Bercy affirme qu’il faudra au moins 20 milliards d’économies supplémentaires en 2025 après avoir suggéré que 12 milliards suffiraient. La Cour des comptes estime qu'il va falloir économiser 50 milliards d'euros d'ici 2027…Y-a-t-il un début de panique devant la situation de nos finances publiques ?
Les dépenses publiques de la France ont atteint un niveau non seulement préoccupant pour les équilibres financiers mais aussi pour l’avenir du pays. En effet, elles ont atteint 56,5% du PIB en 2023 contre 48,5% du PIB dans les 19 autres pays de la zone euro, soit 8 points de PIB de plus que la moyenne des pays avec lesquels nous partageons la même monnaie, mais pour aucun bénéfice pour notre nation.
Si nous avions une dépense publique supérieure de 8 points de PIB à la dépense des autres pays mais, en contrepartie, la meilleure éducation du monde, le niveau de sécurité publique le plus élevé au monde, la croissance économique et le niveau d’innovation les plus élevés au monde, nous aurions alors une action publique efficace et enviable.
Mais avoir simultanément la dépense publique la plus élevée des pays développés, une croissance économique faible avec une baisse de la productivité du travail, une éducation à la dérive, une insécurité qui atteint un tel niveau que, pour la première fois depuis que les statistiques sur l’attractivité des pays existent, elle a impacté négativement cette attractivité en 2023, nous place dans une situation gravissime. L’action publique en France est inefficace, chère, bloquante pour la prise d’initiative et surtout viciée par une idéologie de décroissance suicidaire.
Ceci n’est pas la conséquence de la seule politique Hollande – Macron depuis 2012 car cette dérive est systémique depuis 1981 lorsque le gouvernement d’alors a augmenté la dépense de l’Etat de plus de 15% en une seule fois en prétendant que cette hausse allait permettre de rénover le pays. En réalité, elle a principalement créé un tsunami de gabegie, à tous les niveaux de l’action publique, accéléré par une décentralisation ratée par les lois Defferre en 1982 qui ont enclenché une explosion de dépense locale déresponsabilisée. Ce qui fonctionnait encore en 1997-1998 a été cassé par les lois Aubry sur les 35 heures qui ont dévitalisé la fonction publique et notamment le système hospitalier tout en favorisant un absentéisme calamiteux.
L’effondrement des performances du système éducatif, depuis la loi Jospin de 1989 et celles qui ont suivi au prétexte de mettre l’enfant et son plaisir au cœur du système éducatif plutôt que la recherche de l’excellence et l’acquisition des savoirs, a brisé les chances de promotion intellectuelle et sociale d’au moins un tiers de la jeunesse depuis trois décennies.
La panique que vous évoquez sur les finances publiques est en réalité une panique sociétale systémique sur l’inefficacité d’une action publique qui plombe les performances de la nation au point d’en menacer l’indépendance économique et politique.
Les rentrées fiscales ont été moindres que prévu en 2023. Comment expliquer ce fait alors que l’inflation aurait dû générer des recettes supplémentaires ?
Nous subissons les effets de la décélération de la consommation des ménages qui, inquiets pour l’avenir, ont fortement augmenté leur effort d’épargne ce qui prive l’Etat de recettes de TVA. La guerre en Ukraine ne permet pas aux Européens de se projeter à long terme alors même que l’accentuation du conflit sino-américain pour la domination mondiale du numérique, des biotechnologies et de l’espace devrait nous obliger à investir massivement dans ces domaines. La faiblesse de la conjoncture allemande ralentit l’activité dans l’ensemble de la zone euro. Et surtout, la Banque centrale européenne (BCE) qui a raté plusieurs virages de conjoncture depuis les crises de 2008-2009 et 2010-2012 avant d’augmenter massivement les taux d’intérêt en 2022-2023, n’a pas pris la mesure de la crise économique en zone euro depuis l’automne 2023.
La situation pourrait s’améliorer un petit peu au second semestre de 2024 si la BCE enclenche une baisse des taux même minime et si le conflit en Ukraine en se durcit pas.
Le modèle social est dans le viseur de Bruno Le Maire. Il coûte cher : 850 milliards par an ! Quelles sont les pistes possibles ? Le ministre des Finances s’exprime beaucoup, il met en avant la piste des ALD …
La protection sociale coûte 33,5% du PIB sur les 56,5% de PIB de dépenses publiques, soit presque 60% de l’action publique. Et surtout personne ne semble jamais content ! Quand l’action publique est inefficace et que personne n’est content en dépit d’une dépense publique massive, c’est que le moment de restructurer totalement l’action publique est venu.
Il faut en urgence réduire les prestations par une désindexation partielle, aligner les règles d’obtention des allocations-chômage sur celles de l’Allemagne et durcir les conditions d’obtention des minima sociaux. Pendant trois ans, les retraites et allocations d’invalidité doivent progresser selon l’inflation moins 1%, les allocations familiales et allocations logement doivent augmenter selon l’inflation moins 1,5% et les minima sociaux selon l’inflation moins 2%.
Il faut mettre les collectivités locales à contribution en gelant les dotations de l’Etat en nominal pendant trois ans et en imposant par la loi que les dépenses de fonctionnement des collectivités locales n’augmentent pas plus de 1% par an en nominal.
Le ministre des Finances veut que l’Etat gère définitivement l’assurance chômage. Quelle analyse faites-vous de cette annonce ?
La vraie solution est d’aligner par la loi les conditions d’obtention du chômage sur les pays du Nord. Il faut avoir travaillé un an sur les 18 derniers mois pour obtenir des allocations, limiter les prestations à 12 mois pour les moins de 50 ans, et à 15 mois pour les moins de 60 ans et 18 mois au-delà, et exiger que les chômeurs ayant bénéficié d’une formation obligatoire prennent l’emploi correspondant à l’issue de celle-ci.
Le 26 avril prochain, les agences de notation vont rendre de nouveau leurs verdicts sur la crédibilité de la signature française. Quel est votre pronostic ?
Si le gouvernement s’inspire des propositions que je viens de faire, nous n’aurons rien à craindre. Malheureusement, il est vraisemblable que le gouvernement va se contenter de demi-mesures, que le président Macron va augmenter la dépense publique de 500 millions ou 1 milliard d’euros à chaque prise de parole, que les collectivités locales vont continuer de créer des emplois publics, etc.
Il faudra cogner le mur ou mettre d’autres responsables à la tête du pays tenant enfin un discours de vérité, comme celui que je viens de vous proposer, pour que la situation du pays s’améliore effectivement. Où sont-ils ? Car le mur approche.