Le seul point commun qui demeure entre la Géorgie et la Moldavie est leur passé en tant que républiques soviétiques jusqu'au début des années 1990. Ce passé reste une source de débat et de polarisation, tant à l'intérieur de ces pays qu'à l'international. Dans ces deux républiques, certains conservent un attachement émotionnel à la Russie et soutiennent sa politique, tandis que d'autres souhaitent rompre définitivement avec Moscou pour se tourner résolument vers l'Occident.
Le 26 octobre dernier, la Géorgie a organisé des élections législatives remportées par le parti au pouvoir, Rêve géorgien, favorable à la Russie. L'opposition pro-occidentale a toutefois contesté les résultats, organisant des manifestations et exigeant l'annulation du scrutin par le gouvernement d'Irakli Kobakhidze.
À l'inverse, le 3 novembre, la Moldavie a tenu une élection présidentielle qui a vu la réélection de Maia Sandu, une dirigeante résolument tournée vers l'Occident, ce qui a suscité un soulagement et des éloges en Europe et aux États-Unis. En revanche, le Parti socialiste, dont le candidat pro-russe est Alexandre Stoïanoglo, a remis en cause la « légitimité » de cette victoire.
Pourquoi cette rivalité russo-occidentale est-elle si forte en Géorgie et en Moldavie ?
La guerre russo-ukrainienne, débutée le 24 février 2022, a indéniablement intensifié cette lutte d'influence. Par exemple, la Géorgie avait été invitée à rejoindre l'OTAN lors du sommet de Bucarest de 2008, en même temps que l'Ukraine. Cette même année, un conflit bref a éclaté entre la Russie et la Géorgie lorsque cette dernière a tenté de reprendre par la force la région séparatiste d'Ossétie du Sud. L'armée russe est intervenue, repoussant les troupes géorgiennes, et la région a ensuite déclaré son indépendance de manière unilatérale.
Sous la présidence du pro-occidental Mikheil Saakachvili, les relations entre la Russie et la Géorgie sont restées tendues, jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Giorgi Margvelachvili, affilié au parti Rêve géorgien, en 2013. Ce dernier a amorcé une phase de normalisation avec Moscou. Il a été suivi par Salomé Zourabichvili, également affiliée au parti, qui, après avoir entretenu de bonnes relations initiales avec la Russie, s'est finalement alignée sur le soutien à l'Ukraine après l'invasion russe. Cependant, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, a opté pour une position de neutralité et refusé de se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou.
À la suite des récentes élections législatives, Zourabichvili a accusé le parti au pouvoir de fraude électorale et a soutenu les manifestations de l'opposition. Cette crise politique rappelle la situation au Venezuela, où l'opposition, soutenue par l'Occident, avait refusé de reconnaître les résultats des élections remportées par Nicolás Maduro, avec un soutien marqué des États-Unis et de l'Europe.
Kobakhidze affirme que son gouvernement continue de renforcer ses liens avec l'Union européenne tout en évitant de s'opposer à la Russie, une stratégie mal perçue par les Occidentaux.
En Moldavie, Maia Sandu s'est engagée résolument vers l'Occident en réponse à la guerre russo-ukrainienne. Cependant, les résultats électoraux révèlent une société profondément divisée : Sandu a remporté 55,33 % des voix contre 44,67 % pour Stoïanoglo. Lors d'un référendum organisé le 20 octobre, une faible majorité s'est prononcée en faveur de l'adhésion à l'Union européenne, faisant de cette orientation un objectif constitutionnel.
Avec ses 2,5 millions d'habitants, la Moldavie, l'un des pays les plus pauvres d'Europe, reste marquée par une polarisation entre les expatriés et les habitants de la capitale Chișinău, majoritairement en faveur de l'adhésion à l'UE, et les régions rurales, ainsi que les zones autonomes de Transnistrie et de Gagaouzie, pro-russes.
Tout ne se passe pas comme prévu pour Sandu, qui accuse la Russie de viser la Moldavie comme prochaine cible après l'Ukraine. Cependant, beaucoup de Moldaves estiment que leur niveau de vie n'a pas réellement progressé et que la corruption persiste sous son mandat, sans voir la Russie comme seule responsable de leurs problèmes.
L'année prochaine, Sandu fait face à un défi de taille : la possibilité que les partis pro-occidentaux échouent à former un parlement favorable à l'intégration européenne et à une rupture définitive avec Moscou. La question cruciale demeure : un pays aussi divisé peut-il se permettre de s'engager pleinement dans la confrontation entre la Russie et l'Occident ? L'histoire montre que les petits États sortent souvent affaiblis de telles luttes.