Il y a cinquante ans, le Liban est devenu le théâtre d’une série de guerres extérieures, souvent requalifiées en conflits internes autour du pouvoir, de l’autorité et des différends constitutionnels entre factions sectaires et politiques. Ce récit a ainsi exonéré les forces régionales et internationales qui étaient pourtant les véritables instigatrices de ces guerres.

Il est vrai que la « guerre de deux ans » (1975-1976), dont nous commémorons aujourd’hui le 50ᵉ anniversaire, était en grande partie un conflit entre Libanais, marqué par une forte dimension sectaire opposant le « Mouvement national » et le « Front libanais ». Cependant, les interventions palestinienne et plus tard syrienne, toutes deux liées à des influences extérieures et justifiées par la lutte contre Israël, ont joué un rôle décisif. Ces interventions ont fourni aux factions armées des armes, un financement et un encadrement militaire, préparant ainsi le terrain à l’invasion israélienne du Liban, qui atteignit Beyrouth en 1982.

Alors que les factions palestiniennes livraient bataille du sud au nord du Liban—y compris lors de la brutale « guerre des camps » entre les forces palestiniennes et le mouvement Amal—une autre dimension de ces guerres étrangères se déployait. L’acteur central incontesté était l’armée syrienne du régime Assad, qui a laissé son empreinte sanglante à Saïda, Achrafieh, Zahlé, le Chouf, Tripoli, Chekka, Koura, Zgharta, Al-Qaa, le palais présidentiel et le ministère de la Défense. Ces guerres, accompagnées de destructions massives, de déplacements sectaires et d’une série d’assassinats, ont approfondi les divisions du Liban.

Le 48ᵉ anniversaire de l’assassinat de Kamal Joumblatt (16 mars 1977) reste un symbole frappant de la politique systématique d’assassinats politiques, religieux, intellectuels et médiatiques orchestrés par le régime Assad contre des figures de toutes les communautés. Il ne s’agissait pas simplement de règlements de comptes internes liés à des prises de position politiques ou au partage du pouvoir, mais bien d’un épisode supplémentaire dans l’histoire du Liban en tant que champ de bataille des « guerres des autres »—menées sur son sol, entre ses habitants, et avec leur sang.

Avec le retrait de l’Organisation de libération de la Palestine (1982) et celui de l’armée syrienne (2005), une nouvelle force extérieure a émergé : l’Iran. Initialement acteur marginal des guerres du Liban, l’Iran est rapidement devenu la puissance dominante sous la bannière de « l’unité des fronts ». À travers son proxy, le Hezbollah, Téhéran a pris le contrôle de la décision de guerre au Liban, marginalisé l’État et entraîné le pays dans son projet d’expansion de la « République islamique » dans le monde arabe—toujours sous le prétexte du soutien à la Palestine et de l’élimination d’Israël.

Depuis 1993, l’Iran a été impliqué dans quatre grandes guerres au Liban : 1993, 1996, 2006 et 2023. La plus récente, une « guerre de soutien [à Gaza] » qui dure depuis 13 mois, s’est révélée être la plus dangereuse, non seulement pour le Liban mais aussi pour le Hezbollah lui-même. Elle a également affaibli l’influence de l’Iran dans les quatre capitales arabes [Beyrouth, Bagdad, Damas et Sanaa] qu’il revendiquait autrefois comme étant sous son contrôle.

Si les vies libanaises ont été les principales victimes de ces guerres menées sous l’influence iranienne, l’Iran, lui, n’a subi que des pertes minimales et secondaires. En réalité, il s’agissait de guerres par procuration menées avec le sang des Libanais, ne servant ni les intérêts nationaux du Liban, ni même ceux du Hezbollah, et encore moins la cause palestinienne. La preuve en est que la diplomatie libanaise se retrouve aujourd’hui accaparée par l’immense tâche de réparer les destructions causées—affrontant les conséquences d’une nouvelle occupation israélienne, selon l’équation éternelle : la guerre détruit, la diplomatie reconstruit.

Cela met en lumière l’urgence pour le Liban d’adopter la pression politique et diplomatique comme moyen légitime de recouvrer ses droits. De manière encourageante, l’État libanais—fort d’une légitimité interne, arabe et internationale—a déjà commencé à faire des avancées concrètes. Parmi les premiers résultats, la récupération de cinq prisonniers libanais détenus en Israël, avec d’autres démarches en cours.

À l’horizon, des négociations diplomatiques visent à résoudre les différends frontaliers au sud, notamment les 13 points contestés le long de la Ligne bleue ainsi qu’au moins cinq nouveaux points. Cela remet en cause le discours du Hezbollah selon lequel la pression diplomatique ne pourrait aboutir, un argument qu’il a longtemps utilisé pour justifier son maintien des armes. En réalité, la présence militaire du Hezbollah au sud du Litani est déjà devenue obsolète, largement reconnue comme étant en retrait.

Puisque la guerre n’a apporté que des reculs et que la résistance armée s’est révélée inefficace, le Liban ne dispose plus que d’une seule option viable : s’appuyer sur ses institutions légitimes et ses relations internationales pour recouvrer ses droits. Même si ceux qui prônent la diplomatie sont accusés de « normalisation », il est intéressant de noter que le Hezbollah lui-même a participé à plusieurs formes de normalisation de facto avec Israël—notamment à travers la délimitation des frontières maritimes et les négociations d’échanges de prisonniers.

L’efficacité de la diplomatie face aux échecs de la guerre est illustrée par l’accord de délimitation des frontières maritimes signé en 2022 sous l’égide des États-Unis. Contrairement aux affirmations du Hezbollah, ce ne sont pas ses opérations de drones au-dessus du champ gazier de Karish qui ont contraint Israël à céder. Le Liban, avec l’aval du Hezbollah et le soutien du président du Parlement Nabih Berri, a finalement renoncé à sa revendication sur la ligne 29—une zone riche en ressources—se contentant de la ligne 23. Où était donc l’effet dissuasif ?

L’État libanais œuvre désormais à réparer les graves dommages causés par la guerre par procuration menée par l’Iran au Liban. Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, cheikh Naim Qassem, peut bien nier cette réalité, mais ses dénégations n’y changent rien. Le président Joseph Aoun l’a exprimé sans détour à une délégation iranienne : « Le peuple libanais est épuisé par les guerres des autres. » Une vérité implacable qui ne saurait être contestée.

Qui peut encore prétendre que cette « guerre de soutien » n’a pas été un conflit orchestré par l’Iran entre le Liban et Gaza, mené sous ses directives et avec son appui ? Ses conséquences désastreuses des deux côtés montrent clairement qu’elle n’a été ni calculée avec justesse, ni bénéfique.

Personne ne peut affirmer que cette guerre a été « made in Lebanon »—ni qu’elle a été menée pour le bien du Liban. Une seule certitude demeure : l’avenir du Liban doit être celui de la paix, et non de la guerre. Et il y a un espoir croissant parmi les Libanais que ce dernier conflit, déclenché par l’Iran, sera le dernier des « guerres des autres » à se dérouler sur leur sol.