Dans ses 50 premiers jours de mandat, le président Donald Trump a opéré un changement sismique dans la gouvernance américaine, tirant parti du pouvoir exécutif avec une fermeté sans précédent pour faire avancer un agenda « America First ». Cette approche, marquée par des actions unilatérales rapides, une diplomatie transactionnelle et un rejet des cadres multilatéraux, a remodelé les institutions nationales, redéfini les alliances mondiales et alimenté des débats sur les conséquences à long terme d’un pouvoir présidentiel concentré. Si ses partisans saluent ces mesures comme des corrections nécessaires à des décennies d’inertie bureaucratique et d’engagement excessif à l’étranger, ses détracteurs alertent sur les risques de déstabilisation de l’ordre international et des normes démocratiques.

La doctrine Trump : un unilatéralisme sans complexe

Le style de gouvernance de Trump privilégie la vitesse et le spectacle, contournant les canaux législatifs et diplomatiques traditionnels pour imposer des changements radicaux via des décrets exécutifs et une rhétorique provocatrice. Parmi ses marqueurs clés : la perturbation du consensus en politique étrangère en s’alignant sur les adversaires, comme lorsqu’il a rompu des décennies de politique bipartisane en soutenant la Russie et la Corée du Nord contre les alliés de l’OTAN pour bloquer une résolution de l’ONU condamnant l’agression de Moscou en Ukraine. Ce réalignement, qualifié de « révolution » par l’ancien diplomate Nicholas Burns, rejette les cadres de sécurité collective au profit d’un bilatéralisme transactionnel.

Il inclut aussi des ambitions territoriales proclamées, comme des menaces de reprendre le contrôle du canal de Panama, du Groenland ou du Canada, présentées comme un retour à la « manifest destiny », réveillant une rhétorique expansionniste du XIXᵉ siècle. Ces postures ont aliéné des alliés comme le Danemark, dont la frontière avec le Canada a été qualifiée par Trump de « ligne artificielle de séparation ».

Les retombées – intentionnelles ou non – de cette politique incluent l’érosion de l’OTAN : en traitant les alliés européens de « parasites » et en retirant les garanties sécuritaires, Trump a poussé la France et la Pologne à explorer des stratégies de dissuasion nucléaire indépendantes, fracturant la cohésion de l’Alliance.

Politique intérieure : un contrôle exécutif centralisé

Sur le plan national, Trump a lancé un remodelage bureaucratique : ses décrets exigent le retour des fonctionnaires fédéraux au bureau cinq jours par semaine, réduisent les embauches et démantèlent les initiatives pour la diversité. Des agences comme le Bureau de protection financière des consommateurs ont été neutralisées, tandis que le nouveau Département de l’efficacité gouvernementale vise à supprimer plus de 10 milliards de dollars de dépenses.

L’agenda intérieur de Trump priorise frontières et énergie : les passages illégaux ont chuté de 94 % grâce à une application agressive des lois migratoires, tandis que 625 millions d’acres offshore ont été rouverts aux forages.

Répercussions nationales

Si les partisans de Trump célèbrent des réformes rapides, ses critiques dénoncent une corrosion institutionnelle. Ses décisions font déjà l’objet de contestations constitutionnelles pour abus de pouvoir et usage excessif des décrets exécutifs – plus de 100 en une semaine –, tandis que sa tentative de rebaptiser le golfe du Mexique en « golfe d’Amérique » teste les limites de l’autorité présidentielle. Des juristes arguent que ces actions sapent la séparation des pouvoirs.

Son exclusion de l’Associated Press du pool de presse de la Maison-Blanche, pour refus d’adopter ses renommages géographiques, illustre une stratégie plus large de marginalisation des médias critiques et de promotion d’une couverture complaisante, creusant la polarisation et la méfiance.

Retombées mondiales : alliés désemparés, adversaires enhardis

L’approche transactionnelle de Trump a déstabilisé les systèmes internationaux, créant des vides de pouvoir exploités par ses rivaux. Les coupes dans l’aide ont provoqué des crises humanitaires : une réduction de 83 % des contrats d’aide américaine a paralysé les programmes VIH et paludisme au Kenya, des soignants comparant l’impact à une « guerre biologique ».

Le reclassement des Houthis comme terroristes et les sanctions contre les acheteurs chinois de pétrole iranien ont intensifié les tensions au Moyen-Orient, compliquant la gestion des conflits par procuration.

Ces brutalités géopolitiques ont conduit à des réalignements : la politique fluctuante de Trump sur l’Ukraine, incluant le blocage du partage de renseignements satellitaires, a laissé Kyiv vulnérable face aux offensives russes, tandis que la Chine profite du désengagement américain pour étendre son influence en Arctique et en Amérique latine.

Les pauses partielles sur les tarifs canadiens et mexicains (en réponse aux baisses de marché) contrastent avec le maintien des droits de douane contre la Chine, perturbant les chaînes d’approvisionnement et incitant à la création de blocs commerciaux régionaux excluant les États-Unis.

Un héritage de rupture

Ces ruptures ont fragmenté l’alliance avec l’Europe et réveillé les craintes d’un abandon américain. La frontière finlandaise militarisée avec la Russie et les défenses groenlandaises du Danemark illustrent des dilemmes sécuritaires proliférants.

Le mélange de populisme et de pragmatisme de Trump a produit des résultats paradoxaux : domination énergétique vs négligence climatique ; renforcement des forces de l’ordre vs l’érosion des libertés civiles.

En somme, les 50 premiers jours de Trump révèlent une stratégie délibérée de consolidation du pouvoir, de perturbation des normes mondiales et de priorisation des victoires à court terme sur la stabilité institutionnelle. Si ses succès nationaux résonnent avec sa base, les conséquences internationales suggèrent un monde s’adaptant à l’imprévisibilité américaine. Une chose est indéniable : Trump a transformé la présidence en un véhicule d’immédiateté radicale, obligeant alliés et adversaires à naviguer dans un monde où le pouvoir américain est exercé unilatéralement – et sans complexe.