Les dimensions de la nouvelle agression israélienne contre le Liban se précisent de plus en plus, culminant avec l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, dans la nuit du vendredi au samedi 27 et 28 septembre 2024. Israël a déclaré que son objectif ne se limitait pas à repousser le Hezbollah à une distance de dix kilomètres de la frontière libanaise, mais aussi à désarmer entièrement le mouvement. Cela coïncide avec l'annonce du gouvernement libanais de l'application complète de la résolution 1701, incluant le désarmement du Hezbollah et le déploiement de l'armée libanaise dans le sud pour sécuriser les frontières, ce qui revient, en pratique, à priver la résistance islamique de son principal atout dans le conflit avec Israël et à marginaliser le Liban dans le cadre du conflit arabo-israélien. Cela pourrait également fermer la dernière fenêtre de soutien à la résistance palestinienne, stoppant ainsi les mouvements de résistance en Cisjordanie et à Gaza.

Dans ce contexte, des déclarations de responsables américains et français ont appelé à l’élection d’un candidat modéré, et non de confrontation, à la présidence libanaise. Ces propos ont trouvé écho chez le camp libanais opposé au Hezbollah, qui se sent renforcé par l'annonce de l'envoi de troupes supplémentaires par les États-Unis et la Grande-Bretagne à Chypre, « pour surveiller de près l'évolution de la situation et intervenir si nécessaire pour défendre les intérêts occidentaux dans la région ». Tout cela laisse à penser que les États-Unis cherchent à réaliser ce qu'ils n'ont pas pu accomplir dans le passé : placer le Liban entièrement sous leur tutelle.

Ce scénario rappelle non seulement les bouleversements au Liban en 2005 après l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et l'échec de l'agression israélienne en 2006, mais également l'invasion israélienne de 1982. Cette invasion, rappelons-le, a été planifiée par Israël après la signature d’un accord de paix avec l'Égypte en 1979. Son objectif était de mettre fin à la résistance palestinienne en Cisjordanie et à Gaza, de porter un coup dur à la résistance au Liban, et de placer Bachir Gemayel, un allié d’Israël, à la présidence libanaise pour amener le Liban à signer un accord de paix avec Israël.

Ces objectifs ressemblent beaucoup à ceux de l'agression israélienne actuelle contre le Liban. Comme en 1982, les États-Unis ont donné leur feu vert et apporté un soutien politique et militaire, envoyant, avec la France, le Royaume-Uni et l’Italie, des forces multinationales pour soutenir l'armée libanaise sous la présidence d'Amin Gemayel, élu après l'assassinat de son frère Bachir. À cette époque, une grande partie de la classe politique libanaise, toutes confessions confondues, soutenait Bachir, puis Amin, cherchant à préserver ses intérêts en se plaçant sous la tutelle américaine.

L'invasion de 1982 avait également une dimension régionale visant à affaiblir la résistance palestinienne, à réduire l’influence syrienne au Liban, et à ouvrir la voie à une normalisation avec l'Arabie saoudite, dans le cadre d’un projet de domination américano-israélienne au Moyen-Orient. Cela impliquait de redéfinir la géopolitique du Levant en fragmentant le Liban, la Syrie et l'Irak en États confessionnels, un projet évoqué par les néoconservateurs dans un document publié peu avant l’invasion. L’objectif ultime était de transformer le Moyen-Orient en une base pour encercler l'Union soviétique par le sud, tout en soutenant des révolutions colorées contre Moscou en Europe de l’Est.

Aujourd'hui, l’objectif des États-Unis et d'Israël dans cette agression contre le Liban dépasse le simple prétexte de « renvoyer les colons dans leurs colonies en Galilée », comme Israël l'avait utilisé en 1982. Il s'agit également d'étouffer la résistance palestinienne à Gaza et en Cisjordanie en coupant sa dernière porte de sortie via le Liban, tout en favorisant la normalisation avec les États arabes, en particulier avec l'Arabie saoudite. Le but ultime est d’affaiblir le Hezbollah, principal allié de l'Iran, empêchant ainsi Téhéran d’accéder à la Méditerranée orientale et de maintenir ses liens avec la résistance palestinienne ainsi qu'avec les Houthis au Yémen. Ce plan vise également à limiter l'influence iranienne à une partie de l'Irak et à fragmenter le Liban, la Syrie et l'Irak en entités confessionnelles, transformant le Moyen-Orient en une base pour encercler la Russie, alors que les États-Unis mènent une guerre par procuration contre Moscou en Ukraine.

En 1982, les États-Unis ont échoué à atteindre leurs objectifs, grâce au soutien syrien aux factions opposées au président Amin Gemayel, ce qui a perturbé les plans américains dans la région. Ce soutien était possible grâce à l'appui du leader soviétique Iouri Andropov au président syrien Hafez al-Assad, ainsi qu'à la résistance libanaise, qui allait plus tard se cristalliser autour du Hezbollah, et aux factions islamistes qui ont frappé l'occupation israélienne.

Aujourd'hui, la Russie interviendra-t-elle pour soutenir l'Iran, qui a remplacé la Syrie au Liban après 2005, et pour contrecarrer le projet israélo-américain au Liban ? Le Hezbollah parviendra-t-il à résister aux forces d'occupation israéliennes ?