Didier Rykner revient sur l'incendie de Notre-Dame et sa restauration. Un essai vibrant animé par une certitude : la première menace qui pèse sur notre patrimoine est l'indifférence de l'État.
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Faut-il accuser quelqu’un de l’incendie de Notre-Dame ? Si, dans son essai Notre-Dame, une affaire d’État, le fondateur de La Tribune de l’art écarte méticuleusement la piste criminelle dans le déclenchement du sinistre, il n’en accuse pas moins, avec la rigueur passionnée qui le caractérise, un responsable et un coupable : l’État français, à la fois propriétaire de la majorité des cathédrales françaises et garant de la sauvegarde de l’ensemble de notre patrimoine, et qui manque grandement à ses devoirs par un mélange d’indifférence, d’incurie et d’irresponsabilité financière.
On croit avoir tout lu sur l’incendie de Notre-Dame, mais Didier Rykner livre ici une synthèse précise et documentée (et illustrée de nombreuses photos) qui couvre aussi bien l’incendie que la restauration ou l’aménagement des abords de la cathédrale, et déborde sur la protection du patrimoine dans son ensemble.
Le premier constat qui s’impose est que l’embrasement de Notre-Dame était à la fois prévisible et évitable. Didier Rykner rappelle l’existence d’un rapport sur la sécurité de la cathédrale, établi par le CNRS en 2016, dont l’auteur soulignait l’existence du « risque d’un embrasement de la toiture », précisant en 2019 dans un entretien à Marianne que, « en vérité, il n’y avait pratiquement aucun système anti-incendie, notamment dans les combles où il n’y avait aucun système électrique pour éviter les risques de court-circuit et d’étincelle ». Ce rapport ayant été « classé verticalement », se sont produites les défaillances multiples qui ont failli, à quelques minutes près, entraîner l’effondrement de la cathédrale : présence dans le bâtiment, le soir de l’incendie, d’un seul employé responsable de la sécurité incendie, ne connaissant pas les lieux ; retard à localiser l’origine du feu ; colonnes sèches vétustes et trouées ; etc.
Pas de précaution particulière pour restaurer un monument historique
Autre point affligeant : alors que les chantiers de restauration sont la cause d’une écrasante majorité d’incendies d’édifices historiques, il n’existe à ce jour aucune réglementation spécifique à ce type de travaux. Et si l’incendie de Notre-Dame a permis une prise de conscience, avec la mise en œuvre d’un « plan cathédrales », seule une minorité d’entre elles bénéficie encore d’une protection incendie optimale – sans parler des basiliques et autres églises d’un intérêt patrimonial équivalent.
La sauvegarde de Notre-Dame, dont Rykner souligne qu’elle bénéficia d’une « succession d’événements improbables » que les croyants pourraient à juste titre qualifier de miracle, a certes eu un double effet providentiel : elle a fait réfléchir nombre de nos compatriotes à la place qu’occupe le catholicisme dans l’âme française ; et elle a permis une restauration complète de la cathédrale qui, assure-t-il, donnera à beaucoup de visiteurs l’impression de la redécouvrir : non pas une cathédrale « plus belle » , mais « tout simplement une cathédrale en bon état, c’est-à-dire le minimum de ce que l’on attend de responsables politiques dignes de leurs fonctions ».
« Emmanuel Macron, conclut-il, fera de la réouverture de la cathédrale et de sa restauration un de ses plus grands succès. [Elles témoigneront] en réalité de son plus grand échec, qui est celui de tous ses prédécesseurs : leur incapacité à entretenir notre patrimoine. »