Rabat, aux couleurs marocaine et… française ! La capitale du Maroc, pavoisée de drapeaux marocains et français, avait offert un accueil chaleureux au chef de l’État. Sur l’avenue Mohammed V au cœur de la ville, Macron avait presque oublié les crises politique, économique, et sociétale en France dont il était largement comptable. La visite d'État d’Emmanuel Macron, accueilli en grandes pompes, visait à sceller la réconciliation entre les deux pays après trois ans de brouilles. Paris avait fermé la porte des visas, considérant que Rabat n’y mettait pas du sien en matière de « laisser-passer consulaire », sésame indispensable pour expulser dans leur pays d’origine les délinquants ressortissants du royaume chérifien. En allant à Rabat, Macron et Retailleau n’étaient-ils pas allés à Canossa ? Avec quels engagements concrets en matière d’immigration, le ministre de l’Intérieur était-il revenu ?

Le président français avait été accompagné lors de cette visite par une délégation hétéroclite du show-business et de chefs d’entreprise français de premier plan. On y retrouvait Catherine MacGregor d’Engie, Henri Poupart-Lafarge d’Alstom, Ross McInnes de Safran, Patrick Pouyanné de TotalEnergies, Sabrina Soussan de Suez. Les dirigeants de Veolia - Estelle Brachlianoff - et Thalès Alenia Space - Hervé Derrey avaient également fait partie du voyage. Dès le premier jour de la visite de Macron, les deux parties avaient annoncé des engagements contractuels pour 10 milliards d’euros ! Alors que les grands groupes industriels français multipliaient plutôt les acquisitions aux États-Unis, terre de croissance inébranlable !

Sur le plan diplomatique, après le « fiasco maghrébin » — le chef de l’État avait réussi l’exploit de fâcher la France avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie en même temps —, Paris avait fait la paix avec le Maroc en concédant un début de souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Ce cadeau avait été dénoncé par Alger. La France s’était, sans aucun doute, trop longtemps laissée « piétiner » par les déclarations provocantes du président Abdelmadjid Tebboune pour ne pas enfin réagir. Macron avait été mené par le bout du nez par Tebboune, croyant naïvement qu’Alger prendrait le chemin d’une réconciliation sincère alors que la guerre d’Algérie servait de rente mémorielle aux généraux algériens au pouvoir. C’était un carburant politique, qui, faute de faire marcher la machine économique algérienne, offrait un écran de fumée au pouvoir en place.

La visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc avait évidemment été peu commentée du côté algérien, sinon par “Le Matin d’Algérie” qui y avait vu un net réchauffement de la relation franco-marocaine, jusque-là glaciale, au détriment de l’Algérie, selon la revue Courrier International. La parenthèse marocaine s’était bien vite refermée pour Macron, pris dans une situation nationale inextricable du fait de ses erreurs et de son arrogance : un budget introuvable, un gouvernement en sursis, un pays fracturé comme jamais, une montée des violences et de l’insécurité grandissantes, un flux migratoire en roue libre.