Avant de devenir l'entrepreneur international éclatant et le titan de l'industrie en France, avant que les hautes sphères officielles et politiques de plusieurs pays ne s'inclinent devant lui, Iskandar Safa, surnommé tendrement Sandy, était un homme d'une modestie délibérée. Il évitait les feux de la rampe, préférant les ruelles discrètes à la renommée tapageuse. Ami fidèle, il n'oubliait personne de ses compagnons d'enfance, que ce soit dans les rues de son quartier ou dans les couloirs de l'école.
Il était un chef de famille exemplaire, veillant sur les siens avec dévotion, transmettant à ses enfants les valeurs qu'il avait lui-même héritées de ses parents. Mais il était bien plus qu'un homme d'affaires accompli. Collectionneur passionné d'art et philanthrope généreux, il distribuait sa bienveillance avec une main gauche ignorante des œuvres de la droite. Son esprit facétieux n'épargnait aucun de ses amis, tant sa malice était irrésistible.
Dès l'école primaire, il se démarquait par sa taille imposante, une silhouette qui veillait sur ses camarades plus petits. Au lycée, son intérêt pour le sport s'éveilla, jetant le disque à des distances record avant même d'atteindre sa majorité. Le sport compétitif s'estompa avec le temps, mais l'amour de l'exercice quotidien persista, une habitude qu'il chérissait matin et soir. Chaque mois de mai, une randonnée vers le sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa était incontournable, débutant ensemble mais se terminant avec une avance d'un quart d'heure.
Son amour du sport le conduisit à s'investir dans une cause noble, présidant le Comité olympique libanais spécial, permettant aux athlètes handicapés de briller aux Jeux paralympiques. La perte précoce de son père à l'âge de dix ans transforma sa mère en une figure maternelle et paternelle, une sœur aînée, une enseignante et une confidente.
Ces influences familiales et éducatives ont sculpté son parcours professionnel après des études d'ingénieur civil à l'Université américaine de Beyrouth. Ses premiers pas professionnels le menèrent aux quais de Baltimore avant un périple en Arabie saoudite, puis à Paris pour décrocher une maîtrise en administration des affaires à l'INSEAD. Resté à Paris, il y inscrivit son nom dans l'histoire, accumulant des réalisations en France et à travers le monde.
Les années 80 le virent acquérir les chantiers navals CMN à Cherbourg, ravivant l'entreprise et livrant des navires à des nations en quête de renforcement naval. De Cherbourg, ses activités maritimes se propagèrent au Royaume-Uni, en Allemagne, en Grèce et aux Émirats arabes unis.
Il s'immergea également dans l'immobilier, étendant son influence en France, au Royaume-Uni, en Italie, au Liban et en République dominicaine, terre natale de son épouse. Les projets hôteliers ne furent pas en reste, plusieurs établissements en France et en Italie, ainsi que des restaurants étoilés au Michelin, furent les fruits de son engagement.
Cependant, sa renommée s'épanouit véritablement grâce à son succès dans la médiation pour la libération des otages français kidnappés au Liban dans les années 80. Un acte héroïque qui laissa une empreinte indélébile en France, au Liban, en Syrie et au-delà.
Malgré ses réussites, des épreuves surgirent. Accusations diffamatoires de malversation financière et d'absence de contrats pour des travaux gouvernementaux le placèrent face à la justice française. Les années s'écoulèrent, mais en 2007, la justice le blanchit totalement.
Son affrontement avec le gouvernement grec devint épique lorsqu'il contesta un contrat devant le Parlement. Fort de sa conviction, il remporta la bataille devant le tribunal d'arbitrage européen.
Une quatrième affaire, médiatisée, concerna l'un de ses cadres, arrêté à New York pour corruption en Afrique. L'année n'était pas encore écoulée que la justice annonça son acquittement total.
Finalement, que reste-t-il de tout cela ? Nous avons perdu un homme cher, une lumière étincelante d'activité et un défenseur des principes, indifférent aux faux éclats de gloire et aux profits rapides. Nous avons perdu un généreux bienfaiteur, prêt à tendre la main sans rien demander en retour, un homme pour qui la justice ne se négociait pas.
Personnellement, j'ai perdu un ami avec qui j'ai partagé des années d'études, séparés par les chemins de la vie, mais qui, lors de nos retrouvailles, faisait disparaître toute distance. Quant à Al-Safa, la perte est immense, mais l'espoir nous anime, nous poussant à réaliser les aspirations qu'il a insufflées pour faire d'Al-Safa un phare dans la nuit de la réalité libanaise.
Nous présentons nos condoléances, à nous-mêmes, à son épouse Clara et à ses enfants Akram et Alejandro. Nos pensées vont également à son frère Akram, à sa famille, et nous prions pour que la grâce de la patience et du réconfort accompagne ses proches et ses amis.