Marc Touati (*) est Économiste , Conseiller Économique eToro et Président du cabinet ACDEFI.
La mise en garde solennelle de Pierre Moscovici, Emmanuel Macron qui estime que les 3% du ratio déficit /PIB sont « caduques »…Que cela augure t-il ?
Encore une double catastrophe !
Tout d’abord en ce qui concerne la triste déclaration de M. Macron : Ce n’est pas en changeant de thermomètre que la température va baisser !
Cela montre que la France n’a pas l’intention de respecter ses engagements en termes de déficit public.
Il faut d’ailleurs savoir que la France est la championne d’Europe du non-respect de cette règle : de 1999 à 2024, le ratio déficit public / pib a été supérieur à 3 % pendant 20 ans ! Cela pose donc clairement la question de l’appartenance de la France à la Zone Euro. Aussi étonnant que cela puisse paraître, M. Macron semble donc devenir un partisan du Frexit ! Un cas de figure qui devient d’ailleurs de plus en plus probable au regard du dernier rapport de la Cour des Comptes qui ne fait que valider ce que j’avance depuis plusieurs années et notamment depuis 2021 : la France est devenue le cancre de l’Europe en matière de comptes publics et risque par la même de susciter une nouvelle crise existentielle et peut-être même fatale de la Zone Euro
Achat de voiture, de logement, de billets d’avion… Malgré les promesses gouvernementales, le budget 2025 fait passer les ménages à la caisse !
Il s’agit d’un véritable scandale ! Alors que la France est déjà numéro mondial du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB, les dirigeants du pays continuent d’alourdir la facture. Et, contrairement à ce que certains veulent laisser croire, ce ne sont pas seulement les riches qui paieront, mais tous les Français et notamment la classe moyenne qui est d’ailleurs depuis cinquante ans, la grande perdante des décisions politiques nationales.
Un impôt minimum de 20 % pour les ménages ayant un revenu annuel supérieur à 250.000 euros. Le plus fort impact à moyen terme est-il fiscal ou psychologique ?
Il est clair qu’une telle décision ne rapportera que très peu de rentrées fiscales supplémentaires. Non seulement parce que la croissance va s’effondrer, réduisant de facto l’assiette fiscale y compris pour les plus aisés. Mais surtout parce que cette décision va susciter un nouvel exode fiscal, notamment pour les plus jeunes qui préféreront certainement s’expatrier plutôt que de vivre dans un « enfer fiscal ».
La lâcheté de l’Etat qui ponctionne les collectivités locales et qui leur offre la possibilité de relever le plafond des droits de mutations à titre onéreux (DMTO) , les fameux «frais de notaire» !
Encore une décision politique qui va casser le secteur du bâtiment français qui connaît déjà sa plus grave crise depuis les années 1990. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les comptes nationaux de l’INSEE, l’investissement logement des ménages à prix constants a enregistré 14 trimestres consécutifs de baisse. Du jamais depuis la seconde guerre mondiale.
En outre, n’oublions pas que depuis 20 ans, 91 % du déficit public provient de l’Etat. Vouloir faire « porter le chapeau » aux collectivités locales, qui ont d’ailleurs l’obligation de voter des budgets en équilibre, est donc particulièrement inconvenant.
La loi de Finances prévoit aussi d’abaisser le seuil d’exemption de TVA pour les auto-entrepreneurs, avec un nouveau seuil unique établi à 25.000 euros de chiffre d’affaires annuel. Résultat, 250.000 auto-entrepreneurs supplémentaires risquent de payer ! In extremis, la mesure a été suspendue…mais pas encore retirée ! On connaîtra la décision début mars !
L’aller-retour du gouvernement en la matière montre l’ampleur de l’amateurisme de ce dernier. Monsieur Bayrou a même annoncé qu’il n’était pas au courant de cette mesure qui, si elle avait été mise en place, aurait évidemment été une catastrophe pour les auto-entrepreneurs.
Ce décalage avec la réalité économique française fait écho aux déclarations du ministre de l’économie Eric Lombard qui n’a pas hésité à annoncer que les entreprises françaises devaient réduire leur rentabilité ! Mais , vous imaginez ! Alors que les faillites d’entreprises atteignent de nouveaux sommets historiques, cette sortie confirme l’ampleur des dégâts et risque également de nuire à l’investissement des entreprises, qui recule d’ailleurs depuis cinq trimestres, un record depuis la récession de 2008-2009.
L’emploi va reculer. Il est particulièrement marqué chez les jeunes de moins de 18 jusqu’à 25 ans …
Vous avez raison de la souligner. Or, si l’investissement baisse, l’emploi recul et le taux de chômage augmente. A ce sujet, il faut d’ailleurs souligner qu’en décembre, le taux de chômage de catégorie A a atteint 7,8 %, contre 7,1 % un an plus tôt et 6,3 % dans la Zone Euro. Encore plus grave, le taux de chômage donc des moins de 25 ans frôle les 21 %, contre 14,8 % dans l’ensemble de l’Union Economique et Monétaire. La France est à la traîne aussi sur cet indicateur.
Début de réformes de la dépense publique ? La plupart des ministères verront en 2025 leur budget baisser . Cela va-t-il dans le bon sens ? Ou alors, s’agit-il encore et toujours de baisses en trompe-l'œil ?
Encore un incroyable mensonge d’Etat véhiculé par quasiment tous les médias français, à l’exception de ceux où je suis intervenu dernièrement et de ma chaîne YouTube. Il faut être clair : selon les propres chiffres du Haut Conseil des Finances Publiques, la dépense publique va encore augmenter de 41 milliards d’euros en 2025. Nous serons donc très loin de la cure d’austérité annoncée ici ou là !
Le drame est que du premier trimestre 2021 au troisième trimestre 2024 (derniers chiffres publiés), les dépenses publiques ont déjà augmenté de 16,2 %, avoisinant les 1 700 milliards d’euros. Sur la même période, les seules dépenses publiques de fonctionnement ont flambé de 20,6 %, atteignant près de 540 milliards d’euros. Et, ensuite, on veut nous faire croire que la France est un pays ultralibéral…
Quel impact économique de ce budget sur le niveau de la croissance française ?
Compte tenu de l’augmentation des impôts et taxes, ce budget aura notamment pour conséquence de casser encore un peu plus la croissance française, qui est déjà particulièrement moribonde. Selon mes prévisions, elle atteindra 0,5 % en moyenne sur l’année 2025, ce qui se traduira par un taux de chômage d’au moins 9 % d’ici l’automne, un déficit public supérieur à 6 % du PIB et une dette publique proche des 120 % du PIB. La France restera donc le cancre de la Zone Euro en matière de croissance, mais aussi de finances publiques et de chômage. Quelle tristesse !
Propos recueillis par ERE
(*) Vous pouvez également retrouver ses chroniques vidéos sur sa chaîne YouTube, https://www.youtube.com/channel/UCX0IqCxHb4xhdE9QPixAl