Autant la tentative d’assassinat de l’ancien président américain Donald Trump a été choquante, autant elle n’a pas été surprenante. La violence est inhérente à la politique aux États-Unis et a toujours joué un rôle majeur dans la détermination des gagnants et des perdants des conflits internes, depuis que l’acteur confédéré John Wilkes Booth a assassiné le président Abraham Lincoln en 1865, alors que le pays venait de sortir d’une guerre civile dévastatrice.
Alors que les services de sécurité américains enquêtent encore sur les motivations qui ont poussé Thomas Matthew Crooks, 20 ans, à prendre le fusil semi-automatique AR-15 de son père et à tirer sur Trump (comme John Hinckley l'avait fait pour attirer l'attention de l'actrice Jodie Foster en tentant d’assassiner Ronald Reagan en 1981), la balle qui a atteint le haut de l’oreille droite du candidat républicain aux élections présidentielles a dramatiquement changé le paysage politique et établi une nouvelle réalité politique dans le pays. Cela rappelle les assassinats et tentatives d'assassinats précédents, notamment ceux qui ont marqué les années 1960, avec l’assassinat du leader des droits civiques Martin Luther King, suivi de celui du candidat démocrate Robert Kennedy, et l’assassinat de son frère, le président John F. Kennedy, auparavant.
De nombreux commentateurs dans les médias américains estiment que Trump a gagné les élections dès qu’une balle de sniper l’a effleuré. Il s’est relevé entouré par les agents des services secrets qui l’avaient protégé, levant son poing ensanglanté pour demander à ses partisans de continuer à « se battre ».
L'ancien président Richard Nixon reconnaît lui-même qu’il n’aurait pas remporté les élections de 1968 si Robert Kennedy n’avait pas été assassiné par Sirhan Sirhan le 5 juin de la même année à Los Angeles, en Californie.
Joe Biden lui-même a bénéficié du mouvement "Black Lives Matter" qui a organisé de vastes manifestations après la mort par asphyxie de l’Afro-Américain George Floyd sous le genou d’un policier blanc à Minneapolis, dans le Minnesota, le 25 mai 2020, avant le début des campagnes électorales.
Aujourd'hui, les républicains, y compris les modérés et les populistes, tiennent Joe Biden responsable d’encourager les discours de haine et l’extrémisme en affirmant constamment que Trump représente « une menace existentielle pour la démocratie » et que ces élections seront les dernières libres aux États-Unis si Trump l’emporte en novembre prochain.
Trump exploitera politiquement la tentative d'assassinat jusqu'à ses limites, même s'il adopte un discours apaisant et appelle à l'unité des Américains. Ses partisans voient cette tentative comme la confirmation de ce que l’ancien président affirme depuis qu’il a quitté la Maison Blanche et qu’il est la cible d'une guerre acharnée menée par l’« État profond », qui s’est manifestée par ses deux mises en accusation devant le Congrès et les poursuites judiciaires après son départ de la Maison Blanche, visant à le condamner, à l’emprisonner et à l’empêcher de se représenter, jusqu'à cette tentative de meurtre alors qu'il parlait à un rassemblement républicain à Butler, en Pennsylvanie, samedi dernier.
Trump exploitera politiquement la tentative d'assassinat jusqu'à ses limites
Dès aujourd’hui, alors que Trump annoncera officiellement son acceptation de la nomination du parti républicain et après avoir choisi le sénateur de l’Ohio J.D. Vance comme colistier pour le poste de vice-président, la campagne républicaine gagnera un élan considérable, soutenue par la sympathie de nombreux indépendants envers un candidat victime d’une tentative d’assassinat.
En revanche, la campagne démocrate sombre dans le chaos. Joe Biden refuse toujours de se retirer de la course présidentielle, malgré les appels de nombreux cadres et grands donateurs du parti, en raison de ce qu'ils perçoivent comme une faiblesse physique et mentale flagrante, notamment lors du premier débat présidentiel avec Trump à Atlanta le 27 juin dernier.
Biden dément fermement toute problème de santé et affirme être toujours le seul au sein du parti capable de battre Trump, comme il l’a fait en 2020. Cependant, les faits montrent le contraire, les sondages d’opinion accordant à Trump un avantage de 6 à 8 points dans les États clés, notamment le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie. Sans les votes de ces États, Biden ne pourra pas remporter un second mandat à la Maison Blanche.
Des démocrates influents craignent que l’héritage politique de Biden, s'il persiste à se présenter au congrès démocrate à Chicago à la mi-août, soit de conduire le parti à perdre la Maison Blanche ainsi que les deux chambres du Congrès en novembre.
Biden estime que sa mission commencée il y a quatre ans n’est pas encore accomplie et qu’il a besoin de quatre années supplémentaires. Il affirme que ses réalisations en matière d’infrastructures, d’économie et d’immigration surpassent celles de tout autre président américain, et cite son succès à unifier l’OTAN et à défier le président russe Vladimir Poutine en Ukraine comme preuve de son leadership mondial.
Adoptant une stratégie similaire à celle de Trump, qui se présente comme le sauveur de l’Amérique face à la menace de l’extrême gauche si les démocrates restent au pouvoir, Biden se pose en gardien de la démocratie et en sauveur de l’Amérique face au « fascisme » en cas de victoire républicaine.
Ces deux discours exacerbent la polarisation dans une société de plus en plus encline à la violence ces dernières années. Trump a transformé le parti républicain, autrefois conservateur à la Reagan, en un parti populiste à part entière. Le choix de Vance comme vice-président témoigne de sa volonté de perpétuer ce message populiste au sein du parti au-delà de 2028.
Malgré sa faiblesse apparente, Biden refuse de reconnaître qu’il est temps de passer le flambeau à une nouvelle génération, plutôt que de conduire les démocrates vers l’inconnu.