L’année 2024 commence dans le flou pour l’économie française. Dans quel état se trouve notre économie ? Y-a-t-il des raisons d’espérer ou faut-il s'inquiéter ?
Bien qu’il soit de rigueur de se souhaiter une bonne année en ce mois de janvier 2024, la conjoncture est mauvaise comme en témoignent les indicateurs macroéconomiques français qui sont tous dans le rouge : si la France a bel et bien connu un mouvement de désinflation – c’est-à-dire de ralentissement de la hausse des prix à la consommation – tout au long de 2023, l’indicateur avancé qu’est le glissement annuel des prix à la production vient de repartir à la hausse depuis quelques mois, ce qui signifie que l’inflation que vont subir les ménages français risque, sinon de rebondir, au moins de rester durablement élevée. Suite à la remontée des taux directeurs depuis juillet 2022, l’immobilier français souffre également et, comme toutes les périodes de resserrement monétaire, l’épisode actuel va se terminer – c’est d’ailleurs l’objectif des banquiers centraux pour tenter de contrôler l’inflation – par une récession généralisée de la zone euro : après l’Allemagne, ce sera donc au tour de la France de voir son PIB reculer en 2024. Où qu’on regarde dans les statistiques de l’INSEE, les voyants sont écarlates : le déficit budgétaire de l’Etat devrait atteindre 4% du PIB pour 2023, auquel il convient d’ajouter un déficit des comptes courants (essentiellement commercial) de l’ordre de 2%, soit 6% avant toute récession, laquelle pourrait aisément faire doubler le déficit global de la France en 2024 à 12% de son PIB, ce qui n’est absolument pas soutenable. Quant à notre dette publique, mère de beaucoup de nos problèmes, elle frôle désormais les 3 100 Mds € (115% du PIB environ), détenus pour plus de la moitié par des investisseurs étrangers qui ne tolèreront aucun défaut de paiement ; c’est sans compter la dette dite « hors bilan », qui ne fait jamais la une des journaux, alors qu’elle s’élève à au moins autant et qu’elle correspond à des engagements concrets de l’Etat vis-à-vis de la retraite des fonctionnaires par exemple. Malheureusement, nos gouvernements successifs ne peuvent avoir fait preuve de tant d’incurie en matière de gestion des finances publiques depuis le début des années 70 sans que cela n’ait les graves conséquences que nous constatons aujourd’hui.
Pour sortir de cette situation de déficits budgétaire et commercial, quelles mesures doivent être prises ? Emmanuel Macron promet, après tout, de poursuivre les réformes !
Depuis sa fondation voilà dix ans, Samarie & Cie plaide pour un « libéralisme souverain », seule voie, à notre sens, pour sortir de l’ornière dans laquelle une élite politico-administrative a maintenu la France. La quintessence du travail de cette oligarchie a été le traité de Maastricht en 1992 qui promettait, qu’on s’en souvienne au moment où disparaît monsieur Delors, « la croissance et la paix », bref la prospérité. Triste bilan trente ans plus tard : récession à l’intérieur et guerre à nos portes ! Si, entre 2000 et 2020, la production industrielle de l’Allemagne a crû d’un peu moins de 40% (l’euro étant taillé pour elle), il n’en a été de même ni pour l’Espagne (-20%), ni pour l’Italie (-15%), ni pour la France (-5%) où son poids dans le PIB a été divisé par deux ces quarante dernières années, pour atteindre péniblement 10% aujourd’hui. Si le Frexit s’impose donc, moyennant des modalités, plus ou moins radicales, dont on peut toujours débattre, il est loin d’être une baguette magique. Pour redevenir libres et souverains, ce n’est pas de réformettes que nous avons besoin, qui sont là, comme celle des retraites au printemps 2023, pour rassurer un temps les marchés financiers, au prix, on l’a vu, de tensions sociales extrêmes, sans jamais s’attaquer au fond des problèmes (la quasi absence, en l’espèce, de capitalisation dans le financement de nos retraites), le tout sur fond de mesurettes le plus souvent injustes, ou hypocrites (à quoi a-t-il en effet servi de repousser l’âge légal de départ à la retraite quand on sait que l’âge moyen était déjà de 64 ans ?) : la France a besoin de redevenir réellement compétitive en se défaisant de l’économie de rente et du capitalisme de connivence dans lesquels elle excelle ! Pour cela, il lui faut casser tous les monopoles, qu’ils soient privés (lorsqu’ils s’éternisent hors brevets) ou étatiques ; protéger nos savoirs à haute valeur ajoutée, nos savoir-faire non délocalisables, nos services portés par une tradition locale, nos filières d’expertise, notre « capital immatériel et incorporel » que la bureaucratie européenne ne défend absolument pas face aux géants américains ou chinois. Cela suppose, enfin, de défendre la figure centrale de l’entrepreneur comme homme de vision, d’indépendance, de terrain, qui n’est pas seulement guidé par le profit mais aussi ancré dans un génie national. Small is always more beautiful : contrairement à ce qui a été fait dans la gestion du Covid, il faut défendre le petit indépendant, beaucoup moins enclin à l’inflation bureaucratique que la grande entreprise ou l’administration.
