L’Iran traverse actuellement la période la plus critique depuis plus de quarante ans – précisément depuis la fin de sa guerre contre l’Irak en 1988, lorsqu’il fut contraint d’accepter un cessez-le-feu sous pression. Aujourd’hui, face à une accumulation de crises internes et externes, Téhéran cherche une issue : parvenir à un accord avec les États-Unis dans le cadre des négociations en cours.
Cette volonté de compromis s’explique par une série de revers, dont le plus récent est une lourde défaite pour l’influence iranienne dans la région. Sur le plan intérieur, la situation est tout aussi alarmante : crise économique aggravée, mécontentement populaire, et besoin urgent d’alléger les sanctions.
Après la guerre au Liban, l’Iran a entamé une réévaluation critique de la performance de l'Axe de la Résistance, de la tête de pont à Téhéran jusqu’à ses alliés régionaux. Cette analyse inclut le rôle du Hezbollah, le revers militaire subi, et une tromperie diplomatique : des garanties israéliennes illusoires sur un cessez-le-feu à Gaza ont conduit l’axe iranien à suspendre ses opérations prématurément. Résultat : perte de terrain en Syrie, progression israélienne, fragmentation territoriale, et recul régional malgré la poursuite des combats par le Hamas et les Houthis.
Doctrine nucléaire inchangée
Parallèlement, la sécurité nationale iranienne est fragilisée et les besoins économiques sont urgents. Téhéran avait brièvement respiré grâce à l’accord nucléaire de 2015 signé sous Barack Obama, après des négociations entamées en 2003. Mais le retrait américain opéré par Donald Trump en 2018 a ravivé l’isolement de l’Iran.
La dernière session de négociation à Rome n’a pas abouti à un accord officiel, mais elle marque un pas discret vers l’apaisement. Les deux parties prennent leur temps. Les discussions sont désormais techniques : Téhéran enrichit son uranium à 60 %, sous le seuil des 90 % nécessaires à une arme nucléaire, mais assez inquiétant pour Washington et Tel-Aviv.
Trump mise sur une réduction progressive de cet enrichissement, en contrepartie d’un allègement progressif des sanctions. De son côté, l’Iran cherche à gagner du temps dans une phase délicate.
Cependant, rien n’indique que l’Iran envisage de renoncer à sa doctrine nucléaire. De nombreux experts estiment que Téhéran ne souhaite pas réellement l’arme atomique, qui déclencherait une course aux armements ruineuse et mettrait le pays en danger face à une supériorité technologique et militaire occidentale. L’Iran semble préférer renforcer ses capacités militaires conventionnelles tout en levant les sanctions pour relancer son économie.
Une approche « pacifique » selon Trump – mais sous conditions
Trump ne veut pas d’un conflit avec l’Iran, surtout au début de son mandat. Il partage cette approche avec son vice-président J.D. Vance et son ministre de la Défense Pete Hegseth. Mais d’autres figures influentes au sein de l’administration s’opposent à toute concession excessive, craignant une répétition de la politique d’Obama.
Le secrétaire d’État Marco Rubio et le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz défendent une ligne dure : désarmement nucléaire total, inspections strictes, démantèlement des installations et contrôle des centrifugeuses, en particulier celles de dernière génération. Ils souhaitent maintenir la pression militaire et empêcher tout avantage stratégique à long terme pour l’Iran.
Le négociateur principal de Trump, Steve Witkoff, s’aligne pour l’instant sur la vision présidentielle, mais les pressions pro-israéliennes se multiplient : elles exigent la fin de toute coopération nucléaire entre Téhéran et des puissances comme la Chine, la Russie ou la Corée du Nord.
Vers une nouvelle équation régionale
Les partisans du dialogue rappellent que les discussions n’en sont qu’à leurs débuts et que les sujets les plus sensibles – notamment les missiles balistiques et les milices alliées – restent à aborder. Mais l’Iran est aujourd’hui bien plus affaibli qu’il ne l’était sous Obama : les sanctions ont vidé ses caisses, accentué l’inflation, augmenté le chômage, et réduit ses exportations de pétrole à un niveau historiquement bas.
Pour l’heure, aucune guerre n’est envisagée entre Washington et Téhéran. Trump favorise la stabilité régionale, surtout dans cette zone stratégique riche en ressources. Et cela constitue en soi une victoire relative pour l’Iran, qui pourrait ainsi éviter un affrontement direct tout en se préparant à une nouvelle phase d’arrangements.
Un compromis paraît donc inévitable, à la fois pour Téhéran et Washington. Il pourrait marquer une sortie progressive des conflits régionaux pour leurs alliés respectifs, au profit d’un recentrage sur le développement intérieur, notamment en Irak et au Liban. Reste une inconnue majeure : Gaza. L’issue des négociations entre l’Iran et les États-Unis pourrait-elle aussi redéfinir les paramètres du dialogue arabo-israélien ?