Le vendredi 5 juillet 2024, le second tour de l'élection présidentielle iranienne a eu lieu, moins de cinquante jours après le décès du président iranien Ibrahim Raïssi dans un crash d'hélicoptère près de la frontière avec l'Azerbaïdjan, avec son ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian et une délégation accompagnante. À l'issue de ce scrutin, le candidat du courant réformiste, Massoud Pezeshkian, a remporté 53,3 % des voix, contre 44,3 % pour son rival conservateur Saïd Jalili.

Suite à cette élection, de nombreuses spéculations ont émergé quant à la direction que prendra l'Iran tant sur le plan interne qu'externe sous la présidence de Pezeshkian. Cardiologue de 71 ans, Pezeshkian s'est fait connaître par ses critiques envers la police des mœurs, chargée de faire respecter les normes islamiques de comportement et de tenue en public, particulièrement controversée chez les jeunes Iraniens des villes qui la perçoivent comme une atteinte à leurs libertés. Son opposition à cette institution a donc séduit cette jeunesse, visible dans les vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrant des jeunes dansant, brandissant des drapeaux verts et organisant des cortèges automobiles festifs. Ce phénomène indique que le nouveau président pourrait adopter une politique de libéralisation sociale, offrant aux jeunes Iraniens et aux cercles libéraux plus de liberté d'expression et de aspirations émancipatrices.

En tant que médecin issu de la classe moyenne iranienne, Pezeshkian pourrait orienter sa présidence vers le renforcement de cette classe sociale. De plus, son appartenance au courant réformiste, généralement représentatif des intérêts de la bourgeoisie iranienne et de la classe capitaliste, laisse présager un soutien accru au secteur privé et aux affaires au détriment du secteur public ou soutenu par l'État.

Les observateurs estiment que Pezeshkian pourrait restructurer les protestations sociales, autrefois expression d'un rejet des normes conservatrices, en mouvements encadrés par les structures de la République islamique, plutôt que de s'exprimer dans la rue. Son élection pourrait aussi encourager des partenariats entre secteur public et privé sous un cadre étatique dirigiste mais avec une place importante pour le secteur privé.

Sur le plan de la politique étrangère, Pezeshkian a souvent critiqué les conservateurs pour l'isolement qu'ils auraient imposé à l'Iran. Il a notamment reproché leur manque d'engagement envers les relations avec l'Occident. Le nouveau président a plaidé à plusieurs reprises pour des "négociations constructives" avec les puissances occidentales pour renouveler l'accord nucléaire de 2015, qui avait permis de limiter le programme nucléaire iranien en échange d'un allègement des sanctions, avant que les États-Unis ne se retirent en 2018 sous la présidence de Donald Trump. Cela le place en opposition directe avec son rival Jalili, qui préfère ne pas coopérer avec l'Occident et s'oppose au renouvellement de l'accord, qu'il considère comme une menace pour la sécurité nationale iranienne. Cependant, Pezeshkian ne devrait pas chercher à ouvrir davantage l'Iran à l'Occident au détriment de ses relations avec les nations eurasiennes, considérées comme stratégiques. Sous la présidence de Raïssi, l'Iran a signé un partenariat stratégique de 450 milliards de dollars avec la Chine sur 25 ans et est devenu membre à part entière de l'Organisation de coopération de Shanghai et des BRICS, plateformes de relations internationales en opposition au système dominé par l'Occident.

Bien que Pezeshkian appartienne au courant réformiste, généralement réticent vis-à-vis des alliances iraniennes avec certains groupes arabes et mouvements de résistance, il est peu probable que l'Iran réduise son soutien à ces factions. Les questions stratégiques de sécurité nationale restent sous la direction du Guide suprême Ali Khamenei, qui détient l'autorité suprême et commande les forces armées. Des frictions entre Khamenei et Pezeshkian sont possibles, mais elles ne devraient pas compromettre les orientations stratégiques de l'État. Le Guide suprême a déjà collaboré avec des présidents réformistes comme Mohammad Khatami (1997-2005) et Hassan Rouhani (2013-2021), ce dernier ayant supervisé une augmentation significative du soutien matériel et militaire aux factions alliées de l'Iran.

Enfin, la candidature de Pezeshkian a permis de faire remonter le taux de participation au second tour des élections présidentielles à 50 %, contre environ 40 % au premier tour, le plus bas depuis la révolution islamique de 1979. Ce regain de participation vise à légitimer le régime face aux critiques occidentales.