Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a décidé d'avancer la date des élections présidentielles au 7 septembre prochain, soit trois mois avant la date initialement prévue, et a annoncé sa candidature pour un "deuxième mandat". Tous les indicateurs montrent qu'il remportera ces élections sans grande difficulté, tant qu'il bénéficie du soutien de l'institution militaire, qui reste le véritable pouvoir en Algérie depuis l'indépendance.

Tebboune n'avait pas besoin de justifier l'avancement des élections, se passant même d'excuses comme des "raisons purement techniques". Quant à sa candidature pour un second mandat, elle prouve que le "système" en Algérie n'a guère été affecté par les revendications du Hirak populaire, qui appelait à des réformes radicales conduisant à une vie politique saine basée sur l'alternance du pouvoir.

Tebboune ne fait face à aucun concurrent sérieux, la Cour constitutionnelle ayant rejeté 31 candidatures, dont celle de la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, et n'ayant retenu que deux candidats : Youssef Aouchiche, candidat du Front des forces socialistes, issu de la région kabyle, et Abdelali Hassani, le candidat islamiste du Mouvement de la société pour la paix.

Le poste de président en Algérie reste inchangé, sauf dans sa forme. Tebboune représente la continuité du règne de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, qui s'apprêtait à briguer un cinquième mandat en 2019, si le Hirak populaire, mené par la jeunesse, ne s'était pas soulevé contre lui, le forçant finalement à renoncer à sa candidature, avant que l'armée ne soutienne Tebboune, ancien Premier ministre sous Bouteflika, comme candidat de remplacement.

Le Hirak d'aujourd'hui n'est plus celui de 2019, quand les manifestations hebdomadaires massives et pacifiques dans les rues d'Alger ont contraint Bouteflika à se retirer. Tebboune a cherché à réprimer le Hirak en arrêtant ses principaux leaders, profitant des mesures de confinement liées à la pandémie en 2019 et 2020.

Mais Tebboune n'a pas seulement compté sur la répression ; il a également lancé une campagne anti-corruption en parallèle, visant des dizaines de responsables, dont les anciens Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, ainsi que plusieurs ministres et hommes d'affaires, condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison pour corruption.

Bien que certains leaders du Hirak aient été libérés, les autorités continuent de faire preuve d'une intolérance totale envers la liberté d'expression, en particulier pour les journalistes et les médias non alignés.

Bouteflika justifiait toujours son refus de faire des concessions substantielles en matière de réformes politiques par la menace de la "décennie noire". Mais le Hirak pacifique, sous Bouteflika comme sous Tebboune, a prouvé que les Algériens sont désormais conscients des dangers d'une nouvelle guerre civile.

Il est certain que les élites politiques et militaires en Algérie préfèrent maintenir Tebboune au pouvoir pour un second mandat, tandis que le Hirak, qui conserve des racines profondes, se retrouvera face à une nouvelle déception.

C'est pourquoi la participation aux élections sera cruciale. On se souvient que Tebboune avait été élu en 2019 en dépit du boycott du Hirak, ce qui s'était traduit par un taux de participation historiquement bas. Aujourd'hui, il est probable que le même scénario se reproduise. Les partisans des réformes voient dans la candidature de Tebboune une tentative du "système" de préserver ses privilèges.

Si l'Algérie, avec ses 45 millions d'habitants et ses vastes réserves de gaz, n'a pas connu de réformes politiques significatives à l'intérieur, Tebboune a poursuivi une politique étrangère vacillante vis-à-vis de la France, l'ancienne puissance coloniale, où le principal critère reste l'attitude de Paris envers le Maroc. Le dernier épisode en date étant le rappel de l'ambassadeur algérien à Paris, en protestation contre la reconnaissance par Emmanuel Macron, le mois dernier, du plan marocain d'autonomie pour le Sahara occidental. Le débat sur la "mémoire" entre l'Algérie et la France n'a jamais cessé ces dernières années.

Tebboune a maintenu des relations étroites avec la Russie, la Chine et la Turquie. L'Algérie, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, a proposé plusieurs résolutions visant à mettre fin à la guerre israélienne contre Gaza, mais elles se sont heurtées au veto américain.

En dehors des relations tendues avec le Maroc, l'Algérie a cherché sous Tebboune à établir des relations équilibrées avec ses autres voisins, se présentant comme médiateur dans les conflits africains, notamment au Soudan et en Libye, tout en restant en contact avec les pays du Sahel, en proie à des rébellions locales et djihadistes. L'accent est mis avant tout sur la protection des frontières contre l'infiltration des organisations extrémistes.

Tebboune a profité de la guerre russo-ukrainienne pour améliorer les revenus de l'Algérie issus du gaz naturel, dans le contexte de l'embargo imposé par l'Union européenne sur le gaz russe. Ainsi, de nombreux pays européens se sont tournés vers l'Algérie, et la visite de Tebboune en Italie en marge des réunions du G7 en juin en est un signe révélateur.