Ils passent généralement presque inaperçus, ces seigneurs de l’économie mondialisée qui se réunissent chaque fin d’année à Davos en Suisse pour jeter les bases des stratégies économiques pour les décennies futures.

L’ère de la guerre de l’Or Noir s’effiloche avec l’avènement des minéraux critiques qui mènent désormais le train à grande vitesse de l’économie technologique mondiale. Les leaders de Davos, se retrouvent aujourd’hui devant cette guerre des minéraux dans la même situation qui prévalait lors de l’explosion de l’ère du pétrole après la 2ème guerre mondiale.

Les minéraux rares et vitaux se trouvent en grande majorité dans les pays en voie de développement.

« Une véritable stratégie internationale sur les minéraux critiques doit placer les intérêts des pays en développement au cœur de ses préoccupations. Cela est essentiel en partie parce qu’une part importante des minéraux critiques se trouve dans les économies en développement (comme l’Afrique subsaharienne, qui détient 30 % des réserves minérales mondiales, la République démocratique du Congo représentant à elle seule 70 % des approvisionnements en cobalt). En outre, les intérêts de ces pays risquent d’être éclipsés par les priorités géostratégiques et économiques du monde développé » notent les analystes. ***

Les acteurs principaux de cette guerre en cours sont les Etats-Unis et la Chine. Leur bataille pour la mainmise sur les sources des minéraux rares comme le Lithium et le Cobalt mettent à risque la stabilité politique et économique des pays concernés.

La transition vers les énergies renouvelables, la numérisation de l’économie et la pression pour suivre le rythme des développements des technologies de pointe reposent toutes sur quelques minéraux sélectionnés (le lithium, le cobalt, le cuivre, le graphite, le nickel et les terres rares sont communément appelés les « six grands ». Cependant, d’autres comme le zinc et le manganèse peuvent également être pris en compte). Il est essentiel que les stratégies relatives aux minéraux critiques soient mises en œuvre d’une manière qui favorise la coopération internationale tout en minimisant la fragmentation due à la rivalité géopolitique.

La coopération internationale doit être prioritaire pour assurer la disponibilité à long terme des minéraux critiques. Comme le souligne Stephen Scalet de Trends Research & Advisory, les deux forces qui permettront d’y parvenir sont un rassembleur mondial sur les minéraux critiques et une plus grande production de connaissances par les groupes de réflexion, les universités et l’industrie. Collaborer pour identifier les minéraux critiques et leurs chaînes d’approvisionnement est une première étape cruciale pour s’engager dans une collaboration internationale significative.

Plus de 80 % des projets de lithium et plus de la moitié des projets de nickel et de cuivre se trouvent sur les terres des peuples autochtones. L’extraction de ces ressources pourrait entraîner le déplacement des populations locales et la destruction des écosystèmes naturels.

Selon la professeure Sophia Kalantzakos, certains pays producteurs sont confrontés à un énorme dilemme : « Leur eau est-elle plus importante que la production de lithium pour les marchés mondiaux ? Pour que cette transition soit juste, le monde en développement ne peut pas devenir un gigantesque site d’extraction au service des intérêts des nations industrielles.

Pour équilibrer des priorités concurrentes, il faudra :

Sécurité : assurer un approvisionnement fiable en minéraux critiques et une autonomie stratégique.

Coût : l’accessibilité et l’équité des minéraux et des ressources.

Durabilité : promouvoir une extraction et une utilisation durables sur le plan environnemental et social.

Il est essentiel de trouver un équilibre. Les pays ne doivent pas laisser de côté les priorités environnementales au nom de la sécurité nationale. De même, ils doivent veiller à ce que les minéraux bon marché ne provoquent pas ou n'aggravent pas les pratiques minières.

La transition vers les énergies renouvelables offre une solution aux problèmes de sécurité et de durabilité pour les pays européens ; cependant, le coût associé à court terme restera probablement élevé. Les chaînes d’approvisionnement des minéraux essentiels nécessaires à la transition vers l’énergie verte sont complexes et moins matures que celles des combustibles fossiles. De plus, il existe une grande incertitude quant aux quantités de minéraux essentiels nécessaires pour atteindre les objectifs de zéro émission nette de carbone. Des estimations récentes de l’Agence internationale de l’énergie basées sur les objectifs climatiques nationaux suggèrent que la demande de minéraux essentiels quadruplera d’ici 2040.

*** Sophia Kalantzakos, Professor at New York University, Abu Dhabi- Stephen Scalet, Scientific Advisor at Trends Research & Advisory, Vlado Vivoda, Associate Professor at Rabdan Academy