Depuis 2016, la Banque du Liban avait pleinement conscience de l'imminence de la faillite du pays. Cependant, des informations cruciales ont été méticuleusement dissimulées à la demande pressante de Riad Salamé, gouverneur de la banque centrale, avec la complicité active du Fonds monétaire international.
Deux étapes cruciales auraient pu éviter l'effondrement du Liban à l'automne 2019, si la communauté internationale et ses institutions compétentes n'avaient pas ignoré délibérément deux erreurs majeures.
La première erreur commise
Il y a près de deux décennies, peu après l'explosion de la crise économique, une série d'événements clés s'est déroulée à Paris et à Washington, qui allait avoir des conséquences profondes sur l'économie libanaise. En 2001, lors des préparatifs de la conférence "Paris I", qui a ultimement conduit à la conférence "Paris II" en 2002, une délégation officielle libanaise, dirigée par le regretté Premier ministre Rafic Hariri, s'est rendue à Washington pour rencontrer le Fonds monétaire international (FMI). Cette délégation comprenait des membres importants du gouvernement, tels que le ministre des Finances Fouad Siniora, le ministre de l'Économie Bassel Fleihan, et le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé.
Lors de cette réunion cruciale, le FMI a recommandé vivement au gouvernement libanais d'adopter un programme audacieux, incluant notamment une réduction du taux de change fixe de la livre libanaise, qui était en vigueur depuis 1998, avec une parité de 1 500 livres pour un dollar. Cependant, le gouvernement libanais de l'époque a rejeté cette proposition, réussissant à persuader le FMI de la nécessité de maintenir le taux de change inchangé et de ne pas le considérer comme une menace pour l'économie nationale. Le président Fouad Siniora a d'ailleurs mentionné cette prouesse dans son ouvrage intitulé "La dette publique libanaise - Accumulation et répercussions négatives".
Le FMI a finalement accepté cette "innovation" libanaise, qui allait s'avérer être une décision désastreuse pour l'économie et les secteurs productifs. Cette première erreur, que le FMI a gardée secrète et n'a pas corrigée lors des conférences ultérieures de Paris I, II et III, a laissé le champ libre aux flammes de l'effondrement, dont les conséquences se sont propagées sous les cendres du taux de change fixe.
Cette série d'événements a donc conduit à une situation déplorable, où l'économie libanaise a été confrontée à des difficultés croissantes, sans que le FMI ne lance l'alerte ni ne prenne les mesures nécessaires pour contrer cette menace grandissante. L'histoire retiendra cette séquence d'erreurs qui a alimenté le brasier de l'effondrement économique, laissant le Liban avec des conséquences dévastatrices.
Les conséquences majeures de la stabilisation du taux de change.
Le maintien du taux de change, soutenu par le Fonds monétaire international (FMI) et la communauté internationale, a entraîné des conséquences désastreuses pour le Liban. Lors de la conférence de Paris II, le pays s'est vu accorder des aides d'un montant colossal, atteignant 4,2 milliards de dollars. Cependant, cette politique a eu des effets dévastateurs. En maintenant artificiellement le taux de change, la monnaie nationale a été surévaluée par rapport à sa véritable valeur. Cette situation a entraîné une augmentation spectaculaire des importations, qui ont atteint environ 257 milliards de dollars entre 2000 et 2021, selon une étude du Comité économique et social des Nations Unies pour l'Asie occidentale (CESAO). Par ailleurs, les dépenses des Libanais pour le tourisme à l'étranger ont atteint près de 4,1 milliards de dollars par an de 2002 à 2018, avec une dépense de 6,25 milliards de dollars en 2018 seulement, soit une augmentation de 12% par rapport à 2017, alors que les dépenses touristiques globales s'élevaient à 5,6 milliards de dollars. Environ 5 milliards de dollars ont également été transférés hors du Liban au profit de la main-d'œuvre étrangère, dont une grande partie est employée dans le secteur domestique.
Ces chiffres ont contribué à l'aggravation du déficit de la balance des paiements, en particulier après 2011 avec le début de la guerre en Syrie, et ont entraîné une baisse des revenus provenant du tourisme et des investissements directs étrangers. Au cours de la période s'étendant de 2011 à mi-2021, le déficit de la balance des paiements a atteint environ 34,4 milliards de dollars. En d'autres termes, au cours de la dernière décennie, plus de 35 milliards de dollars ont quitté l'économie libanaise, dépassant les revenus générés par le tourisme, les transferts des expatriés, les exportations et d'autres sources de revenus.