La question du pouvoir d’achat, du logement, des services publics demeure centrale pour beaucoup de citoyens français… Notre pays a-t-il les moyens financiers de restaurer ne serait-ce qu’un secteur hospitalier digne de ce nom ?
Notre fameux « modèle social », dont nous sommes si fiers, mais qu’aucun autre pays développé, en réalité, ne nous envie, a failli : sur les quinze dernières années, notre dette publique a augmenté trois fois plus que le PIB en valeur ! Le gouvernement cherche à reformer ce modèle social si l’on en croit les informations venues du ministère des Finances. Nous avons la médaille d’or des pays de la zone euro en la matière. Depuis début 2020, la France s’est endettée de plus de 700 Mds € supplémentaires et n’est parvenue dans le même temps à générer qu’un peu plus de 300 Mds € de PIB additionnel : le moteur est cassé. Aucune des recettes de cuisine keynésiennes prônant des politiques conjoncturelles contracycliques alternant relance budgétaire (réputée de gauche) et rigueur budgétaire (réputée de droite) n’a fonctionné, ni ne peut fonctionner : il faut en effet accompagner les cycles économiques et non chercher à les contrer. Concrètement, la France, dont François Fillon avait dit, à juste titre, dès 2007, qu’elle était « en situation de faillite », a continué de vivre au-dessus de ses moyens. Ce qu’il lui faut, c’est donc, simultanément, un choc d’offre et un choc de demande : choc d’offre parce qu’il faut abaisser drastiquement le coût du travail en déplafonnant l’allègement des charges sociales (patronales) qui prévaut actuellement pour les salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC ; mais choc de demande aussi car il faut rendre du pouvoir d’achat aux actifs occupés en réduisant les cotisations salariales pour « désocialiser » le financement d’une protection sociale qui repose encore trop largement sur la vision régressive de la « sécurité sociale ». En face, l’Etat doit s’astreindre à un régime draconien de baisse de ses dépenses, ce qui lui permettra ensuite d’accompagner ce double choc d’offre et de demande en réduisant fortement toutes ses recettes, à commencer par la TVA, l’impôt sur les bénéfices et l’impôt sur le revenu, ce dernier pouvant être converti en flat tax. Avec un Etat recentré, comme est actuellement en train de le faire le nouveau président argentin Javier Milei, sur moins de dix ministères, on respirera enfin et les administrations centrales régaliennes retrouveront des marges de manœuvre financières pour embaucher non à Paris mais sur le terrain, là où les services publics (gendarmes, enseignants, soignants, etc.) souffrent le plus du fameux « manque de moyens ». Faut-il encore garder un système éducatif centralisé rue de Grenelle ? Un système de santé suradministré ? Voilà des questions pour 2027.
Les Français n’ont jamais autant payé d’impôts. Où passe l’argent d’une fiscalité étouffante alors que les services publics donnent l’impression de disparaître ? Gabriel Attal a fait de l’Education ou de la santé, ses priorités !
On ne le dit jamais assez : avec près de 46% du PIB, la France est en effet le numéro un mondial de la pression fiscale ! Nos voisins suisses ont gardé un taux de prélèvement obligatoire stable autour de 30% du PIB, ce qui semble amplement suffisant pour administrer un pays développé à économie de marché. Environ 30%, c’était la pression fiscale de la France sous le Général de Gaulle, lequel avait, avec J Rueff, considérablement dégraissé la machine bureaucratique pour rendre la dépense publique « efficace ». Le problème de la France aujourd’hui, c’est qu’elle représente un peu plus de 2% du PIB mondial mais que ses dépenses sociales en représentent 9%. Cela ne peut durer encore très longtemps et chaque jour qui passe nous rapproche de l’échéance du défaut de paiement, celui-là même qu’a connu maintes fois l’Argentine ou encore la France lors de la « faillite des deux tiers » de 1797 (crise des Assignats). Dans un tel scénario, nous nous verrions attaqués sur les marchés financiers puisqu’une grosse moitié de nos obligations souveraines sont détenues par des non-résidents qui, déjà échaudés par le krach obligataire depuis juillet 2022, n’apprécieraient guère cette tournure des évènements. En plus de sa médaille d’or fiscale, la France est aussi sur le podium pour le poids de ses dépenses publiques, dont près de 60% finance… notre protection sociale et rien que la moitié (30%) notre système de retraite ! A côté, l’Etat français ne dépense par exemple que 2% en Recherche & Développement et 6% sur ses missions régaliennes. Il nous faut collectivement revoir nos priorités. Plusieurs référendums s’imposent.
