Le gouvernement du Premier ministre Nawaf Salam a été formé, mais il n’a pas encore obtenu la confiance du Parlement. Pourtant, sa composition, les déclarations de certains de ses ministres, ainsi que les événements qui se déroulent sous ses yeux sans susciter la moindre réaction, suscitent des interrogations. De plus, les violations répétées d’Israël de l’accord de cessez-le-feu rappellent à la première équipe ministérielle du mandat qu’un faux pas pourrait être fatal.
Le proverbe ne ment pas lorsqu’il dit que « l’on reconnaît un livre à sa couverture ». Que dire alors lorsqu’il s’agit de bien plus qu’un simple livre et bien plus qu’une seule couverture ?
Prenons l’exemple de la ministre des Affaires sociales, Hanine Sayyed, qui a évoqué le retour volontaire des réfugiés syriens, une déclaration soutenue par le vice-Premier ministre, Tarek Mitri. Si cette annonce peut être comprise dans le cadre de son expertise en développement humain et protection sociale, acquise au sein du bureau de la Banque mondiale à Beyrouth, il est surprenant qu’elle prenne une telle position avant même d’avoir officiellement pris ses fonctions ministérielles. Cette déclaration reflète-t-elle une position personnelle ? Ou s’agit-il d’un message gouvernemental anticipé qu’elle aurait dévoilé ? Et le soutien de Mitri, en tant que vice-Premier ministre et proche du chef du gouvernement, indique-t-il une orientation officielle ?
Certes, le président de la République, Joseph Aoun, a promis, dans son discours d’investiture et lors de ses rencontres avec les visiteurs, de résoudre la crise des réfugiés. Mais la vraie réponse se trouvera dans la déclaration ministérielle attendue, qui devra s’attaquer aux crises économique et financière, au chômage, aux problèmes de sécurité sociale et aux questions frontalières, autant de domaines où la présence syrienne en exil a une influence significative.
Faut-il rappeler que, parmi les manifestants du 17 octobre, certains scandaient avec arrogance : « Les réfugiés restent, Bassil dehors ! » ? (Gebran Bassil, président du Mouvement Patriotique Libre). Espérons que non. Et ces prises de position, dans un contexte où les États-Unis multiplient leur « bienveillance » et leurs projets au Moyen-Orient, ne constituent-elles pas un signe avant-coureur pour la naturalisation des Palestiniens et à l’intégration forcée des déplacés syriens ? Là encore, espérons que non.
Par ailleurs, Israël persiste à refuser son retrait du sud du Liban, prévu pour le 18 février, et entend maintenir son contrôle sur cinq positions stratégiques. Une position officiellement communiquée au Liban par l’administration américaine.
Face à cette situation, le président de la République a multiplié les contacts, certains évoquant même des pressions exercées. Le Premier ministre est également intervenu. Finalement, la réponse officielle à cette violation flagrante a été portée par le président du Parlement, Nabih Berri, au nom des trois présidents, rejetant toute prolongation au-delà du 18 février et qualifiant cette présence israélienne de « premier revers du gouvernement ». Il a toutefois prévenu : « Si les Israéliens restent, nous verrons bien. C'est la responsabilité de l'État libanais. »
Comment interpréter ces déclarations ? Israël cédera-t-il aux revendications ? Les États-Unis feront-ils pression sur Tel-Aviv en faveur du Liban ? Ou bien Washington appuiera-t-il le maintien israélien au Sud, utilisant la situation comme levier pour imposer l’application de la résolution 1701 et désarmer le Hezbollah, en l’asphyxiant politiquement et économiquement, en plus des pressions militaires qu’il subit déjà ?
Dans ce contexte, un autre événement est passé presque inaperçu. Un intervenant sur une chaîne de télévision a ouvertement affirmé que « l’armée du Golani » se dirigeait vers le Liban, et plus précisément vers la prison de Roumieh, pour libérer Ahmad al-Assir, condamné pour le meurtre de soldats libanais.
Si cet individu souhaite jouer les matamores, comment expliquer le silence du gouvernement face à des propos qui relèvent du Code pénal, notamment la loi qui sanctionne ceux qui « sapent l’unité nationale » ? Et quoi de plus offensant pour la souveraineté libanaise que de tolérer qu’une force étrangère pénètre sur son territoire pour libérer un criminel condamné ?
Enfin, il y a cette tentative de priver le Hezbollah de son oxygène en interdisant à un avion de ligne iranien transportant des ressortissants libanais de se rendre au Liban. Quelques heures après qu’Avichay Adraee (porte-parole arabophone de l'armée israélienne) ait accusé les Gardiens de la révolution islamique d’utiliser l’aéroport pour acheminer des fonds destinés à armer le Hezbollah, les autorités aéroportuaires de Beyrouth ont refusé à un avion iranien l’autorisation d’atterrir, prétendument pour des raisons de sécurité.
Si cette version est confirmée, faut-il désormais considérer Adraee comme une source d’information fiable ? Le Liban ne dispose-t-il pas de services de sécurité capables de surveiller et de vérifier les flux à l’aéroport ? L’État libanais ne devrait-il pas être seul maître de ses décisions, sans ingérence extérieure ?
Autant de faits qui ne laissent rien présager de bon quant à la gestion gouvernementale. Et si le pire est à venir ? Si les plans de la « communauté internationale » qui ont été combattus avec fermeté par l’ancien président Michel Aoun, à la tribune des Nations Unies, venaient à prévaloir ? Lui qui avait refusé la naturalisation des Palestiniens et l’intégration des réfugiés syriens, au prix de lourds sacrifices.
Le gouvernement Salam est confronté à bien des défis. Le premier n’est pas seulement d’obtenir la confiance du Parlement, mais aussi celle du peuple. Pourtant, demain, le président du Parlement, Nabih Berri, frappera du marteau et déclarera : Confiance accordée. Adopté !