La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie a provoqué un bouleversement majeur dans les équilibres régionaux au Moyen-Orient, renforçant les positions de puissances rivales de l’Iran comme la Turquie et Israël. Cette évolution survient alors que l’Iran est déjà sous pression, à quelques semaines du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et le renversement du régime de Saddam Hussein, ennemi juré de Téhéran, l’Iran a consolidé son influence à Bagdad grâce à des partis religieux pro-iraniens ayant pris le pouvoir. L’apparition de l’État islamique (Daech) en 2014 a encore renforcé cette emprise à travers les milices du « Hachd al-Chaabi », créées sous la supervision iranienne pour combattre Daech en Irak et en Syrie.

Aux côtés de la Syrie, de l’Irak, du Hezbollah au Liban, du Hamas en Palestine et des Houthis au Yémen, l’Iran a façonné ce qu’on appelle le « front de la résistance », un axe stratégique visant à contenir Israël à travers une politique de défense avancée.

Cependant, la récente guerre israélienne contre Gaza et le Liban, couplée à deux vagues de frappes sur le sol iranien, a changé les règles du jeu. Le Hezbollah et le Hamas ont subi de lourdes pertes, et la chute du régime d’Assad a définitivement retiré la Syrie de l’équation stratégique du « front de la résistance », privant l’Iran de cartes géopolitiques majeures et soulevant la possibilité de nouvelles pressions pour réduire son influence en Irak.

Depuis le début de l’offensive des factions syriennes armées contre Alep le 27 novembre, suivie de la chute d’autres villes syriennes jusqu’aux portes de Damas, une question persiste : pourquoi les forces du « Hachd al-Chaabi » n’ont-elles pas soutenu l’armée syrienne ?

Selon certaines sources, Téhéran aurait demandé au Premier ministre irakien Mohammed Chia al-Soudani d’autoriser le déploiement du « Hachd al-Chaabi » en Syrie, mais ce dernier aurait refusé tout engagement militaire, se limitant à déclarer un état d’alerte à la frontière irako-syrienne par crainte que Daech ne profite du chaos pour lancer des attaques en Irak.

D’autres récits suggèrent que, face au manque de volonté de l’armée syrienne de combattre les factions rebelles, l’Iran aurait choisi de ne pas insister et d’attendre l’évolution de la situation. La visite du ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araqchi à Damas après l’offensive aurait confirmé ce constat : l’armée syrienne ne souhaitait pas s’engager dans une guerre sanglante, laissant Assad à son sort.

Simultanément, Israël aurait multiplié ses mises en garde contre l’entrée éventuelle de forces irakiennes ou iraniennes en Syrie. Les avions israéliens auraient même empêché deux avions civils iraniens d’atterrir à l’aéroport de Damas, suspectant le transport de membres des Gardiens de la révolution ou d’armes iraniennes.

Le basculement du rapport de force en faveur de l’opposition syrienne aurait poussé al-Soudani à s’investir dans les efforts diplomatiques menés avec Ankara, Moscou, Téhéran et les pays du Golfe pour négocier une transition politique en Syrie.

Dans ce contexte, le leader chiite irakien Moqtada al-Sadr aurait lancé un avertissement ferme contre toute implication militaire de l’Irak en Syrie. Opposé à l’influence iranienne, al-Sadr avait refusé de former un gouvernement avec les alliés de Téhéran après les dernières élections législatives, préférant que son bloc démissionne en masse du Parlement.

Avec la perte stratégique de la Syrie et l’affaiblissement du Hezbollah au Liban, l’Iran pourrait être confronté à une pression accrue pour le contraindre à quitter l’Irak, privant ainsi Téhéran de sa profondeur stratégique au Moyen-Orient. Cette perspective pourrait accélérer les négociations sur un nouvel accord nucléaire, potentiellement imposé par l’administration Trump dès le 20 janvier prochain.

Les pertes subies par l’Iran après la guerre israélienne et la chute du régime syrien, allié de Téhéran depuis 1980, ne peuvent être sous-estimées. Désormais, Téhéran fait face à deux choix : soit offrir des concessions et s’adapter à la nouvelle donne régionale en s’ouvrant à l’Occident, soit accélérer ses projets nucléaires pour obtenir un pouvoir dissuasif.

Chacun de ces scénarios comporte des coûts élevés : faire des concessions reviendrait à renoncer à une politique de défense avancée pratiquée depuis 30 ans, tandis qu’une course à l’arme nucléaire entraînerait une isolation internationale accrue, des sanctions supplémentaires et un risque de frappe militaire conjointe israélo-américaine.

Ainsi, l’Irak reste au cœur de l’attention, représentant potentiellement le prochain champ de bataille dans le bras de fer stratégique entre Washington et Téhéran.