Il n’est un secret pour personne que l’ancienne administration américaine a fermé les yeux sur les exportations pétrolières iraniennes vers la Chine, permettant ainsi à Téhéran de générer des revenus considérables — 53 milliards de dollars en 2022 et 54 milliards de dollars en 2023. Cette indulgence pourrait avoir été politiquement motivée, servant de contre-mesure aux réductions volontaires de production par les pays de l’OPEP+, qui ont entraîné une hausse des coûts énergétiques pour l’économie américaine. Cependant, l’administration actuelle a adopté une approche plus agressive, poursuivant la politique de sanctions de l’administration Trump en 2018. Cette escalade inclut des sanctions visant des responsables iraniens, des entreprises pétrolières et des entités exploitant des pétroliers enregistrés sous des pavillons étrangers. Ce durcissement des sanctions devrait se poursuivre jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord portant sur trois domaines clés : le programme nucléaire iranien, ses capacités en missiles balistiques et ses alliances régionales.
Une nation sous pression
L’économie iranienne est de nouveau sous les projecteurs, non seulement en raison des sanctions extérieures, mais aussi à cause des faiblesses structurelles qui la rendent assoiffée d’investissements. L’impact sur les Iraniens ordinaires est sévère, avec une détérioration du niveau de vie aggravée par l’inflation et la stagnation économique.
Les tensions géopolitiques jouent un rôle clé dans la trajectoire économique de l’Iran. Les conflits avec ses adversaires régionaux, en particulier Israël, ainsi que l’incertitude entourant les décisions de Washington, créent un climat d’instabilité. Les sanctions occidentales ont privé l’Iran d’investissements étrangers pendant des décennies. Même lors de la courte période de l’accord nucléaire de 2015 à 2018, les capitaux étrangers n’ont afflué que partiellement en raison de la mise en œuvre progressive de l’accord.
Les défis économiques de l’Iran sont profondément enracinés. L’inflation dépasse constamment les 30 % par an depuis plusieurs années, érodant le pouvoir d’achat et fragilisant les finances des ménages. La dépréciation de la monnaie et la faiblesse de la croissance économique noircissent encore davantage les perspectives économiques du pays.
Les pressions internes s’accentuent avec des déficits budgétaires, des pénuries d’électricité et une corruption généralisée qui aggravent la crise. Les effets sont visibles sur le terrain : le PIB par habitant a diminué et les prévisions économiques anticipent une nouvelle contraction cette année en raison des mesures américaines.
Résilience face aux difficultés
Malgré ces obstacles, l’économie iranienne fait preuve d’une certaine résilience. Le secteur des services, qui représente plus de 50 % du PIB, reste un employeur clé. Par ailleurs, le secteur pétrolier, soutenu par l’augmentation des exportations ces dernières années, a offert un certain répit. Cependant, le chômage des jeunes demeure une préoccupation majeure, bien au-delà du taux de chômage général relativement stable. Ces dynamiques suggèrent que, bien que certains secteurs continuent de fonctionner, l’économie dans son ensemble est confrontée à d’importants défis.
Les principaux facteurs d’instabilité
L’inflation reste le défi le plus pressant pour le gouvernement iranien. Alimentée par des déficits budgétaires chroniques, des subventions et la dépréciation monétaire, elle est encore exacerbée par un sous-investissement dans les infrastructures — en particulier dans le secteur de l’électricité, où les pénuries entraînent des pertes économiques. De plus, le secteur financier iranien demeure gravement sous-développé en raison de son isolement du système financier mondial. La corruption, omniprésente dans les secteurs public et privé, affaiblit encore davantage la croissance durable.
L’économie iranienne en chiffres
D’un point de vue macroéconomique, l’économie iranienne a enregistré une croissance d’environ 4 % en monnaie locale au cours des 12 mois se terminant le 20 mars 2024. Toutefois, en dollars américains, la valeur nominale de l’économie a stagné, avec un PIB par habitant en baisse, passant de 4 741 dollars en 2022 à 4 501 dollars en 2023.
Pour l’année fiscale en cours, qui s’achèvera le 20 mars 2025, la croissance nominale ajustée à l’inflation est projetée à seulement 2 %, avec un PIB nominal estimé à moins de 400 milliards de dollars en raison des pressions internes et externes persistantes.
Les déséquilibres économiques iraniens résultent d’un ensemble de facteurs : politiques de subventions, mauvaise gestion, inefficacité, pénuries d’électricité, faiblesse du secteur financier et déficits budgétaires récurrents. Cependant, la diversification économique a contribué à une certaine résilience. Le secteur des services reste dominant, représentant plus de 50 % du PIB, tandis que la part du secteur pétrolier a augmenté à 16 %, une hausse significative par rapport à 2023. Le secteur industriel et minier représente environ 17 %, tandis que l’agriculture a connu un recul, de nombreux producteurs ayant abandonné les activités agricoles traditionnelles.
Les données de la Banque centrale iranienne montrent que le secteur des services domine la création d’emplois, employant 52 % de la main-d’œuvre, contre 34 % dans l’industrie et 14 % dans l’agriculture. Une migration marquée des zones rurales vers les villes est observée. Le taux de chômage officiel a chuté à 7,9 %, mais le chômage des jeunes reste alarmant, dépassant les 20 %.
Illustration 1 : L'économie iranienne en chiffres
Par ailleurs, l’inflation continue de représenter la menace économique la plus persistante en Iran, avec une moyenne de 30 % sur de longues périodes. Si elle n’est pas maîtrisée, elle pourrait entraîner l’économie dans une spirale descendante difficile à inverser. La cause principale demeure le déficit budgétaire chronique du gouvernement, aggravé par des programmes de subventions qui gonflent les dépenses publiques au-delà des capacités de revenus, entraînant un sous-investissement dans les infrastructures essentielles.
Les voies de la reprise
Pour redresser sa trajectoire économique, l’Iran doit entreprendre plusieurs réformes majeures :
Résolution diplomatique des sanctions – Engager des négociations diplomatiques pour alléger les sanctions permettrait de stabiliser les relations économiques internationales et d’attirer des investissements en capital indispensables.
Réforme des subventions – Réorganiser les programmes de subventions afin de réduire les déficits budgétaires tout en maintenant un soutien aux populations les plus vulnérables.
Diversification économique – Encourager les investissements dans des secteurs clés tels que le pétrole, les industries numériques et les infrastructures pour favoriser une croissance durable.
Réformes réglementaires et politiques – Améliorer les cadres juridiques et administratifs, renforcer l’indépendance judiciaire et promouvoir une meilleure gouvernance afin de redonner confiance aux investisseurs nationaux et étrangers.
Les tensions géopolitiques restent un facteur de risque majeur. Le bras de fer persistant entre l’Iran, les États-Unis et Israël jette une ombre sur la reprise économique, malgré les tendances réformistes au sein du gouvernement iranien. La question fondamentale demeure : l’Iran est-il prêt à faire des concessions géo-politiques pour se réintégrer à l’économie mondiale ?
Téhéran est-il prêt à franchir ce cap?