Le dernier chapitre, probablement final, de la guerre renouvelée qui embrase la région depuis un an et demi impose une nouvelle approche libanaise, telle que promise par la présidence et le gouvernement. Cette approche rompt avec la logique du containment, de l’apaisement et de la gestion temporaire des crises. Elle vise plutôt à mettre en œuvre les principes fondamentaux énoncés dans le serment présidentiel, la déclaration ministérielle et les engagements contraignants, notamment ceux détaillés dans l’accord écrit de « cessation des hostilités » annoncé le 26 novembre 2024 et entré en vigueur à l’aube du lendemain.
Deux acteurs libanais clés sont directement responsables de la mise en œuvre de ces engagements : l’État libanais et le Hezbollah. Alors que le Hezbollah tente de gagner du temps, misant sur des changements géopolitiques pour restaurer sa position militaire et politique tout en conservant son arsenal, l’État, lui, n’a pas le luxe d’attendre. Il ne peut pas compter sur un bouleversement régional ou international majeur — comme l’effondrement du régime iranien — pour briser l’intransigeance du Hezbollah quant à son désarmement.
Les parrains internationaux de l’accord de cessez-le-feu, menés par les États-Unis, s’interrogent ouvertement sur la lente mise en œuvre de l’engagement du Liban à monopoliser les armes sous son autorité. Le gouvernement libanais pourrait justifier son hésitation par la crainte d’un conflit interne ou d’une guerre civile. Toutefois, cette peur n’est pas entièrement fondée, car le désarmement ne nécessite pas nécessairement une confrontation violente, mais peut être mené par la force de l’argument, de la persuasion et de la transparence.
Jusqu’à présent, l’État libanais n’a pas pleinement mobilisé la force de l’argumentation et du dialogue ouvert — ni lors des séances du Conseil des ministres, ni par la convocation du Conseil supérieur de la défense. De plus, il n’a pas encore complété sa stratégie d’assèchement financier des flux alimentant les armes illégales et de restriction des mouvements d’armes illicites dans leurs fiefs, zones d’influence et points de transit clés, notamment à la frontière avec la Syrie.
Pour l’instant, l’engagement de l’État à appliquer les mesures du cessez-le-feu et à affirmer son autorité reste limité à deux zones stratégiques. La première est celle au sud du Litani, où la situation demeure floue. La seconde est la région de Housh al-Sayyid Ali, à la frontière syrienne, après les récents affrontements. Cependant, un incident préoccupant a eu lieu avec une unité de l’armée déployée sur place, dont les soldats ont été accusés de trahison et ont fait face à des slogans pro-Hezbollah dans une tentative manifeste d’intimidation.
Pendant ce temps, la communauté internationale surveille de près l’ensemble du territoire, du sud au nord et dans la vallée de la Bekaa, établissant un lien direct entre le processus de désarmement et les efforts de reconstruction et de réforme au Liban. En réalité, la question de la reconstruction est encore plus étroitement liée à la résolution du problème des armes, non seulement aux yeux des pays donateurs, mais aussi du point de vue des citoyens libanais qui ont perdu leurs maisons et leurs entreprises. Beaucoup hésitent, voire refusent, de reconstruire une seconde fois sans garanties que leurs biens ne seront pas à nouveau détruits dans de futurs conflits. Ils réclament des assurances que les causes profondes des guerres incessantes qui ont ravagé le Liban pendant un demi-siècle seront enfin traitées.
Les expatriés libanais en Afrique, en Europe, dans le Golfe et aux États-Unis expriment des préoccupations similaires : « Nous avons passé la moitié de nos vies à épargner pour construire nos maisons dans le sud et ailleurs. On nous a encouragés à bâtir près de la Ligne bleue sous prétexte que ‘les armes de la résistance’ dissuaderont Israël. Puis, en une nuit, tout s’est effondré. Qui peut nous garantir que les années et économies qu’il nous reste ne seront pas gaspillées à nouveau, même si des aides nous parviennent d’ici et là ? »
Ces réalités placent l’État libanais en position de force pour traiter la question des armes. Lui seul peut répondre aux inquiétudes de ses citoyens, leur offrir des garanties et proposer des solutions concrètes. Il dispose déjà de preuves de sa capacité à réussir, notamment la libération de cinq prisonniers libanais en Israël grâce à la pression diplomatique et la stabilisation relative de la sécurité dans l’est et le nord de la Bekaa en coordination avec la Syrie.
L’État doit capitaliser sur ces succès partiels pour étendre son autorité territoriale et annihiler l’arsenal du Hezbollah. Une fois que ces armes auront perdu leur fonction dans la confrontation avec Israël — après leur retrait du sud et des lignes de front — leur justification à l’échelle nationale disparaîtra, empêchant qu’elles ne deviennent des instruments de domination interne et de discorde sectaire.
Le gouvernement libanais peut imposer sa logique, non seulement pour défendre sa souveraineté et son monopole légitime sur l’usage de la force, mais aussi pour le bien-être des partisans du Hezbollah eux-mêmes, en les libérant du cycle des guerres, de l’exil et de la mort.
Si le Liban, avec toutes ses confessions et ses régions, a le droit à la stabilité et à la paix après des décennies de guerre, alors la communauté chiite en a encore plus besoin. Or, cette stabilité et cette paix ne peuvent être garanties que sous la souveraineté de l’État, qui doit détenir le monopole des armes et de la défense nationale.
Depuis des années, les habitants du sud du Liban, ainsi que tous les Libanais, subissent les conséquences des tirs de roquettes, des drones et du discours du Hezbollah sur la dissuasion, l’escalade et les « fronts unifiés ». Ils ont enduré la mort, la destruction, l’exode et le désespoir. Aujourd’hui, ils ont le droit de se réfugier sous l’autorité légitime de leur État — un État qui a prouvé qu’il était le plus compétent, le plus légitime et le plus fiable pour assurer leur protection à travers sa légalité, sa diplomatie, ses alliances stratégiques et ses relations internationales.
Car ce n’est pas par les armes seules que l’homme vit, ni que le Liban trouvera la paix.