Une fois l'accord de cessez-le-feu à Gaza mis en œuvre et l'échange d’otages et de prisonniers achevé, Gaza entrera dans la phase du « lendemain ». Cependant, cette étape reste floue, à l’exception de la proposition du président Donald Trump à l’Égypte et à la Jordanie : accueillir davantage de réfugiés gazaouis sous prétexte qu’ils n’auraient « aucun abri pendant la reconstruction ». Une proposition vague dont on connaît le début, mais dont la fin reste incertaine.

L’Égypte et la Jordanie ont rejeté cette initiative, la qualifiant de déplacement forcé déguisé, une condamnation partagée par l’ensemble du monde arabe et les principaux concernés.

Un crime de guerre ?

La quatrième Convention de Genève de 1949 interdit explicitement le transfert forcé de populations sous quelque prétexte que ce soit, le considérant comme un crime de guerre. Toute tentative d'exode collectif imposé constitue une violation flagrante du droit international et des droits humains. Une telle mesure provoquerait de vives condamnations internationales et un élargissement de la crise sur la scène mondiale, intensifiant la pression sur Israël et aggravant la souffrance des Palestiniens.

Un scénario plausible ?

D’un point de vue politique, il est peu probable que ce projet aboutisse face à la réaction attendue des États arabes, notamment l’Égypte et la Jordanie, qui perçoivent cette initiative comme une menace pour leur stabilité et leur sécurité nationale. Un exode massif aurait des conséquences humanitaires désastreuses, amplifiant la souffrance des réfugiés, confrontés à un manque d’infrastructures adaptées.

Sur le plan populaire, tout pays acceptant ce déplacement se heurterait à une contestation interne et externe, risquant d’être accusé de complicité dans la liquidation de la cause palestinienne et le vidage progressif de la Palestine de sa population. Une situation qui faciliterait l’imposition de nouvelles réalités par Israël, sans avoir à négocier de solution politique.

Conséquences pour la Palestine

Un déplacement forcé entraînerait l’exode de centaines de milliers de familles palestiniennes dans des conditions précaires, aggravant les pénuries alimentaires, médicales et de logements. Cela équivaudrait à une nouvelle Nakba, similaire à celle de 1948, annihilant les perspectives d’une solution à deux États et menaçant l’identité nationale palestinienne.

Impact sur l’Égypte

L’arrivée massive de réfugiés dans le Sinaï pourrait bouleverser l’équilibre démographique et accroître l’instabilité sécuritaire dans cette région déjà fragile. Des groupes armés pourraient exploiter cette crise pour intensifier leurs activités, mettant la sécurité nationale égyptienne en péril.

Si l’Égypte venait à accepter ce plan, elle risquerait de se voir accusée d’abandonner la cause palestinienne, ce qui affecterait ses relations avec le monde arabe et raviverait les tensions internes, notamment dans un contexte où l’opinion publique demeure majoritairement opposée à la normalisation avec Israël.

Impact sur la Jordanie

En Jordanie, un nouvel afflux de réfugiés pourrait exacerber les tensions sociales et politiques, dans un pays où plus de 45 % de la population est d’origine palestinienne. Un tel scénario renforcerait les craintes de voir la Jordanie devenir un « État de substitution », un concept que le royaume a toujours fermement rejeté, considérant qu’il compromet la solution des deux États et menace son identité nationale.

Pressions économiques croissantes

Tant l’Égypte que la Jordanie font face à des défis économiques majeurs. L’Égypte, déjà confrontée aux répercussions du barrage éthiopien de la Renaissance sur le cours du Nil, à l'afflux de réfugiés soudanais et libyens, et à la dévaluation de sa monnaie, ne pourrait supporter un tel fardeau supplémentaire. De son côté, la Jordanie, avec un taux de chômage avoisinant 17 %, verrait ses infrastructures et ses services sociaux lourdement impactés par l’arrivée soudaine de milliers de réfugiés palestiniens.

Peuvent-ils réellement refuser ?

Si l’Égypte et la Jordanie refusent ce plan, Israël pourrait-elle intensifier ses actions militaires, comme elle l’a fait à Gaza et au Liban, afin d’accentuer la pression sur les Palestiniens ? Une escalade militaire, un blocus plus strict incluant la privation de nourriture, de médicaments et de carburant pourraient être utilisés comme leviers pour forcer l’exode.

Un déplacement de cette ampleur renforcerait le soutien international à la cause palestinienne et pourrait inciter les Nations Unies à accentuer la pression diplomatique sur Israël. Un tel scénario pourrait également pousser certaines puissances à envisager des sanctions économiques contre Tel-Aviv, ou même à engager des poursuites internationales pour crimes de guerre.

L’unique issue réaliste réside dans une intervention diplomatique forte des États-Unis, en tant que puissance dominante, pour empêcher un déplacement forcé et promouvoir une solution politique durable. Washington devrait exercer une pression en faveur d’un cessez-le-feu permanent, de la levée du blocus de Gaza et de la Cisjordanie, et du lancement d’un processus de reconstruction. La seule alternative viable reste l’application de la solution des deux États, conformément à la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en novembre 1967, comme cadre pour mettre fin au conflit israélo-palestinien.