Quel est le système dans lequel nous vivons depuis la chute du mur de Berlin ? Unipolaire ? Multipolaire ? Le Professeur Bertrand Badie, politologue et spécialiste en relations internationales, souligne dans son ouvrage, La Diplomatie de connivence, que ni l'un ni l'autre. Faute de parvenir à une définition unanime, il précise que les intervenants et les observateurs emploient le terme « post-bipolaire » pour marquer la fin de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS.
Dans son ouvrage, Badie critique certaines pratiques diplomatiques modernes, qu'il considère comme marquées par une sorte de complicité entre les acteurs internationaux, particulièrement entre les grandes puissances et certains régimes autoritaires ou des acteurs peu démocratiques. En effet, cette diplomatie s’appuie sur des relations pragmatiques, souvent tacites, qui ne sont pas nécessairement basées sur des principes moraux et des valeurs universelles, mais sur des enjeux géopolitiques, économiques et sécuritaires.
Une diplomatie des intérêts
Badie montre que de nombreux États, en particulier les grandes puissances, vont parfois fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme ou les dérives autoritaires d'un gouvernement étranger si cela sert leurs intérêts stratégiques, économiques ou militaires. Cela se traduit par une forme de coopération, même avec des régimes qu’on pourrait considérer comme répressifs, en échange de profits mutuels.
Des alliances tacites et des accords secrets
La diplomatie de connivence implique souvent des accords de nature informelle, non publicisés, où les grandes puissances et les régimes autoritaires s’entendent sur des sujets délicats sans que cela soit formellement mis en évidence. Ces alliances peuvent concerner des aspects comme le contrôle des ressources naturelles, des échanges commerciaux, ou encore des enjeux de sécurité.
La problématique des valeurs et de la morale en diplomatie
Un des critiques majeures de Badie est que cette diplomatie de connivence ignore ou dévalorise les valeurs démocratiques et universelles. En privilégiant des intérêts pragmatiques au détriment de principes éthiques, certains États se trouvent dans des situations où ils soutiennent des régimes répressifs ou corrompus.
Les impacts sur l’ordre mondial et les relations internationales
Selon Badie, cette diplomatie engendre une instabilité en affaiblissant les mécanismes de régulation internationale. En mettant de côté la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et des principes internationaux, elle peut encourager des dérives autoritaires et alimenter des conflits dans certaines régions du monde.
En effet, la diplomatie de connivence a des conséquences sur l’image des acteurs internationaux. Elle montre que les États peuvent parfois privilégier des gains à court terme (alliances…) au détriment d’une vision à long terme plus éthique et plus juste.
D’ailleurs, certains critiques pointent que cette approche pourrait sous-estimer l’importance de certaines formes de coopération entre États, même dans des régimes non démocratiques, dans des situations où les solutions diplomatiques ou humanitaires sont nécessaires pour éviter des catastrophes plus graves.
En somme, la diplomatie de connivence selon Badie est une critique du pragmatisme international moderne, mettant en évidence les compromis faits par les grandes puissances pour maintenir leurs intérêts, au détriment parfois des idéaux et des principes démocratiques.
La diplomatie de connivence de Bertrand Badie est un ouvrage académique qui a été écrit en français. Il a été publié par les éditions La Découverte en 2013, bien qu'il ait connu plusieurs rééditions par la suite.
*La diplomatie de connivence, concept développé par Bertrand Badie, est une forme de diplomatie informelle et discrète où des acteurs internationaux (États, organisations ou entreprises) s'engagent dans des relations implicites et secrètes pour atteindre des objectifs communs, en dehors des canaux diplomatiques traditionnels et officiels.