Une situation hautement alarmante se déroule en Syrie, en particulier dans sa région côtière, avec des répercussions susceptibles de dépasser ses frontières. Compte tenu des liens géographiques et historiques étroits du Liban avec la Syrie, le pays doit se préparer aux conséquences de cette crise croissante, qui commence déjà à se répercuter sur le nord du Liban. Selon divers rapports, les flammes du conflit s'étendent vers les zones frontalières libanaises, depuis le Akkar à l’ouest jusqu’à la vallée de la Bekaa au nord et à l’est.

La plus grande inquiétude réside dans la nature de la violence, qui prend de plus en plus la forme d’un nettoyage ethnique ciblant les Alaouites, les Chrétiens—y compris les Arméniens—et les Chiites. Le nouveau gouvernement syrien justifie ses actions en les qualifiant de guerre contre ce qu’il appelle les « résidus du régime déchu. » Cependant, les estimations suggèrent que le Liban pourrait bientôt être confronté à un afflux de plus d’un million de personnes déplacées appartenant à ces communautés. Plus de 120 000 Chiites ont déjà trouvé refuge dans la vallée de la Bekaa depuis l’effondrement du régime au début du mois de décembre. Les réfugiés alaouites et chrétiens s’installeraient dans les régions nord et médianes à majorité alaouite et chrétienne, avec une possible extension vers les villages chiites et chrétiens de la Bekaa.

La campagne militaire des autorités syriennes sur la côte semble être implacable, visant à prendre le contrôle total de la région. Les analystes tirent plusieurs conclusions :

Impact sur les Groupes Armés Libanais

La situation en Syrie rend de plus en plus improbable qu’une quelconque faction libanaise—qu’elle soit musulmane ou chrétienne—accepte de remettre volontairement ses armes à l’État. Compte tenu de l’instabilité à la frontière nord, la perspective d’un désarmement du Hezbollah devient encore plus irréaliste. De même, la question des armes palestiniennes dans les camps de réfugiés reste une source d’inquiétude, d’autant plus que les factions palestiniennes semblent se rapprocher davantage du Hezbollah que d’autres acteurs libanais. Lors du dernier sommet du Caire, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a exprimé à son homologue libanais, le général Joseph Aoun, son soutien aux efforts visant à réglementer les armes palestiniennes à l’intérieur et à l’extérieur des camps. Cependant, l’influence d’Abbas sur ces groupes armés reste limitée.

Dégradation des Relations Libano-Syriennes

Les relations entre le Liban et la Syrie ont toujours été tendues, l’ancien régime syrien ayant maintenu l’hostilité d’une partie de la population libanaise. Aujourd’hui, le nouveau régime syrien semble suivre le même schéma, tandis que la communauté internationale demeure largement indifférente à l’évolution de la situation.

Absence de Soutien International pour le Liban

Malgré l’augmentation du nombre de réfugiés au Liban, l’aide internationale reste rare. Le récent afflux de déplacés en provenance de Wadi al-Nasara et des zones côtières syriennes—estimé à près d’un million de personnes—met une pression énorme sur le nord du Liban, qui a déjà commencé à accueillir certains d’entre eux.

Une Crise Régionale Imminente

Certains observateurs politiques, dont des experts des politiques américaines, avertissent que le Liban est sur le point d’entrer dans une phase prolongée d’isolement. Le pays pourrait nécessiter une intervention directe des États-Unis pour garantir des solutions diplomatiques à la fois avec le nouveau régime syrien et avec Israël. Alors qu’Israël semble désireux de formaliser un traité de paix avec le Liban—faisant écho à l’Accord du 17 mai 1983—il existe une crainte croissante que les forces d’Ahmed al-Sharaa ne lancent une offensive contre le Hezbollah dans la vallée de la Bekaa après avoir consolidé leur contrôle sur le nord de la Syrie. Les autorités syriennes ont déjà préparé le terrain pour une telle attaque, en accusant le Hezbollah et l’Iran d’avoir soutenu les « résidus de l’ancien régime » dans les combats sur la côte syrienne—une accusation que le Hezbollah a catégoriquement rejetée.

