Lorsque l’envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, affirme que la normalisation entre le Liban, la Syrie et Israël est désormais une « possibilité réelle », cela renforce l’idée que les informations largement diffusées sur un ultimatum de deux mois donné par les États-Unis au Liban pour désarmer le Hezbollah sont plus qu’une simple rumeur — surtout en l’absence de tout démenti officiel clair.
Cette déclaration vient s’ajouter à l’appel lancé par l’envoyée américaine Morgan Ortagus au Liban pour qu’il constitue trois comités de négociation avec Israël portant sur les frontières, les prisonniers, et l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité dans le sud du pays. Cela montre à quel point l’administration américaine est pressée. Elle cherche à instaurer une normalisation entre le Liban et Israël avec la même urgence qu’elle souhaite normaliser les relations entre Israël et les nouvelles autorités syriennes émergentes.
Les violations continues du cessez-le-feu par Israël — frappes aériennes sur ce qu’il désigne comme des sites militaires et assassinats de dirigeants du Hezbollah via des drones — apparaissent clairement comme des tactiques de pression destinées à pousser le Liban vers la normalisation avec Israël. Parallèlement, les raids israéliens sur des sites militaires et stratégiques en Syrie, combinés à une avancée territoriale dans le sud syrien, relèvent du même processus visant une normalisation israélo-syrienne. Les deux dynamiques semblent délibérément liées.
Dans le même temps, Washington veut clore le dossier de Gaza dans le même délai de 60 jours. L’accord de trêve temporaire entre le Hamas et Israël s’est effondré, cédant la place à une escalade militaire sévère, même si Witkoff a réitéré le soutien américain à la solution à deux États — à condition que le Hamas dépose les armes et n’exerce aucune activité dans la bande de Gaza.
Ce délai de deux mois concernerait également les Houthis du Yémen, appelés « Ansar Allah », à qui il est demandé de cesser leurs attaques contre Israël et de cesser de perturber la navigation maritime en mer Rouge et en mer d’Arabie.
Au-delà de la Syrie et de ses évolutions politiques récentes, notamment sur la côte, des sources proches du dossier affirment que les États-Unis et Israël rejettent tout scénario au Liban qui se solderait par un statu quo de type « ni vainqueur ni vaincu ». Au contraire, ils exigent une normalisation, considérant que la guerre récente s’est conclue par une « défaite » du Hezbollah — ce qui justifierait un accord politique fondé sur ce résultat. Selon eux, la nouvelle direction politique au Liban devrait agir en conséquence, en appliquant pleinement la résolution 1701, et en allant jusqu’à signer un traité de paix ou un accord de normalisation.
Alors que le gouvernement libanais déploie des efforts diplomatiques pour obtenir le retrait israélien des dernières parcelles de terres occupées dans le sud et milite pour un retour à l’accord d’armistice de 1949 — espérant ainsi normaliser la situation à la frontière sans avoir à passer par une normalisation formelle — certains partis politiques insistent toujours sur le désarmement du Hezbollah. Ce dernier refuse et soutient que la question doit être traitée dans le cadre d’une stratégie nationale de défense, reconnaissant le monopole de l’État sur les armes et les décisions de guerre et de paix.
Dans ce contexte, le Hezbollah, son environnement social, ainsi que plusieurs forces politiques alliées, s’inquiètent de plus en plus des violations israéliennes du cessez-le-feu et des tensions croissantes le long des frontières orientales et nord du Liban avec la Syrie — en particulier après les récents affrontements, gérés militairement mais pas politiquement. Certains remettent même sur la table l’idée de déployer des forces internationales dans ces zones frontalières, une proposition évoquée il y a des années. Cela survient alors que les responsables de la nouvelle autorité syrienne continuent de menacer d’une invasion du Liban pour se venger du Hezbollah.
Dans les cercles diplomatiques, on lit les récents développements régionaux — reprise de la guerre à Gaza, intensification des frappes aériennes au Yémen, instabilité potentielle en Irak — comme des prémices à une frappe militaire américano-israélienne dévastatrice contre les infrastructures nucléaires et stratégiques iraniennes. L’objectif ? Réaliser l’ambition, maintes fois répétée, de « changer le visage du Moyen-Orient », selon l’expression de Benjamin Netanyahu, ou de créer un « Nouveau Moyen-Orient », selon le vocabulaire américain. Pour Netanyahu, cela passe par l’éradication de « l’Axe de la résistance », dont l’Iran est la tête de proue et le principal soutien.
Washington partage en grande partie cet objectif, mais continue de privilégier la voie diplomatique, réservant l’option militaire en ultime recours. Cette position a été reflétée dans le récent message de l’ancien président Donald Trump adressé à l’Iran par l’intermédiaire des Émirats arabes unis, adoptant l’approche classique de la « carotte et du bâton ».
Fait intéressant, le délai de 60 jours fixé par Trump semble également s’appliquer à l’Iran. La direction iranienne continue d’examiner le contenu de ce message, mais les premières fuites diplomatiques indiquent que Téhéran rejette plusieurs de ses éléments clés — notamment la demande de limitation de son programme nucléaire, qu’elle affirme être pacifique, ainsi que l’exigence de restreindre son influence régionale et son soutien aux mouvements de résistance contre Israël. Le guide suprême, Ali Khamenei, a catégoriquement refusé de qualifier ces groupes d’« agents iraniens », préférant les désigner comme des « mouvements de résistance » et affirmant que l’Iran « n’a pas besoin d’agents pour se défendre ».
En attendant la réponse officielle de l’Iran à Trump, Washington et Tel-Aviv s’emploient à préparer la suite de leur projet de « transformation du Moyen-Orient ». Des observateurs diplomatiques estiment que cet objectif — partagé par les États-Unis et Israël — se résume à deux options : soit changer le visage de l’Iran, soit réorienter sa trajectoire. Changer le visage implique de renverser le régime par des troubles internes provoqués par des frappes ou une pression militaire, sans entrer dans une guerre totale. Réorienter sa trajectoire signifie parvenir à un accord diplomatique sur le programme nucléaire et le rôle régional de l’Iran, un accord qui satisferait suffisamment Téhéran pour l’inciter à se désengager des affaires régionales, en échange d’une non-ingérence dans les siennes.
Quoi qu’il en soit, le comportement actuel des États-Unis et d’Israël laisse entrevoir la probabilité croissante d’une frappe militaire contre l’Iran, assortie d’efforts pour neutraliser ce qu’ils considèrent comme ses « bras armés » régionaux.