La Chine et l'Inde partagent de nombreuses motivations et intérêts pour la coopération, avec à la fois des succès et des échecs dans leur histoire commune. 

Le sommet du G20 qui s'est tenu à New Delhi a agi comme un catalyseur, faisant fondre la mince couche de glace qui s'était récemment formée lors du sommet du groupe BRICS à Johannesburg, dissipant ainsi les rivalités et les tensions persistantes entre l'Inde et la Chine. La « glace africaine » s'est rapidement évaporée, laissant place au « marécage asiatique » avec toutes ses complexités. L'absence du président chinois Jiang Zemin au sommet de New Delhi a souligné de manière criante les tensions entre ces nations voisines, ainsi que la capacité de Pékin, soutenu par Moscou, à perturber cette réunion mondiale majeure. En réponse, les États-Unis ont rapidement dévoilé des plans pour un corridor économique vers l'Europe, passant par le Moyen-Orient, en signe clair du rôle pivot de New Delhi dans la lutte contre l'initiative « la Ceinture et la Route » de la Chine.

La Chine et l'Inde partagent de nombreuses motivations et intérêts pour la coopération, avec à la fois des succès et des échecs dans leur histoire commune. Leurs différends frontaliers non résolus perdurent, et malgré les engagements de ne pas utiliser d'armes à feu en vertu d'accords anciens, chaque escarmouche les rapproche davantage de l'ouverture d'un conflit ouvert. De plus, les bouleversements majeurs dans les relations internationales et régionales les poussent à former des alliances et des partenariats parfois contradictoires en raison de la concurrence occidentale avec la Chine. Alors que la Chine ne craint peut-être pas les ambitions de son voisin, elle nourrit des préoccupations concernant l'alignement de l'Inde avec des rivaux traditionnels tels que les États-Unis, le Japon et l'Australie. La relation étroite entre la Chine et le Pakistan, parfois proche de l'alliance, suscite de vives inquiétudes à New Delhi, avec des accusations selon lesquelles Pékin aiderait Islamabad à acquérir des technologies nucléaires et des missiles. La question du Cachemire reste un point de discorde majeur. En ce qui concerne l'initiative « la Ceinture et la Route » de la Chine, la plupart de ses projets majeurs sont destinés à se dérouler depuis le Pakistan, où la Chine a investi environ 60 milliards de dollars dans des projets d'infrastructure dans le cadre de ce qui est connu sous le nom de corridor économique sino-pakistanais. De plus, Pékin continue de considérer l'Inde comme faisant partie de la stratégie américaine visant à contenir l'influence chinoise dans la région indopacifique, expliquant ainsi son opposition à tout rôle de l'Inde dans ce domaine.

En effet, la Chine demeure mal à l'aise avec l'annonce de Joe Biden à New Delhi concernant le nouveau projet de corridor économique, reliant les ports indiens aux villes européennes via les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, la Jordanie et Israël. Cette initiative complète comprend des chemins de fer, des connexions portuaires, des pipelines pour l'électricité et l'hydrogène, ainsi que des câbles de données. Beaucoup y voient la réponse de l'Inde à l'initiative chinoise, et Washington et New Delhi sont convaincus que des motifs chinois cachés, à la fois commerciaux et militaires, sous-tendent l'initiative « la Ceinture et la Route ». L'Inde, tout comme la Chine, est une puissance ascendante cherchant à s'étendre et à accéder à davantage de ressources et de marchés, et les deux initiatives brouillent les frontières entre économie et politique.

Les projets chinois et le plan indo-occidental ne se contentent pas d'alimenter une rivalité économique entre eux et avec les grandes puissances, ils placent également le Moyen-Orient au cœur d'une compétition mondiale. Cette région devient le point névralgique de ces deux initiatives majeures.

La question qui se pose est de savoir si les nations de la région pourront récolter des bénéfices économiques de cette compétition, grâce à d'importants projets d'infrastructures capables de créer des emplois locaux. Cependant, il est important de noter que ces projets économiques sont souvent imbriqués dans des enjeux politiques, ce qui peut les transformer en pions dans les jeux des grandes puissances, transformant les ressources locales en butins potentiels. Par le passé, de tels projets, en plus de la compétition économique entre les grandes puissances, ont entraîné la région dans des conflits et des guerres qui demeurent non résolus.

Il est particulièrement notable que la Chine et l'Inde considèrent l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis comme des piliers fondamentaux de leurs projets respectifs. Cependant, le projet indo-américain contourne délibérément l'Iran, la Syrie et le Liban, faisant du port de Haïfa en Israël un point de convergence stratégique majeur. Benjamin Netanyahu l'a qualifié de « changement de la donne » régionale ! Cela soulève des questions sur l'objectif de séduction envers le Royaume et les Émirats pour les éloigner de leurs solides liens avec la Chine et la Russie, et ouvrir la voie à de nouvelles alliances qui pourraient réellement redéfinir la région. La réaction de la Chine est également cruciale, car elle a récemment montré sa capacité à exercer son influence politique au-delà de ses frontières en parrainant l'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

Jusqu'à présent, la « Vision 2030 » de l'Arabie saoudite s'aligne avec ces deux projets et lui offre la possibilité de tirer d'importants avantages, tout en maintenant un degré significatif d'indépendance décisionnelle. Cependant, que se passera-t-il si ces deux initiatives entrent en collision ? Comment l'Arabie saoudite pourra-t-elle concilier la coordination de sa production pétrolière avec la Russie, tout en étant le principal fournisseur d'énergie pour ces deux géants asiatiques concurrents, tout en continuant de servir de partenaire en matière de sécurité pour les États-Unis ? Et surtout, comment pourra-t-elle faciliter la coopération entre l'Inde et Israël sans officialiser leur normalisation ?