Un autre développement préoccupant est l’absence de condamnation par les partis politiques libanais qui, en temps normal, défendent la diversité du pays. Ce silence soulève des craintes que le paysage politique libanais ne soit en train d’être redéfini d’une manière qui menace son équilibre confessionnel déjà fragile.

Une Redéfinition de la Carte Régionale

Certains analystes politiques et sécuritaires estiment que le Moyen-Orient est en train de subir un redécoupage stratégique visant à créer des enclaves confessionnelles. La Turquie, en particulier, semble émerger comme un acteur central dans cette transformation, passant d’un rôle de passerelle régionale à celui de puissance influente, tout en abandonnant sa politique antérieure de « zéro problème avec les voisins ». Fait notable, Ankara est restée silencieuse sur la situation dans la région côtière syrienne, et aucun mouvement populaire significatif ne s’est manifesté dans la province turque du Hatay, majoritairement alaouite, en soutien à leurs coreligionnaires syriens.

Les développements actuels suggèrent que la Syrie pourrait être en voie de partition en trois entités distinctes :

- Une entité druze reliée par un corridor longeant la frontière syro-irakienne.

- Une région kurde sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) à l’est.

- Une zone sunnite s’étendant du nord de la côte, à travers Damas, jusqu’à Daraa au sud.

Pendant ce temps, Israël semble avancer dans son projet de « Grand Israël », en étendant progressivement son contrôle territorial. Ceci inclut l’annexion de terres libanaises et syriennes, ainsi que des politiques qui pourraient entraîner le déplacement des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vers la Jordanie et l’Égypte. Dans une démonstration de sa stratégie à long terme, Israël a commencé à démanteler certaines barrières de sécurité qu’elle avait auparavant érigées le long de ses frontières avec le Liban et d’autres États voisins. L’ancien président américain Donald Trump avait d’ailleurs décrit Israël comme un pays « trop petit », laissant entendre un élargissement de ses frontières dans le cadre de sa vision géopolitique.

Le Liban à la Croisée des Chemins

Face à ces développements alarmants, de vives inquiétudes émergent au Liban quant à son avenir. La crise actuelle exige une réévaluation stratégique urgente de la part des forces politiques libanaises afin de préserver la stabilité et l’identité nationale du pays. Alors que certains pensent que l’intervention américaine pourrait empêcher Israël d’exacerber les tensions avec le Liban, d’autres se demandent s’il se trouvera quelqu’un pour mettre un frein aux ambitions du nouveau régime syrien dirigé par al-Sharaa, qui poursuit sa campagne de nettoyage ethnique, ayant déjà ciblé les Chiites et désormais les Chrétiens et les Alaouites.

Cette situation rappelle les événements de 2014, lorsque Washington avait organisé une Conférence pour la défense du christianisme oriental, mettant en lumière les souffrances des Chrétiens du Moyen-Orient sous la menace d’extrémistes, notamment Daech. Lors de cette conférence, le sénateur américain Ted Cruz avait été hué après avoir déclaré que « les Chrétiens n’ont pas de meilleur allié qu’Israël ». Ses propos avaient suscité une vive opposition, ce à quoi il avait répondu : « Ceux qui haïssent Israël haïssent l’Amérique. Ceux qui haïssent les Juifs haïssent aussi les Chrétiens. Si vous détestez les Juifs, alors vous ne suivez pas les enseignements du Christ. » Face aux protestations du public, il avait conclu : « Si vous ne vous tenez pas aux côtés d’Israël et du peuple juif, alors je ne me tiendrai pas à vos côtés. »

Ces échos historiques mettent en lumière la gravité de la crise actuelle, renforçant les craintes que le Liban et la région ne soient à l’aube d’une transformation géopolitique qui pourrait redéfinir leur existence même.