars et l'Ukraine" et de demander à la Russie de "cesser de l'exploiter".

La France s'inquiète du risque que les autorités russes utilisent les liens qu'elles évoquent entre l'attaque et l'Ukraine comme prétexte pour lancer une nouvelle attaque à grande échelle cet été, ce qui aurait un impact certain sur les Jeux olympiques d'été que la France accueillera en juillet et août prochains.

La France ne doute pas que l'État islamique au Khorasan ait revendiqué l'attaque terroriste à plusieurs reprises, la mettant en contexte comme une réponse au rôle russe en Syrie et en Afghanistan.

Après l'appel entre Lecornu et Shoigu, Macron a lancé un avertissement, affirmant qu'il est convaincu que la Russie vise à saboter les Jeux olympiques, notamment sur le plan médiatique, afin de présenter la France comme un pays "non préparé" à cet événement.

Il y a deux jours, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a adopté une position plus ferme en déclarant que Paris ne voyait "plus d'intérêt" à "mener des discussions avec les responsables russes".

Bien que la fermeté de Macron à l'égard de la Russie soit liée aux développements du conflit ukrainien, elle est également ancrée dans des considérations de politique intérieure. À l'approche des élections parlementaires européennes en juin, les sondages montrent une avance pour le Rassemblement national d'extrême droite dirigé par Marine Le Pen.

Il est naturel que derrière l'intensification de la rhétorique sur le dossier ukrainien, Macron cherche également à augmenter le soutien pour son parti, La République En Marche, en se mobilisant contre la Russie et en se présentant comme un leader européen qui ne permettra pas une nouvelle "Munich" en Europe. Cependant, le problème auquel Macron est confronté est que l'envoi éventuel de troupes françaises en Ukraine est rejeté par 68% de l'opinion publique française.

Au-delà de la scène nationale, le changement de position française fait suite à la défaite de Paris au Mali, au Burkina Faso et au Niger dans la région du Sahel au cours des deux dernières années, ainsi qu'à l'influence croissante de la Russie dans ces pays, qui n'ont pas hésité à expulser les forces françaises de leur territoire.

Macron cherche également à contrer l'expansion de l'influence russe dans les pays africains "francophones" en renforçant les liens avec l'Arménie, qui faisait récemment partie de l'"espace soviétique" et est membre du traité de sécurité collective, comprenant la Russie et plusieurs anciennes républiques soviétiques.

Alors que les relations russo-arméniennes se détériorent continuellement depuis la prise de contrôle de l'Artsakh par l'Azerbaïdjan, Paris se rapproche de plus en plus d'Erevan. Le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a visité la France le mois dernier, annonçant ensuite la suspension de l'adhésion de son pays au traité de sécurité collective. Cela a été suivi par la visite du ministre français de la Défense à Erevan et la signature d'accords de défense, ainsi que l'expulsion par l'Arménie des observateurs russes de l'aéroport international de Zvartnots près de la capitale.

La traduction du changement de discours français face à la Russie dépendra de la capacité de Macron à convaincre d'autres pays européens, notamment l'Allemagne et l'Italie, de mettre en place une nouvelle stratégie vis-à-vis du conflit ukrainien qui pourrait impliquer un engagement direct dans la guerre, si une telle mesure est le seul moyen d'empêcher la Russie de remporter la victoire en Ukraine.

La question est de savoir si les pays européens pourraient être directement impliqués dans la guerre russo-ukrainienne sans le soutien américain. Aux États-Unis, il est peu probable que la situation se clarifie avant les élections de novembre prochain.