Malgré l’intensification des tensions et la hausse des tons dans les discours entre les États-Unis et l’Iran, les deux parties semblent miser sur le temps, en vue d’un règlement qui refléterait les nouveaux rapports de force dans la région.
Depuis la révolution iranienne de 1979, les relations entre Washington et Téhéran n’ont jamais trouvé de stabilité. L’hostilité iranienne envers les États-Unis découle du soutien américain au Shah déchu et de son alliance avec Israël. En réponse, Washington a imposé des sanctions à l’Iran, qui perdurent encore aujourd’hui, entrecoupées de confrontations par procuration dans le Golfe, au Liban et ailleurs. Ces tensions ont été temporairement apaisées après les attentats du 11 septembre 2001, lorsque les deux pays se sont retrouvés dans des ententes temporaires pour affronter des ennemis communs en Afghanistan et en Irak, avant de revenir a leurs divergences.
Depuis deux ans, l’Iran traverse l’une des périodes les plus difficiles depuis la révolution. Si ce n’est pas la première crise majeure, elle est sans doute la plus sévère, dans un environnement régional hostile, marqué par un isolement croissant et l’absence de soutien effectif de ses alliés.
Téhéran : patience … patience
L’Iran se trouve face à un dilemme : durcir sa position pour compenser ses faiblesses, en accélérant son programme d’enrichissement nucléaire, ou faire preuve d’une patience stratégique.
Une posture trop agressive risquerait de provoquer des frappes militaires américaines ou israéliennes qui pourraient menacer la survie même du régime. Par conséquent, Téhéran semble opter pour le second choix : gagner du temps et espérer un changement dans la politique américaine, notamment en misant sur une évolution du discours qualifié de « fou » de Donald Trump, selon des sources iraniennes.
Trump poursuit sa politique de « pression maximale » pour contraindre l’Iran à des concessions sur ses programmes nucléaire et balistique, tout en cherchant à réduire son influence régionale, à affaiblir ses alliés et à protéger les partenaires de Washington dans le Golfe, en Irak, et bien sûr en Israël.
L’administration américaine a exploité l’implication de l’Iran dans la stratégie de « l’unité des fronts » pour soutenir l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », en apportant un appui inconditionnel à Israël tout en travaillant à dissocier les théâtres d’opération de Gaza et du Liban. Israël a ainsi infligé des coups sévères aux forces pro-iraniennes au Liban, en Syrie et à Gaza, tout en épargnant directement l’Iran.
Bien que Téhéran n’ait pas été informé du moment exact de l’opération d’Al-Aqsa, elle en connaissait l’intention. La réussite inattendue de cette offensive a pris de court même le Hamas, qui n’a pas pu reculer. Après une évaluation rapide de la situation, le Hezbollah, en consultation avec l’Iran, a choisi d’intervenir sans déclencher une guerre totale, conformément aux souhaits de Téhéran.
Trump, la désescalade en tête ?
Les Iraniens misent sur un retour de Trump à la table des négociations. Son objectif serait de « neutraliser » les problèmes au Moyen-Orient, de limiter le rôle de l’Iran et d’empêcher sa transformation en puissance nucléaire militaire. Téhéran comprend cette dynamique et sait que l’« État profond » américain, avec ses intérêts financiers, économiques et militaires, ne poussera pas à une guerre directe contre l’Iran, consciente de ses conséquences désastreuses pour ses bases dans la région et ses alliés.
Téhéran a amorcé une réévaluation critique de sa stratégie, sans toutefois chercher à quémander un dialogue. L’Iran exige des garanties de la part des Américains, tout comme Washington en attend de Téhéran. Une partie essentielle de ces garanties concerne Israël : Téhéran souhaite un engagement des États-Unis à ne pas soutenir d’actions israéliennes contre l’Iran, à ne pas interférer dans ses affaires intérieures et à reconnaître son rôle dans la sécurité régionale.
Les négociations, qui devraient être indirectes dans un premier temps, s’appuieront sur les efforts précédents menés à Oman, au Qatar et via l’ambassade de Suisse à Téhéran. En retour, l’Iran pourrait faire des gestes pour refléter sa bonne volonté.
Le pari sur le Golfe et l’attente stratégique
L’Iran parie également sur une amélioration de ses relations avec les pays du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite. Malgré l’accord de Pékin et les déclarations positives, des divergences subsistent sur la méthode de règlement. Riyad veut un accord global pour résoudre ses différends avec Téhéran, après des années de conflits par procuration. L’Arabie saoudite attend aussi de voir la vision de Trump pour le Moyen-Orient avant de faire un pas décisif, tandis que l’Iran, fidèle à sa stratégie, préfère fragmenter les dossiers pour préserver ses leviers d’influence.
Comme les relations irano-saoudiennes et les négociations avec Washington sont étroitement liées, la patience reste de mise dans l’attente d’un accord global couvrant tous les dossiers en suspens.
Trump 2 : vers un changement d'approche ?
Le Trump 2, moins belliqueux, ne devrait pas poursuivre les projets de transfert forcé des Palestiniens. Il finira par reconnaître l’impossibilité d’un tel plan, face à la forte opposition arabe, exacerbée par les déclarations de Netanyahou sur la création d’un État palestinien en Arabie saoudite.
Le sujet de la solution à deux États est revenu sur le devant de la scène, un retournement inattendu qui unit à nouveau les pays arabes.
Si les Iraniens ne sous-estiment pas la rhétorique de Trump, ils parient sur un assouplissement de sa position. De son côté, le président américain intensifie la pression médiatique pour attirer l’Iran à la table des négociations, visant un « accord nucléaire » qui profiterait non seulement à Téhéran mais permettrait aussi de contrôler son influence, notamment au Liban avec les armes du Hezbollah au nord du Litani, en réponse aux bouleversements en Syrie.
En attendant, la région reste suspendue aux évolutions de la politique américaine et aux choix stratégiques de Téhéran.