Rarement le Liban aura connu un été exempt de troubles ou de tensions militaires. Presque chaque saison qui laissait entrevoir une relance du tourisme – avec son harmonie de montagnes et de mer, ses festivals, ses célébrations, et le retour de la diaspora – a été sabotée par la violence. Et cette année encore, l’été relativement clément du Liban ne fait pas exception.

Alors que l’espoir renaissait grâce à un accord de cessez-le-feu qui semblait mettre fin à la dernière « guerre de soutien » dans le Sud, la Békaa et les banlieues sud de Beyrouth – conformément à la Résolution 1701 de l’ONU – Israël a rejeté tous les accords implicites et a poursuivi sa campagne visant à désarmer, voire à éliminer, le Hezbollah. Soutenue par les États-Unis, Israël a conditionné son retrait des territoires libanais toujours occupés, ainsi que la levée du blocus économique sur le Liban et le déblocage de l’aide internationale, à ce désarmement.

La guerre reviendra-t-elle au Liban ? Cette question résonne presque quotidiennement depuis la déclaration du cessez-le-feu le 27 novembre 2024. Depuis cette date, Israël n’a cessé ses opérations militaires, étendant ses frappes à plusieurs régions libanaises, y compris au cœur du Grand Beyrouth. Les cibles incluent des individus occupant des fonctions au sein du Hezbollah, et bien que de nombreux civils soient pris dans les tirs croisés, la destruction s’intensifie, tout comme la peur et l’angoisse.

Dans une précédente chronique, j’avais décrit le gouvernement libanais comme étant pris entre deux étaux: d’un côté, l’exigence internationale de désarmement du Hezbollah ; de l’autre, la nécessité de préserver l’unité interne et d’éviter un conflit dévastateur entre l’armée libanaise et le parti. L’appel à résoudre la question des armes dans le cadre d’une stratégie de défense nationale est perçu au niveau international comme une manœuvre dilatoire, ce qui n’a fait qu’accroître la pression extérieure. Le gouvernement demeure confus, paralysé et financièrement accablé – pris entre ces deux lames.

Mais aujourd’hui, c’est le Hezbollah lui-même qui se retrouve entre deux nouveaux étaux.

Le parti, qui a accepté le cessez-le-feu et s’est publiquement engagé à respecter la Résolution 1701 ainsi qu’à se soumettre aux décisions de l’État libanais, est resté silencieux face aux attaques israéliennes visant ses régions, ses centres et ses membres (le nombre de morts dépasse 115). Mais ce silence, cette patience, devient de plus en plus inconfortable – aussi bien pour la base du Hezbollah que pour l’opinion publique libanaise.

Certes, la direction du parti continue de tenir un discours de force, de résistance et de droit du Liban à faire face à l’occupation. Mais la réalité sur le terrain contredit ce discours. Le Hezbollah a subi des pertes importantes – matérielles, politiques et morales – allant de ses hauts responsables à ses combattants de base. Malgré cela, sa popularité au sein de son noyau dur reste élevée, que ce soit en tant qu’acteur unique ou dans le cadre du « duo chiite ».

Hier, un haut responsable du parti faisait une déclaration provocatrice affirmant que le Hezbollah s’était réarmé, reconstruit et réorganisé, avertissant Israël que la patience avait ses limites.

Mais cette déclaration était-elle simplement une soupape émotionnelle ? Un message à une base meurtrie, promettant que le parti ne capitulera pas malgré les pertes ? Ou bien un défi lancé au gouvernement libanais – rejoignant ainsi la position de plusieurs factions – selon lequel seul le parti est capable de dissuader l’agression israélienne, à condition que le Hezbollah cesse ses actions contre Israël et remette à l’État la décision de guerre et de paix ?

Il semble que le Hezbollah soit parfaitement conscient – quoique discrètement – d’être lui aussi piégé : d’un côté, son incapacité à répondre militairement ou à remporter une quelconque victoire en cette période de pressions extrêmes ; de l’autre, son attachement à une doctrine politique fondée sur la résistance, la reconstruction et l’aide sociale – en parallèle à son engagement envers un nouveau gouvernement qu’il a contribué à mettre en place.

Avant la guerre récente, le succès du Hezbollah dans la résistance reposait sur trois piliers fondamentaux :

1- La clarté de sa cause – la libération – qui bénéficiait d’un quasi-consensus au Liban ainsi que d’une large compréhension régionale et internationale.

2- Des ressources humaines et militaires abondantes, fournies par « l’Axe de la Résistance ».

3- Un leader d’exception.

Mais ce leader – qui incarnait le charisme, l’influence et la présence – a été perdu dans le martyre. Alors, où se situe aujourd’hui le cheikh Naïm Qassem, l’actuel secrétaire général du Hezbollah, par rapport à Hassan Nasrallah ? Bien qu’il soit membre fondateur et figure de longue date du mouvement, Qassem ne possède pas le même impact. Le peuple écoute-t-il ses paroles avec la même ferveur qu’il le faisait jadis lors des discours enflammés de Nasrallah, accompagné de son doigt levé ?

Quant aux hommes et aux armes, ils sont traqués sans relâche par les missiles israéliens, les raids aériens et une surveillance technologique de pointe – jusqu’aux plus reculés des refuges du Hezbollah. Les routes d’approvisionnement ont été coupées, et les institutions sociales et financières du parti sont de plus en plus restreintes.

Par ailleurs, la cause elle-même est passée de la « libération » à la simple « résilience ». C’est cette résilience qui explique encore aujourd’hui la force du Hezbollah sur le plan intérieur, malgré les pertes subies lors de sa dernière confrontation avec Israël.

Il ne reste plus qu’au gouvernement libanais et au Hezbollah de parvenir à un accord mutuel afin de se libérer de ces étaux métaphoriques. Sont-ils capables d’y parvenir dans le délai imposé au Liban pour résoudre la question des armes – pour qu’enfin, cet été puisse déployer ses ailes en paix ?

Ou bien l’été libanais se transformera-t-il, encore une fois, en vacances à l’étranger pour ceux qui en ont les moyens – pour revenir ensuite en chantant : « Rejoignez-nous au Liban… il nous a manqué, cela fait si longtemps » ?