Ilios a bâti un réseau mondial de protection rapprochée dans 68 pays. Le groupe a traité 10.000 dossiers l'an passé. Lors du coup d’État au Niger, en juillet 2023, comment êtes-vous intervenus ? Plus globalement, les entreprises étrangères en Afrique sont souvent en première ligne…

ILIOS est un prestataire international spécialisé dans la gestion des risques en matière de sécurité et de santé. Au cours des deux dernières années, notre réseau s'est considérablement étendu, nous permettant d'accompagner dorénavant nos clients dans plus de 120 pays. Notre succès repose sur trois piliers : notre vaste réseau, notre technologie permettant une transmission multi-canal d'informations à travers le monde, et nos centres des opérations 24/7capables de gérer des milliers d'appels d'urgence de collaborateurs en déplacement à l'étranger.

Une composante essentielle de notre offre de services est la gestion de crise. Parmi les situations que nous avons dû gérer figure celle du Niger, marquée par un changement brutal de pouvoir et ses répercussions sur les intérêts français et occidentaux. Pour les partenaires de sécurité que nous sommes, répondre efficacement aux besoins des entreprises exige d’être bien préparés en amont et d’avoir un réseau local bien établi.

Dans ce type de situations, notre intervention se fait à trois niveaux : recensement, mise en protection temporaire, et relocalisation ou évacuation des personnes. Le recensement est toujours effectué par nos opérateurs aux Centres des Opérations. Une fois validé, le dispositif bascule vers une cellule de crise dédiée avec une équipe et des ressources spécifiques. Chaque action est codifiée. Chacun connaît son rôle et sa mission. Le pays en crise est quadrillé avec plusieurs points de regroupement, de mise à l'abri et de repli, avec les moyens logistiques pour y accéder en toute sécurité. À chaque étape, notre département Veille et Analyse alimente la cellule de crise avec les informations les plus actualisées possibles. Nos clients font partie intégrante du processus décisionnel : nous consultons les interlocuteurs qu’ils ont désignés à chaque prise de décision, nous dressons la situation et proposons toujours plusieurs options et solutions.

Il est crucial de comprendre que nos clients emploient souvent des personnes de nationalités diverses. Beaucoup d'entreprises, surtout françaises, croient encore que l'État peut évacuer tout le monde. C’est faux. Les ressources de l'État sont limitées. Il priorisera les citoyens français et, en second lieu, les ressortissants de l'espace Schengen. Ainsi, dans le cas du Niger, nous avons dû gérer plusieurs scénarios d'évacuation. Les Français ont été évacués via la logistique militaire du ministère des Armées, tandis que les autres ont été pris en charge par nos propres services, avec des relais locaux, principalement via le Bénin.

L'année 2023 a été particulièrement instable. Nos équipes ont très souvent été sollicitées : Mexique, Pérou, Sénégal, Maroc, Libye, Niger, Mali, Burkina Faso, RDC, Proche-Orient, Inde...

Les théâtres de tension et d’insécurité se multiplient dans le monde. Les entreprises et les ONG ont besoin de davantage de protection pour leurs collaborateurs. Quel spectre couvrent vos contrats ?

Notre rôle a considérablement évolué, tant en termes de variété de nos prestations que de l'étendue géographique de nos opérations. Notre objectif est d'offrir aux entreprises une réponse appropriée à chaque étape de ce que nous appelons la « chaîne sécuritaire ».

Premièrement, organiser. Nous aidons les entreprises à s’organiser afin qu’elles puissent être en capacité permanente de s’informer, de prévenir les risques et réagir en cas de situation de crise. C’est la définition d’une « Politique de Sécurité », c’est-à-dire les indicateurs, les outils, les personnes et protocoles qui devront être suivis par leur siège et leurs filiales si besoin est.

La deuxième étape consiste à mettre à leur disposition tout une palette de supports préventifs. Cela va des documents que nous leur transmettons et qui sont régulièrement actualisés (fiches pays avec niveaux de risques, fiches de sûreté, notes de synthèse, alertes), aux formations-conseils que nous délivrons auprès de leurs équipes, jusqu’à la mise en place d’une application web et smartphone pour le suivi du déplacement de leurs collaborateurs à l'échelle mondiale (suivi des billets d'avion, géolocalisation, alertes pour les collaborateurs entrant dans les zones dangereuses, etc.).