Pour compenser ces sorties massives de devises, la Banque du Liban a effectué des opérations de découvert en convertissant les dépôts en livres libanaises en dollars. Cela s'ajoute aux avances de trésorerie accordées pour le secteur de l'électricité, qui étaient payées en dollars mais non remboursées au taux de change de 1 500 livres, entraînant un montant total de plus de 40 milliards de dollars, intérêts compris. En plus d'avoir provoqué une fuite importante de dollars, cette fixation artificielle du taux de change a paralysé les secteurs productifs et limité leur capacité à rivaliser sur les marchés mondiaux en raison de la hausse des coûts de production internes. Les exportations ont diminué, privant le Liban d'une importante source de revenus en devises.
La deuxième erreur commise
Les répercussions ne se sont pas limitées à cela, car après près de 15 ans depuis la condamnation du Fonds monétaire international (FMI) quant à l'erreur de maintenir un taux de change fixe, voilà que le FMI commet une seconde bévue aux dépens de l'économie libanaise. En effet, il a été révélé que la Banque du Liban se trouve confrontée à un déficit de réserves en devises avoisinant les 4,7 milliards de dollars. Ces chiffres ont été dévoilés dans un rapport confidentiel établi par le FMI à l'intention des autorités financières libanaises en avril 2016, révèle l'agence Reuters qui a pu consulter le rapport.
Après l'éclatement de la crise, trois sources bien informées ont confirmé à l'agence que M. Salamé lui-même a vivement insisté lors de ses échanges avec les responsables du FMI pour que ce chiffre ne soit pas rendu public, car il risquait de perturber la stabilité du marché financier. Interrogé sur l'absence de cette donnée dans les rapports publiés et sur la nécessité pour le FMI de jouer un rôle plus préventif en appelant à des réformes, un porte-parole du FMI a refusé de commenter la suppression du déficit de 4,7 milliards de dollars, déclarant que le rapport mettait plutôt en avant des avertissements précoces et des solutions envisageables pour renforcer le système financier. Le porte-parole a ajouté que le FMI avait souligné l'impératif de réduire les risques économiques et financiers, notamment en misant sur de nouveaux flux de dépôts pour combler le déficit budgétaire et extérieur considérable, tout en précisant que des ressources substantielles étaient nécessaires pour garantir la résilience du capital bancaire en cas de choc sévère.
La responsabilité du FMI
Les sirènes d'alarme ont retenti dès les premiers signes, émanant du Fonds monétaire international (FMI), sonnant ainsi le glas du dangereux schéma de Ponzi qui a engendré des souffrances économiques et sociales dévastatrices pour le peuple libanais. Cette perfidie financière, mise en place par la Banque centrale dès cette année-là, s'est perpétuée jusqu'à la veille de la crise. Fondée sur des rendements mirifiques et des menaces pesantes de directives, elle visait à contraindre les banques à utiliser exclusivement les dépôts à leur disposition. Ces montants, puisés dans les actifs libanais, étaient ainsi utilisés pour financer les dépenses de l'État, maintenir le taux de change, soutenir le secteur de l'électricité, augmenter les salaires, et répondre à de nombreuses autres exigences. Malheureusement, plus de 82 milliards de dollars ont disparu dans les limbes, convertis en une monnaie locale sans existence physique. Les déposants les retirant à un taux de change fictif, assorti d'une prime atteignant plus de 85 % à différentes étapes de la crise.
Selon les informations rapportées par le prestigieux site suisse Le Temps, il est désormais avéré que la Banque centrale du Liban avait connaissance depuis 2016 de l'inévitable effondrement économique du pays. Cependant, par une requête directe de Riad Salamé, et avec la complicité du Fonds monétaire international, ces informations sensibles ont été soigneusement dissimulées, laissant ainsi le champ libre à la catastrophe tant redoutée. Le site révèle que le 9 avril 2016, Álvaro Pereira, représentant du FMI au Liban, a remis au gouverneur un rapport qui sonnait comme un véritable signal d'alarme. Pourtant, à la demande pressante de Salamé, le FMI a occulté délibérément 14 pages cruciales. Un article percutant, publié dans la presse française sous le titre "La faillite du Liban a été délibérément provoquée par le FMI de Christine Lagarde", dévoile la responsabilité de celle-ci, ancienne directrice du FMI de 2011 à 2016 et actuelle présidente de la Banque centrale européenne, dans cette manœuvre machiavélique. Cette analyse souligne que la faillite du Liban n'est en aucun cas le résultat d'une simple mauvaise gestion ou de la corruption endémique, mais bien le fruit d'un complot ourdi par les plus hauts dirigeants du FMI.
Le rapport conclut que l'émissaire représentant l'État libanais dans ces négociations n'est autre qu'un politicien éminent dans le domaine de l'économie, dont la carrière professionnelle est étroitement liée à l'ancien Premier ministre, Fouad Siniora. Il fut également l'expert-comptable du regretté président Rafic Hariri et a occupé le poste de directeur du Centre d'assistance technique du FMI au Moyen-Orient. Son rôle actif dans l'éviction du rapport crucial de 2016, rédigé par Álvaro Pereira, est indéniable.