La baisse des taux en Europe devrait se poursuivre en 2024… De quoi redonner de l’air à la croissance et à l’emploi ?
Hélas non, car les baisses déjà annoncées outre-Atlantique et probables du côté de la BCE au premier semestre 2024, n’interviennent que parce que la récession est déjà là ! C’est d’ailleurs du jamais-vu de « reflater » avant même l’arrivée de la récession, ce qui pourrait être interprété comme un signe de fébrilité des banquiers centraux. En matière de politique monétaire, il faut en effet distinguer taux d’intérêt monétaire (taux courts) et taux obligataire (taux longs) : si les premiers, administrés par une banque centrale, devraient en effet connaître une légère baisse en 2024 (moins d’un point de % cependant), les seconds, déterminés par les marchés, resteront durablement élevés au moins tout 2024. Or ce sont ces derniers qui sont payés par les emprunteurs, que ce soient des ménages pour une acquisition immobilière, des entreprises pour financer leurs investissements, ou bien sûr l’Etat dont le service de la dette ne cessera de s’accroître. On peut ainsi estimer qu’à échéance de 5 à 7 ans les seuls intérêts de la dette publique coûteront à l’Etat français quelque 70 à 90 Mds € par an. Avec une croissance du PIB durablement inférieure aux taux longs, la France est piégée dans une trappe à dette.
Pensez-vous atteignable l’objectif de plein emploi d’Emmanuel Macron pour la fin de son quinquennat, en 2027 ?
Compte tenu de tous ces éléments, c’est purement et simplement de l’enfumage, à l’image de la transformation, cosmétique, de Pôle Emploi en France Travail, qui illustre au passage la « République des copains et des coquins » puisque c’est un très fidèle du président, Thibaut Guilluy, qui en a pris les rênes. Dans les faits, et on en parle peu, ce sont déjà presque 100 000 personnes de plus qui sont au chômage toutes catégories confondues depuis seulement juin dernier et, avec la récession qui arrive, ce n’est malheureusement pas fini ! Le hic réside dans la communication du Gouvernement qui laisse entendre que le taux de chômage aurait baissé depuis que Macron a été élu en 2017 : c’est vrai si l’on ne considère que les 3 millions de chômeurs dits de catégorie A (France entière), mais c’est à relativiser très fortement si l’on inclut les près de 6,2 millions d’actifs plus ou moins partiellement inoccupés (catégories A à E) qui constituent ce que l’on appelle le « halo du chômage ». C’est avec un discours de vérité et davantage de transparence sur les chiffres officiels que l’on peut convaincre les Français de faire les efforts nécessaires au redressement du pays. Pas avec les recettes miracles et les réformettes du « en même temps ».
Le monde agricole est en ébullition partout en Europe . L’annonce d’Emmanuel Macron de prix planchers pour les filières agricoles est-elle la solution ?
En marge de son déplacement houleux au Salon de l’agriculture, E Macron a annoncé vouloir instaurer des « prix planchers » : il s’agit de prix en-dessous desquels l’industrie agro-alimentaire ne pourra pas négocier avec les agriculteurs, définis en fonction de l’IPAMPA, l’indice des prix d'achat des moyens de production agricoles. Comme toujours en économie, il ne faut pas regarder que ce que l’on voit, c’est-à-dire la hausse potentielle, ponctuelle et en trompe-l’œil du revenu agricole ; il faut aussi déceler ce que l’on ne voit pas, c’est-à-dire les effets pervers, bien connus, de toute intervention étatique de ce type sur un marché, à savoir, pour commencer, une pénurie de la demande, c’est-à-dire des industriels qui trouveront le prix-plancher trop élevé, ce qui conduira éventuellement les centrales d’achat européennes de la grande distribution, par ricochet, à se détourner des produits français, déjà très chers, rendus encore moins compétitifs du fait de cette mesure. Les agriculteurs français, eux, seront rationnés et perdront des marchés à l’exportation… sauf à imposer un prix-plancher dans toute l’UE ! Il y a aussi la tentation contraire, pour les industriels, de tirer un prix d’achat qui serait supérieur au prix-plancher vers ce dernier… au détriment, à nouveau, des producteurs agricoles. Cette mesure socialiste – qui rappelait même « Cuba ou l’Union soviétique avec les succès que nous leur connaissons » à Olivia Grégoire, alors ministre déléguée à la Consommation – est en général suivi de l’instauration d’un prix-plafond, tout aussi vicieux, pour essayer de conjurer les dégâts du prix-plancher, et ainsi, de fil en aiguille, d’une mise en coupe réglée de tout le secteur concerné… Il en est allé ainsi du salaire minimum, un prix-plancher qui crée du chômage, ou de la loi Duflot d’encadrement des loyers, un prix-plafond qui crée des pénuries de logements sur le marché de la location. Voilà à quoi s’attendre.