Le terme « conserve » ne s'applique pas uniquement aux aliments. Il existe aussi des « conserves » politiques – qu'elles soient orales ou écrites – qui peuvent sembler utiles sur le moment, mais qui, en réalité, n’ont aucune véritable valeur nutritive.
Beaucoup de ces slogans politiques ont dépassé leur date d’expiration. Parmi eux, les déclarations creuses des responsables affirmant : « Nous demanderons des comptes » ou « Nous ouvrirons une enquête. »
Prenons trois exemples récents de notre quotidien :
Premier exemple : Une demi-heure de pluie, un pays paralysé
En plein cœur de l’hiver, une tempête de pluie s’est abattue sur le Liban – un événement qui, en soi, n’a rien d’extraordinaire. Elle n’a duré que 30 minutes et n’a touché qu’une seule région : la côte du Metn Nord. Mais son intensité a suffi à plonger le pays dans le chaos. Des citoyens sont restés bloqués dans leurs voitures plus de trois heures, alors que les routes de Sin El Fil et de Dekwaneh se transformaient en véritables rivières, dignes du Mississippi.
L’exaspération est montée d’un cran, les insultes ont fusé, la patience s’est épuisée. En réponse, le Premier ministre Nawaf Salam a tenté d’apaiser la colère publique en ordonnant au ministre des Travaux publics, Fayez Rassamni, d’enquêter sur l’incident.
Mais au vu des précédents, cette « enquête » ne mènera probablement nulle part. La pluie a fait son œuvre, et le gouvernement a lancé ses menaces habituelles d’investigation… avant de les oublier. Espérons, cette fois, que l’histoire prouvera le contraire.
Deuxième exemple : L’irrespect des symboles nationaux
Les symboles nationaux du Liban – son drapeau aux bandes rouges et blanches avec son cèdre vert, ainsi que son hymne national – continuent d’être bafoués en toute impunité. Ceux qui s’en rendent coupables se prennent souvent pour des génies créatifs.
Il y a six ans, au début de ce que l’on a appelé la « Révolution du 17 octobre », la chanteuse Carole Samaha a présenté une version soi-disant « modifiée » de l’hymne national libanais, en faveur de l’égalité des sexes. Les paroles originales, « Nos plaines et nos montagnes sont le berceau des hommes », ont été changées en « le berceau des femmes et des hommes ».
Cette modification, réalisée en collaboration avec le journal An-Nahar, témoigne d’une incompréhension profonde. Le mot « hommes » ici ne désigne pas le genre masculin, mais symbolise la force, le courage et la sagesse. En modifiant ces paroles, les initiateurs de ce projet ont probablement fait se retourner dans leurs tombes Rashid Nakhle, auteur des paroles de l’hymne, et Wadia Sabra, son compositeur. Peu importe à quel point Samaha et ses collaborateurs ont essayé de forcer le mot « femmes » dans la mélodie, ils ont fini par altérer la structure poétique et musicale de l’hymne.
Résultat ? Une version bancale qui a dénaturé la poésie, la musique, la langue arabe et son sens profond. En quoi cela a-t-il servi la cause des femmes ? Et qu’a réellement accompli cette « révolution » en entonnant un hymne déformé ?
Hier encore, An-Nahar a récidivé. Cette fois, le journal a dévoilé un drapeau libanais modifié, avec une bande rouge traversant le cèdre, dans le cadre d’une campagne marketing pour la Journée internationale des droits des femmes, prétendument en faveur de l’égalité des sexes.
Cette initiative, prétendument « novatrice », a suscité une vive indignation avant d’être rapidement retirée. Mais pourquoi les autorités libanaises restent-elles silencieuses face à ces atteintes flagrantes aux symboles du pays, alors qu’elles réagissent promptement lorsqu’il s’agit de protéger les dirigeants, les responsables politiques ou les dignitaires étrangers, qui, contrairement aux symboles nationaux, ne sont que des figures éphémères ?
Certains diront que sanctionner ces actes porterait atteinte à la liberté d’expression. Mais la liberté n’est pas une anarchie. Elle ne se résume pas à des insultes, des mensonges, des déformations des faits ou des omissions volontaires. Elle a des limites, fondées sur la vérité, les valeurs et l’éthique. Comme l’a dit Jésus-Christ : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
Alors, qui enquêtera sur ces incidents ? Et qui en assumera la responsabilité ?
Troisième exemple : Fuites, promesses en l’air et espoirs déçus
Le dernier exemple illustre le cycle incessant des fuites politiques, du discours enjolivé et des promesses grandioses qui suscitent l’espoir chez les citoyens, avant qu’ils ne retombent brutalement dans la réalité.
Ces fuites proviennent soit des entourages des responsables, soit des médias qui leur servent de relais. Leur objectif ? Donner de l’importance à chaque mouvement politique, qu’il soit national ou international. Mais au moment où les attentes doivent être concrétisées, ces mêmes responsables reviennent bredouilles, laissant les citoyens sombrer dans un océan de désillusion.
L’une des dernières soi-disant « réformes » a été discutée lors de la dernière session du Conseil des ministres : la tenue des réunions gouvernementales dans un lieu dédié, en conformité avec l’Accord de Taëf. Cet accord est inscrit dans l’Article 65 de la Constitution libanaise, qui stipule que le Conseil des ministres doit se réunir régulièrement dans un lieu spécial, sous la présidence du chef de l’État lorsqu’il est présent.
Cette pratique avait été instaurée pour la première fois sous le gouvernement de Salim Hoss, sous la présidence d’Émile Lahoud, avant d’être abandonnée après une vague d’assassinats à la fin de son mandat. Elle avait été brièvement réintroduite sous le gouvernement de Fouad Siniora en 2006. Les lieux de réunion désignés incluaient un bâtiment occupé auparavant par l’administration centrale de l’Université libanaise, près du musée national, ainsi que le siège du Conseil économique et social au centre-ville de Beyrouth.
Si le véritable obstacle aux décisions gouvernementales n’est ni la corruption endémique, ni le confessionnalisme, ni les intérêts politiques profondément enracinés, mais simplement l’absence d’un lieu de réunion adapté, alors qu’ils se réunissent où ils veulent. Nos maisons, nos cœurs – tout est à leur disposition, tant que cela satisfait l’Accord de Taëf et ses parrains internationaux et régionaux.