Le troisième volet de notre offre concerne l’intervention. Elle se situe à deux niveaux : l'assistance primaire (intervention locale rapide en cas d'accident, d'arrestation, de manifestations et mouvements de foule, de perte d'orientation,…) et la gestion de situations de crise (insurrection, coup d'État, catastrophe naturelle…).

Enfin, en réponse aux demandes des clients qui exigent une gestion des risques globale, nous nous sommes dotés d’une structure médicale.

Les conflits à Gaza, en Ukraine sont-ils dans votre champ d’actions ? Plus globalement, les théâtres de guerre rentrent-ils dans votre périmètre ?

Tout à fait. Et ceci, de différentes manières. Les entreprises nous sollicitent pour obtenir des clés de compréhension des conflits, leur mise en perspective, les scénarios possibles à court et long terme ainsi que les conséquences régionales et internationales éventuelles.

Ensuite, la logistique. Nous accompagnons nos clients sur le terrain pour sécuriser la continuité des projets en cours ou pour assurer la sécurité de nouveaux projets. Cette année, nous avons sécurisé des missions dans le sud du Liban et en Cisjordanie, notamment au sud de Jérusalem. Concernant l'Ukraine, certains clients souhaitent maintenir leurs contacts sur place, ce qui nécessite d'organiser des missions de protection pour les déplacements à Lviv ou Kiev, mais pas au-delà.

Quel regard portez-vous sur la sécurisation des Jeux Olympiques à Paris ? Votre expertise a-t-elle été sollicitée ?

Nous n’avons pas été sollicités et nous n’avons pas cherché à l’être car nous ne sommes pas des spécialistes de la sécurité de grands événements. En revanche, nous sommes sollicités par nos clients européens qui s’inquiètent du risque sécuritaire, notamment terroriste, pendant les Jeux, et plus globalement de la violence quotidienne que rencontre notre pays depuis quelques années dans différents domaines.

Des entreprises ou des particuliers étrangers vous ont-ils sollicité pour assurer leur protection pendant leur séjour pendant les JO de Paris ?

Non. Leurs déplacements sont suivis par nos experts grâce à notre outil et nos centres des opérations. Comme partout dans le monde, les voyageurs de nos clients reçoivent des informations en temps réel, des alertes, et des positionnements des zones à risques. Ils peuvent joindre nos équipes 24/7 en cas d'urgence, et nous disposons de solutions pour les accompagner.

 L’image de la France pâlit à l’étranger en matière de sécurité. Est-ce votre sentiment ?

Notre rôle consiste à analyser les conséquences possibles de certaines positions ou décisions au regard des implantations des collaborateurs de nos clients à l’étranger, et de prendre des mesures adaptées si besoin. Notre rôle n'est pas d'exprimer notre avis sur la place de la France dans le monde. Même si nous avons le sentiment que la diplomatie française fait face à une compétition internationale accrue, avec des chancelleries de certains pays mieux organisées et plus offensives. Par ailleurs, l'État dispose de moins de ressources. Cependant, les Ambassades restent souvent dotées de personnels de qualité. L’inquiétude vient surtout du manque de moyens qui ne permet pas toujours de répondre rapidement aux situations de crise qui elles, pour le coup, sont de plus en plus violentes et soudaines. Néanmoins, les services diplomatiques français restent très disponibles et réactifs, notamment grâce au centre de crise du Quai d’Orsay, avec lequel nous avons eu l'occasion de collaborer.

Y a-t-il des pays où vous refusez de signer des contrats de protection ?

Il est évident que nous ne pouvons pas garantir la sécurité des entreprises dans des zones comme le Donbass. Mais finalement, il existe très peu d'endroits où nos clients ne peuvent pas se rendre. L’indication prioritaire que nous suivons est l'analyse locale du risque à un instant T. Si nous jugeons qu'un déplacement est possible dans une zone, nous proposons des moyens adaptés à la situation. Si le risque est trop élevé, nous déconseillons le déplacement. En tant que conseillers, nous apportons notre expertise, nos analyses et recommandations, mais la décision finale appartient à l’entreprise.