Le Liban, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, se prépare au « Grand Jeudi » de la semaine prochaine. Une session cruciale pour l’élection présidentielle suscite des interrogations multiples et des prévisions contradictoires. Les spéculations oscillent entre l’existence d’un bras de fer régional et international sur le choix du président et l’hypothèse d’un consensus autour des noms proposés. Ceux-ci, bien qu’évoqués, semblent soumis à la volonté des parrains locaux et étrangers.
À quelques jours de cet événement décisif, plusieurs scénarios émergent autour de cette échéance présidentielle :
1. Un accord turco-qatari favorisant Élias el-Baysari
Le premier scénario repose sur un consensus turco-qatari, soutenu indirectement par l’Iran, en faveur du général Élias el-Baysari, directeur général par intérim de la Sûreté générale. Il bénéficie du soutien du « duo chiite », de ses alliés, du Courant patriotique libre, ainsi que de blocs parlementaires indépendants. Son élection nécessiterait une modification législative mais non constitutionnelle.
2. Un compromis américano-franco-golfien pour Joseph Aoun
Le deuxième scénario met en avant le chef de l’armée, Joseph Aoun. Ce dernier dispose de soutiens au sein de divers blocs parlementaires, mais son élection requiert une impulsion décisive, notamment l’appui du « duo chiite » et une clarification de la position de certaines oppositions. Sa candidature nécessiterait une modification constitutionnelle, sauf si une majorité des deux tiers (86 députés) approuvait son élection directement, comme ce fut le cas pour Michel Sleiman.
3. Retour à une présidence politique
Le troisième scénario propose de rompre avec la tradition récente d’élire des présidents issus des institutions militaires et sécuritaires. Après Émile Lahoud, Michel Sleiman et Michel Aoun, certains estiment qu’il est temps de revenir à des figures politiques maronites, parmi lesquelles de nombreuses personnalités compétentes pourraient prétendre à la présidence.
4. La candidature de Samir Geagea
Le quatrième scénario envisage une candidature déclarée de Samir Geagea, chef des Forces libanaises, qui pourrait bouleverser les équilibres. Cela pourrait transformer l’élection en une confrontation directe avec Sleiman Frangié ou un autre candidat en cas de retrait de ce dernier.
5. Une surprise de Nabih Berry
Le cinquième scénario repose sur une potentielle surprise de Nabih Berry. Le président du Parlement pourrait, à la dernière minute, proposer un candidat consensuel, convenu avec les grandes puissances locales et internationales, capable de rallier une majorité parlementaire.
6. Un blocage prolongé
Enfin, le sixième scénario prévoit l’échec de la session présidentielle, que ce soit par manque de quorum ou par absence de consensus. Cela pourrait repousser l’élection au-delà de l’installation officielle du président américain Donald Trump ou même jusqu’au printemps prochain, lorsque son administration aura pleinement pris ses fonctions. Des développements régionaux pourraient alors redéfinir les choix disponibles.
Propositions concurrentes des pays du Golfe
Des sources diplomatiques révèlent que le « duo chiite » a reçu deux offres distinctes. La première, d’origine américaine et soutenue par les pays du Golfe, inclut un financement massif pour la reconstruction des zones détruites par le récent conflit avec Israël et plaide pour l’élection de Joseph Aoun. La seconde, portée par la Turquie, favorise Élias el-Baysari avec une promesse de financement estimée entre 5 et 6 milliards de dollars pour la reconstruction.
Malgré ces propositions, le « duo chiite » reste neutre, préférant attendre un alignement des intérêts internationaux pour éviter de précipiter une décision susceptible de diviser les forces locales et régionales.
Tensions au Sud et incertitudes sur le retrait israélien
Le retard dans l’élection présidentielle pourrait affecter la situation dans le Sud, notamment en ce qui concerne le retrait israélien des zones occupées. Israël pourrait invoquer l’absence d’un président libanais pour justifier un prolongement de sa présence militaire, en contradiction avec la résolution 1701 de l’ONU.
Des scénarios contradictoires circulent : un retrait complet, un maintien sur des points stratégiques, ou un prolongement de la trêve. Dans tous les cas, les prochains jours seront déterminants, tant pour la scène politique interne que pour la stabilité régionale.
Un enjeu décisif pour l’avenir
En attendant la session du « Grand Jeudi », le Liban reste suspendu aux négociations locales et internationales. Une solution devra être trouvée pour garantir l’élection d’un président capable de rassembler et de répondre aux défis économiques et politiques majeurs du pays.